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Rapport de la défenseure des droits

RAPPORT

Les mineurs non accompagnés au regard du droit

Face au droit, nous sommes tous égauxpage1image144383296page1image144382528

Avertissement

Le présent rapport ne prétend pas à l’exhaustivité s’agissant de la problématique des mineurs isolés étrangers ou mineurs non accompagnés et des difficultés juridiques auxquelles ils sont confrontés en France. Il vise à rassembler dans un seul outil les analyses du Défenseur des droits depuis près de dix ans en la matière.

Sa rédaction a été réalisée avant le passage en commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la protection des enfants.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Sommaire

Éditorial 5 

Introduction 6

I· L’entrée sur le territoire 10

A· La zone d’attente des aéroports 10

  1. 1·  Le maintien en zone d’attente 10
  2. 2·  L’asile à la frontière 14

B· Les frontières terrestres 16

1· La frontière italienne 17 2· Les réadmissions vers l’Espagne 19

II· Les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile 21

A· L’accès à la procédure d’asile
pour les mineurs non accompagnés 22

  1. 1·  Le premier enregistrement 22
  2. 2·  L’intervention de l’administrateur ad hoc 23

B· La réunification familiale pour un mineur demandeur d’asile 25

  1. 1·  De la France vers un État membre de l’Union Européenne 25
  2. 2·  Le cas du Royaume-Uni 26
  3. 3·  D’un État membre de l’Union Européennevers la France 27

C· La relocalisation des mineurs non accompagnés depuis la Grèce 29

  1. 1·  Le processus de sélection des mineurs en Grèce 30
  2. 2·  L’arrivée en France 31

III· L’accès des mineurs non accompagnés au dispositif de la protection
de l’enfance

A· Les mineurs éloignés de la protection

1· Les mineurs dits « en transit »
2· Les mineurs en errance, en conflit avec la loi : le phénomène de la traite en question

B· L’intervention administrative

  1. 1·  Le recueil provisoire d’urgence
  2. 2·  L’évaluation de minorité et d’isolement2-1. L’intervention de l’Etat : la question des fichiers2-2. L’entretien social d’évaluation
  3. 2-3. Les actes d’état civil présentés par le mineur lors de l’évaluation
  4. 3·  Le refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance

C· L’intervention de l’autorité judiciaire

1· La saisine de l’autorité judiciaire

1-1. Le parquet et la procédure pénale

1-2. Le mineur non accompagné devant le juge des enfants 57

  1. 2·  L’état civil devant le juge 58
  2. 3·  L’application de l’article 388 du code civil etl’examen radiologique osseux 61 3-1. Les conditions d’application del’article 388 du code civil 61 3-2. Les examens radiologiques osseuxen question 62
  3. 4·  La répartition nationale et l’intérêt supérieur de l’enfant 63

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IV· La prise en charge des mineurs non accompagnés

A· L’accompagnement socio-éducatif des mineurs non accompagnés

  1. 1·  Le statut juridique des mineurs confiés en protection de l’enfance
  2. 2·  L’hébergement et l’accompagnement éducatif2-1. L’hébergement
    2-2. L’accompagnement éducatif

V· La majorité 84

B· Le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés 73

  1. 1·  Le droit à l’identité : la reconstitution des actes d’état civil 73
  2. 2·  Le droit à l’éducation et à la formation professionnelle 752-1. L’accès à la scolarité 75 2-2. L’accès à la formationprofessionnelle 78 2-3 L’ouverture d’un compte bancaire 79
  3. 3·  Le droit à la santé 80
  4. 4·  Le droit aux loisirs et à la culture 83
  1. 1·  La protection jeunes majeurs
  2. 2·  La garantie jeune

B· L’admission au séjour

  1. 1·  La justification de l’identité du demandeur
  2. 2·  La question de la fraude
  3. 3·  Les liens avec la famille restée au pays d’origine
  4. 4·  La formation professionnelle, l’insertion du jeune majeur dans la société française et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme

Conclusion : recommandations de la Défenseure des droits

A· L’accompagnement éducatif vers l’autonomie et les mesures d’aide aux jeunes majeurs

Poussés sur le chemin de l’exil, des mineurs arrivent en France seuls, sans famille ni ressources, après un parcours migratoire souvent traumatisant, fait de violences, de solitudes, de dangers.

