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Quand les entreprises aident leurs salariés étrangers à obtenir des papiers

Quand les entreprises aident leurs salariés étrangers à obtenir des papiers

par Ouafia Kheniche publié le 9 novembre 2019 à 9h18

article publié sur le site de FRANCE INTER

 

 

 

Pendant que le gouvernement réfléchit à mettre en place de quotas pour chiffrer le nombre de travailleurs migrants en fonction des secteurs, certains patrons en manque de main-d’œuvre aident des salariés à effectuer les démarches administratives pour obtenir une autorisation de travail. 

Jean et Samba, patron et employé, ont connu ensemble le long parcours pour obtenir une autorisation de travail. © Radio France / Ouafia Kheniche

Faciliter les démarches administratives : c’est la première suggestion que font les chefs d’entreprises au sujet de l’emploi de salariés étrangers hors union européenne.

Pour les patrons qui souhaitent embaucher, le plus long et le plus difficile est de parvenir à obtenir des autorisations de travail, une proposition qui ne figure pourtant pas parmi les 20 mesures proposées par le gouvernement sur l’immigration. L’exécutif souhaite organiser des quotas de travailleurs étrangers en fonction des secteurs. Une mesure qui ne semble pas répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises en manque de salariés.

L’entreprise ITLink, cherche des ingénieurs compétents sans se soucier de leur nationalité. © Radio France / Ouafia Kheniche

Chez IT LINK, une entreprise numérique de 650 salariés, la directrice de ressources humaines est fière d’annoncer que la boîte compte 39 nationalités et des salariés européens et non-européens. « On a un gros besoin en recrutement. On recrute des profils qualifiés, voire hautement qualifiés, d’ingénieurs. On manque de ressources et de candidats disponibles », raconte Cécile Chopinet. L’entreprise basée en région parisienne recrute de jeunes ingénieurs du monde entier après leurs études en France. Parmi les postulants retenus : des Chinois, des Indiens, des Tunisiens. « La première difficulté qu’on rencontre pour embaucher ces jeunes, c’est une difficulté administrative », explique Cécile Chopinet.

Pour avoir un contrat, il faut d’abord des autorisations de travail

Pour avoir un contrat, il faut d’abord des autorisations de travail, des démarches qui prennent du temps comme l’explique la directrice des ressources humaines : « Il faut qu’on monte avec eux un dossier administratif auprès du service des mains d’œuvres étrangères d la DIRECCTE [direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi]. Ce sont des statuts qui en plus ne durent qu’un an alors qu’on veut se projeter avec nos salariés sur le long terme qui soient Union européenne ou hors Union européenne ; pour nous, peu importe. »

Une démarche longue et aléatoire en fonction des préfectures. Pour Cécile Chopinet, c’est une perte de temps précieux qui devrait plutôt servir à mener des projets. Enfin, pour cette entreprise, c’est aussi tout simplement la difficulté à offrir un avenir professionnel à des salariés qu’elle trouve pourtant compétents. Alors qu’elle a besoin de ces jeunes ingénieurs étrangers, elle doit parfois mettre fin au contrat faute d’autorisation de travail…

« On vous dit  : « surtout, n’employez personne qui n’aurait pas de papiers ». Le problème, c’est que personne en France ne veut faire ces métiers-là ! »

Ces métiers hautement qualifiés ne sont pas les seuls à souffrir de ce manque de main d’œuvre et des incohérences administratives qui freinent les embauches. La chasse aux salariés en France concerne aussi le bâtiment, les entreprises de sécurité et de gardiennage, les aides à la personne et la restauration.

Jean avait 27 ans quand il a ouvert son premier restaurant. Ce propriétaire de deux restaurants parisiens a lui aussi du mal à trouver de bons salariés. Comme Samba, embauché il y a trois ans. Mais au bout de quelques mois, alerté par sa comptable, le patron du restaurant se rend compte que son employé a utilisé les papiers d’un autre homme qui a lui, le droit de travailler en France. « Je ne savais pas quoi faire », explique Jean. Employer un travailleur illégalement : dans la restauration, cela n’a rien d’inhabituel. Mais Jean ne veut pas prendre ce risque. Samba lui parle alors de personnes qui peuvent les aider.

Une situation ubuesque

Pour garder son précieux cuisinier, il accepte de l’accompagner pour ses démarches. Il découvre alors une situation ubuesque : « On vous dit : « surtout n’employez personne qui n’aurait pas de papiers ». Le problème, c’est que personne en France ne veut faire ces métiers-là, donc on est obligé de trouver une autre main d’œuvre et cette main d’œuvre elle vient directement à nous, elle vient frapper à notre porte. » C’est à ce moment-là que les deux hommes se rendent à la permanence de la CGT. Le syndicat va les accompagner pas à pas pour les aider dans les démarches administratives.

Depuis trois ans, le restaurateur a accompagné cinq autres de ses employés dans leurs démarches et avec l’aide de la CGT, ils ont obtenu des papiers pour travailler légalement sur le sol français, où l’on a manifestement besoin d’eux.