Ukraine
Article de Libération du 12 mars 2022
Selon l’exécutif 100 000 exilés ukrainiens pourraient être accueillis en France dans les prochaines semaines. Les pouvoirs publics veulent organiser l’élan solidaire des acteurs du logement et des particuliers.
par Eve Szeftelpublié le 11 mars 2022 à 22h25
Jusqu’à présent, la France était dans une situation inhabituelle de surcapacité : l’offre d’hébergement excédait largement la demande. Mais la guerre s’installant dans la durée, le nombre de réfugiés ukrainiens n’a cessé d’augmenter et dépasse aujourd’hui les 2,5 millions. Et, bien que l’Hexagone ne soit pas une destination privilégiée par rapport à l’Allemagne, qui accueille déjà plus de 100 000 Ukrainiens, le nombre de réfugiés a fortement augmenté depuis mardi. A raison de 3 000 nouvelles arrivées quotidiennes, le gouvernement anticipe désormais de devoir accueillir 100 000 exilés dans les prochaines semaines.
Actuellement, 3 800 Ukrainiens sont hébergés en France, le plus souvent par des amis ou des connaissances. Les autres sont en transit vers d’autres pays : Grande-Bretagne, Espagne ou Portugal. Mais les autorités se préparent à passer à l’étape suivante : loger des familles le temps de la guerre, et non pas seulement quelques semaines. «On travaille avec deux objectifs : prendre en charge les personnes qui arrivent maintenant et être capable d’accueillir plus de monde rapidement, explique à Libération la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Compte tenu de la gravité de la crise, il faut que le système puisse accélérer et monter en puissance.»
«Les plus pauvres les plus solidaires»
Vendredi, tous les acteurs du logement ont donc défilé au ministère pour tenter de se coordonner : les associations (Habitat et Humanisme, Emmaüs, Secours populaire, Croix-Rouge), puis l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui regroupe les principaux organismes HLM, Action logement et la Caisse des dépôts, afin de recenser les logements disponibles, en priorité dans les zones qui ne sont pas en tension. Enfin, les promoteurs Gecina et Nexity, ainsi que la plateforme de location saisonnière Airbnb, qui ont proposé leur aide, ont également été reçus par la ministre.
Côté particulier, l’élan de générosité ne faiblit pas. Les associations caritatives disent n’avoir jamais reçu autant de dons et les propositions d’hébergement affluent : la plateforme Je m’engage pour l’Ukraine recensait plus de 30 000 offres trois jours après son lancement. Les pouvoirs publics s’efforcent désormais d’organiser cet élan. «Une fois inscrits sur la plateforme, les particuliers seront contactés par les services de l’Etat ou les associations», a indiqué la ministre. Objectif : identifier une association référente par département, qui «centralise les offres, et mettre en relation les propriétaires et les familles de réfugiés». L’association accompagnera les familles dans leurs démarches administratives : obtention du titre de séjour, de l’Aide médicale d’Etat, des Allocations personnalisées au logement – auxquelles donne droit le statut de protection temporaire accordé aux Ukrainiens – ou inscription à l’école. Elle pourra aussi aider le particulier pour qu’il ne soit pas seul à gérer une prise en charge pouvant s’avérer plus lourde qu’anticipé, ne serait-ce que sur un plan financier.
Au risque d’en faire trop?
«Les gens me disent qu’ils ne pourront pas héberger des réfugiés au-delà de quinze jours ou un mois, car eux-mêmes ont des difficultés à payer leurs factures d’électricité ou faire le plein d’essence, témoigne la sénatrice PCF du Pas-de-Calais Cathy Apourceau-Poly. Dans ma ville, Avion, il n’y a pas de riches, que des pauvres et des très pauvres. Eh bien, ce sont les plus pauvres les plus solidaires.» Et l’élue de citer le cas d’une dame âgée qui s’est privée de chauffage cet hiver.
Certains souhaitent que l’Etat aille encore plus loin. Au risque d’en faire trop ? Le député centriste de Haute-Garonne, Sébastien Nadot, est à l’origine d’une résolution, signée par une quinzaine de députés, demandant au gouvernement d’affréter des bus pour aller chercher des réfugiés et de transformer les centres de rétention administrative, où sont enfermés les étrangers sous le coup d’une obligation de quitter le territoire, en lieux d’hébergement.