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée par la France, stipule dans son article 20 que « tout enfant temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’État y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants, sans considération de leur nationalité, de leur statut au regard de l’immigration ou de leur apatridie ».

Les mineurs non accompagnés (MNA), auparavant nommés mineurs isolés étrangers (MIE), qui arrivent dans notre pays, ont donc droit à la même protection que tout autre enfant.

En France, l’institution du Défenseur des droits, aussi chargée de la défense des droits des enfants, a pour mission de s’assurer du respect des droits de ces mineurs vulnérables et de leur protection.

Sa position à leur égard est constante : tout jeune se disant mineur et isolé doit être considéré
« comme un enfant à protéger, relevant de ce fait des dispositions légales de la protection de l’enfance » et non comme « un étranger, relevant de la compétence de l’État ». Cette approcheest conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui rappelle aux États qu’il convient de garder à l’esprit que « la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ».

La situation des enfants migrants s’assombrit au rythme des mesures prises à leur encontre, dans une forme d’indifférence inquiétante.

Par nos recommandations, par nos décisions, par nos observations en justice, par nos avis
au Parlement, et aujourd’hui par le présent rapport, nous insistons depuis plus de dix ans sur l’impératif qui s’attache à la pleine effectivité des droits fondamentaux des enfants, d’où

qu’ils viennent, dans le respect de leur intérêt supérieur. Il n’est pas d’enfant dont il serait admissible que la protection ne soit que relative ou dégradée.

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éditorial

Claire HÉDON

Défenseure des droits

Éric DELEMAR

Défenseur des enfants

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Un mineur non accompagné ou mineur
isolé étranger est un enfant de moins de 18 ans, de nationalité étrangère, arrivé sur le territoire français sans être accompagné
par l’un ou l’autre des titulaires de l’autorité parentale ou par un représentant légal.
La notion d’isolement est une notion
juridique qui renvoie à l’exercice de l’autorité parentale sur un mineur, qui selon le code civil n’a pas de capacité juridique. La notion d’accompagnement, plus large, renvoie au fait pour le mineur de ne pas être accompagné d’un adulte qui prend soin de lui. La loi française utilise le terme de « mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ».

Comme souvent, les termes utilisés ne sont pas anodins, un enfant accompagné pouvant être juridiquement isolé en ce que l’adulte qui l’accompagne ne dispose pas de l’autorité parentale sur l’enfant dont il prend soin.

En 2020, 9 524 mineurs non accompagnés ont intégré le dispositif de protection de l’enfance sur un total de 199 500 enfants accueillis par l’ASE selon les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation

et des statistiques (DREES). Au 10 décembre 2021 (au moment de la rédaction du présent rapport), 10 486 mineurs non accompagnés ont intégré le dispositif.

La situation des mineurs non accompagnés, auparavant nommés mineurs isolés étrangers, revient ces dernières années de manière récurrente dans les discours publics. MNA ou MIE, deux acronymes derrières lesquels est bien souvent dissimulée la réalité douloureuse d’enfants et d’adolescents présents sur notre territoire, qui tentent d’obtenir la protection à laquelle ils ont droit.

Depuis sa création, le Défenseur des droits n’a cessé d’être saisi et de se prononcer sur la situation de ces mineurs et les difficultés auxquelles ils sont confrontés depuis leur arrivée sur le territoire jusqu’à l’âge adulte.

En 2020, 10,2 % des 3016 saisines relatives aux enfants, concernaient des mineurs étrangers, dont la majeure partie des mineurs non accompagnés, et émanaient des jeunes eux-mêmes, des associations, des collectifs, des travailleurs sociaux, des avocats, ou de saisines d’office.

Dès 2012, l’institution a pris une première décision de recommandations généralesvenant définir pour l’avenir le cadre de son intervention en la matière.

Suivant depuis avec vigilance les évolutions législatives et règlementaires, le Défenseur des droits observe que bien peu de thématiques ont subi depuis 10 ans autant d’évolutions

et de modifications de son cadre légal. Il observe un glissement progressif du droit commun de la protection de l’enfance vers
un véritable droit d’exception s’alignant sur le droit des étrangers dans toute sa complexité et son instabilité, tendant à considérer ces mineurs comme des migrants avant d’être des enfants. Au-delà des évolutions législatives, les discours politiques évoluent eux-aussi et transforment le regard que la société porte sur ces mineurs ; tour à tour l’objet de soupçons, sur leur âge, leur trajectoire, leur histoire et les motifs de leur arrivée, ou d’admiration lorsque certains d’entre eux sont portés au-devant

de la scène médiatique, érigés en modèle de réussite.

Mobilisant l’ensemble des dispositions constitutionnelles, conventionnelles et de
droit interne, le Défenseur des droits a rendu de nombreuses décisions, rapports, et avis
au Parlement auxquels il sera fait référence tout au long de ce rapport. A travers ceux-ci,
il a tenté d’éclairer les juridictions nationales
et internationales, les départements et l’État sur l’approche et l’application du droit à ces enfants, dans le strict respect de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ratifiée par la France en 1990. Il n’a eu
de cesse de rappeler qu’avant d’être des étrangers, les mineurs non accompagnés sont des enfants qu’il convient de protéger.

introduction

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Institution chargée de veiller au respect
de la CIDE par la France, le Défenseur des droits s’est montré attentif à ce que les recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant (le Comité) soient effectivement appliquées sur l’ensemble du territoire national. Il en rend compte dans un rapport d’appréciation à chaque examen périodique de la France2.

Le respect et la prise en considération de l’intérêt supérieurde l’enfant guide à ce titre son action. Le Comité des droits de l’enfant, dans son observation générale n° 14 (2013) du 29 mai 2013, indique que « le paragraphe 1 de l’article 3 de la [CIDE] confère à l’enfant le droit à ce que son intérêt supérieur soit évalué et soit une considération primordiale dans toutes les actions ou décisions qui le concernent, tant dans la sphère publique que dans la sphère privée ». Le Comité estime ainsi que

« Quand une décision qui aura des incidences sur un enfant en particulier, un groupe défini d’enfants ou les enfants en général doit être prise, le processus décisionnel doit comporter une évaluation de ces incidences (positives ou négatives) sur l’enfant concerné ou les enfants concernés ».

Le Comité considère que « Chaque institution ou organe législatif, administratif ou judiciaire est tenu de se conformer au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en se demandant systématiquement comment les droits et les intérêts de l’enfant sont ou seront affectés par ses décisions et ses actes (…) ».

Ainsi, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant :

  • doit être comprise comme la recherche dumeilleur intérêt de l’enfant, dans une situationdonnée ;
  • vise à assurer la jouissance effective de tousles droits reconnus dans la Convention ainsi que le développement global de l’enfant, que ce soit sur le plan physique, mental, spirituel, moral, psychologique ou social ;
  • est à la fois un objectif, une ligne de conduite, une notion guide, un principe procédural qui doit éclairer, habiter et irriguer toutes les normes et décisions internes en faveur des enfants.

D’autres droits et principes consacrés par la CIDE sont invoqués à l’appui des interventions du Défenseur des droits, en particulier, le droit de jouir des droits protégés par la Convention sans discrimination (article 2), le droit au respect de son identité (article 7), le droit d’être entendu (article 12), le droit à une protection en cas de privation de son milieu familial (article 20) et le droit à un niveau de vie suffisant (article 27).

A ce titre, le Comité rappelle systématiquement que le mineur non accompagné migrant doit être traité avant tout comme un enfant, une personne vulnérable, quel que soit son statut migratoire ou celui
de ses parents ou tuteurs. Cette approche
est également celle adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
qui rappelle régulièrement, au visa de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH) (prohibition absolue de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) mais également de manière plus récente de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) que la situation de vulnérabilité des mineurs non accompagnés migrants constitue l’élément déterminant qui doit prédominer sur leur qualité d’étranger4.

Dans l’affaire Khan c. France, la Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention, estimant que les autorités n’avaient pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à leur obligation de prise en charge et de protection. Dans l’affaire Rahimi c. Grèce, elle a relevé la défaillance des autorités dans la prise en charge d’un mineur non accompagné qui avait été abandonné à lui-même après sa mise en liberté d’un centre de détention5.Enfin, dans l’affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, la Cour a condamné les autorités belges pour avoir manqué à leur obligation de protéger et de prendre en charge une enfant d’un très jeune âge, séparée de sa famille et livrée à elle-même6.

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Au regard de l’ensemble de ces décisions et orientations, et sans mésestimer la complexité du processus d’évaluation de minorité et d’isolement, par les équipes éducatives, il est aujourd’hui indispensable de rappeler que cette réalité ne doit pas conduire les acteurs de la protection de l’enfance à opposer les mineurs non accompagnés aux autres enfants en danger, au risque de porter atteinte au principe d’universalité des droits de l’enfant et de non-discrimination, posés par la CIDE.

Ce glissement particulièrement accentué ces dernières années, s’expliquerait
par l’augmentation des flux migratoires
qui mettrait en tension les dispositifs départementaux de protection de l’enfance.

Selon le ministère de la justice, 16 760 personnes déclarées mineures non accompagnées entre le 1er janvier et le
31 décembre 2019 ont été portées à la connaissance de la mission mineurs non accompagnés (Mission MNA) placée au sein de la direction de la protection judiciaire

de la jeunesse. Ce nombre correspond au nombre de mineurs non accompagnés
confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance des départements métropolitains
au cours de l’année 2019. 31 009 mineurs
non accompagnés étaient pris en charge par les conseils départementaux le 31 décembre 2019; ce nombre inclut les mineurs non accompagnés confiés les années précédentes et toujours pris en charge, en tant que mineurs, à cette date. S’agissant du nombre de MNA pris en charge au 31 décembre 2020 ou 2021, aucun chiffre ne semble être disponible. A

ce titre, la Défenseure des droits a regretté à plusieurs reprises, dans ses avis au Parlement notamment, la difficulté d’obtenir des chiffres clairs et consolidés sur cette question.

Les chiffres contenus dans les rapports d’activités de la mission MNA ne permettent pas de déterminer le nombre de personnes qui se sont présentées comme mineurs
non accompagnés. Ainsi, d’après la mission,
« certains départements ont un faible pourcentage de personnes reconnues mineurs non accompagnés mais peuvent accueillir un

grand nombre de personnes se présentant comme telles. Les flux se concentrent majoritairement sur les départements frontaliers ». Cette difficulté, récurrente, pour obtenir des chiffres consolidés du nombre de jeunes exilés se présentant comme mineurs non accompagnés auprès des départements et du taux de reconnaissance de minorité et d’isolement par les services évaluateurs et
par l’autorité judiciaire a déjà été également signalée et déplorée par le Défenseur des droits, notamment auprès du comité des droits de l’enfant8.

Selon la DREES, « 367 000 mesures d’aide sociale à l’enfance (ASE) étaient en cours
fin 2019, dont 53% consistaient en des placements de mineurs ou des accueils de jeunes majeurs en dehors de leur milieu de vie habituel. Les autres mesures sont des actions éducatives exercées en milieu familial ». Ce qui signifie qu’en 2019, à peine 16% des mineurs confiés à l’ASE étaient des mineurs non accompagnés, qui représentaient donc 8,4% des mesures d’aide sociale à l’enfance9.

Il faut donc relativiser le poids de la prise
en charge financière de ces enfants sur les dépenses d’aide sociale des départements, d’autant plus lorsqu’on évalue plus finement le coût de leur prise en charge très inégale selon les départements et selon les dispositifs dans lesquels ils sont accueillis.

Depuis 5 ans, le Défenseur des droits a eu
à connaitre des situations individuelles ou collectives concernant des mineurs non accompagnés dans plus d’une soixantaine de départements, dont certains sont mis
en cause de manière récurrente. S’il a pu avoir connaissance de certains dispositifs et établissements qui ont fait la preuve de leur qualité et de leur efficacité, les instructions qu’il a menées l’on conduit à pointer de nombreuses difficultés. En outre il convient de rappeler que par définition la mission du Défenseur des droits, qui n’est saisi que des atteintes aux droits et à l’intérêt supérieur des enfants, le conduit nécessairement à une vision négative de la situation.

8

Ces saisines sont essentiellement relatives à l’accès à la prise en charge des jeunes exilés se disant mineurs non accompagnés, ainsi qu’à des violations des droits fondamentaux des mineurs confiés et protégés (droit

à l’éducation, droit à la santé, droit à
préserver son identité…) et à de multiples difficultés auxquelles ces jeunes gens sont confrontés lors de leur passage à la majorité (régularisation de leur situation administrative ; rupture brutale de leur prise en charge malgré une formation en cours…).

La multiplication des prises de position du Défenseur des droits sur l’ensemble des difficultés rencontrées par les mineurs non accompagnés justifie que soient regroupées dans un même document les décisions de recommandations générales et individuelles,

les observations devant les juridictions nationales, les tierce-interventions devant le Comité des droits de l’enfant des Nations- Unies, la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité européen des droits sociaux et les avis au parlement.

Mettre à disposition des acteurs agissant auprès de ces mineurs, un outil reprenant le cadre juridique interne et international ainsi que les positions du Défenseur des droits en la matière, tel est l’objectif du présent rapport.

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Partie I

L’entrée sur le territoire

L’entrée sur le territoire français pour des personnes de nationalité étrangère obéit
à des règles juridiques précises prévues
dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA10). Les règles sont les mêmes pour les adultes de nationalité étrangère et pour les mineurs
non accompagnés, à une différence près :
le mineur étant juridiquement incapable, un administrateur ad hoc doit lui être désigné sans délai par le procureur de la République, avisé immédiatement de sa présence en zone d’attente par l’autorité administrative (la police aux frontières). L’administrateur ad hoc (AAH) pourra ainsi accompagner le mineur

et le représenter dans toutes les procédures relatives à son entrée sur le territoire, notamment la demande d’asile11.

L’article 37 de la CIDE prévoit que « nul enfant ne peut être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».

Dès 2009, le comité des droits de l’enfant
a reproché à la France le placement des enfants, notamment les mineurs non accompagnés, en zone d’attente. A nouveau, le 23 février 2016, dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, le comité s’est dit préoccupé

par la situation des enfants migrants non accompagnés automatiquement placés dans les zones d’attente des aéroports, parfois avec des adultes, ainsi que par le
fait que ces enfants seraient renvoyés
avant même d’avoir parlé à un AAH. Il a dès lors recommandé à la France d’adopter les mesures nécessaires, notamment juridiques, afin d’éviter le placement d’enfants dans

les zones d’attente, en redoublant d’efforts pour trouver des solutions adéquates de substitution à la privation de liberté et pour assurer aux enfants un hébergement adapté.

Le Comité a également invité instamment la France à respecter pleinement ses obligations en matière de non-refoulement telles que rappelées dans son observation générale n° 6, du 1er septembre 2005, relative au traitement des enfants non accompagnés en dehors de leur pays d’origine.

A. La zone d’attente des aéroports 12
1. Le maintien en zone d’attente et l’administrateur

ad hoc

La loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a validé la possibilité du maintien des mineurs non accompagnés en zone d’attente, comme elle a d’ailleurs validé le principe du placement en rétention d’enfants.

Ainsi, l’article L.351-2 du CESEDA prévoit que

« Le maintien en zone d’attente d’un mineur non accompagné, le temps strictement nécessaire à l’examen tendant à déterminer
si sa demande d’asile n’est pas irrecevable ou manifestement infondée, n’est possible que de manière exceptionnelle (…) »
, lorsque :

• le demandeur provient d’un pays considéré comme d’origine sûr,

• le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable,

• le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire l’administration en erreur ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes.

10

En droit français, si un mineur non accompagné déjà présent sur le territoire français ne peut être éloigné de celui-ci13,
il est en revanche permis de refuser son admission sur le territoire et de le refouler à la frontière, sans que sa sécurité et son bien- être ne soient nécessairement garantis dans le pays de renvoi. En zone d’attente, il n’existe en outre aucune voie de recours permettant de suspendre le renvoi d’un mineur qui ne demande pas l’asile à la frontière, afin de permettre un examen sérieux de sa situation globale, notamment par les services sociaux.

Si l’administration assure vérifier les
« garanties de prise en charge dans le pays d’origine » à l’arrivée du mineur isolé avant de procéder à son refoulement, les modalités de cette vérification et l’étendue de ces garanties sont loin d’être clairement définies, d’autant plus qu’il existe souvent de forts risques de refoulement « en cascade », le mineur se trouvant livré à lui-même dans un pays de transit puis renvoyé vers son pays d’origine.

Ainsi, la Défenseure des droits considère qu’en prévoyant que les mineurs non accompagnés ne peuvent être maintenus en zone d’attente qu’à titre exceptionnel, le législateur a consacré, a contrario, leur présence dans de tels lieux. Or, c’est bien le principe même du placement des enfants non accompagnés

en zone d’attente qui est critiquable, de
même que les risques de refoulement qu’ils y encourent. La Défenseure des droits constate à travers ses saisines, que le maintien en zone d’attente de mineurs non accompagnés n’est en pratique pas exceptionnel, contrairement aux termes de la loi.

L’article L.343-2 du CESEDA indique :

« Lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son maintien en zone d’attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives

à ce maintien. Il assure également la représentation du mineur dans toutes
les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée
en France. L’administrateur ad hoc est désigné par le procureur de la République compétent sur une liste de personnes morales ou physiques dont les modalités de constitution sont fixées par décret en conseil d’État. Ce décret précise également les conditions de leur indemnisation ».

A plusieurs reprises, le Défenseur des droits a été informé de la désignation tardive ou de l’absence de désignation d’un AAH en faveur du mineur non accompagné, à la suite de la réalisation d’un examen médical d’estimation de l’âge osseux14 ordonné par le parquet, subi par le mineur en zone d’attente.

Cette pratique consistant à subordonner la désignation de l’AAH à l’évaluation médicale préalable de la minorité de ces mineurs a été condamnée par la Cour de cassation15, selon laquelle, en cas de doute, ce sont les déclarations de minorité de l’intéressé qui doivent prévaloir.

Le CESEDA précise dans son article L.332-2 que :

« La décision de refus d’entrée, qui est écrite et motivée, est prise par un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire.

La notification de la décision de refus d’entrée mentionne le droit de l’étranger d’avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu’il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. Elle mentionne le droit de l’étranger de refuser d’être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc dans les conditions prévues à l’article L. 333-2.
La décision et la notification des droits qui l’accompagne lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend.
Une attention particulière est accordée
aux personnes vulnérables, notamment
aux mineurs accompagnés ou non d’un adulte ».

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L’activité d’AAH et ses missions sont larges. Elles exigent des connaissances fines de la problématique des mineurs non accompagnés, de la protection de l’enfance et de l’asile à la frontière. Cette activité suppose une formation spécifique, qui ne semble être que peu dispensée alors qu’elle devrait être obligatoire lors de l’entrée en fonction des AAH, et comporter des modules de formation continue afin de suivre les évolutions législatives.

Par ailleurs, le droit de contacter le conseil de son choix reste souvent ineffectif, a fortiori pour les mineurs si l’AAH n’utilise pas cette prérogative. Or, un tel accompagnement juridique, complémentaire à l’aide de l’AAH, permettrait un meilleur conseil et donc une meilleure protection des mineurs maintenus en zone d’attente et de concourir au mieux à leur protection.

Si certains mineurs isolés qui arrivent en France peuvent prétendre à une protection au titre de l’asile, d’autres peuvent prétendre à une mesure de protection de l’enfance,
s’ils sont en situation de danger au sens de l’article 375 du code civil, en ce qu’ils seraient victimes de maltraitance familiale ou qu’ils
se retrouveraient en situation d’errance
dans leur pays d’origine, en cas de renvoi,
ou qu’ils seraient en danger du seul fait de
se trouver dans un lieu privatif de liberté eu égard à leur condition d’enfants migrants. Ces deux protections peuvent être toutes deux mobilisées pour un même mineur.

Saisine

Le 16 janvier 2020, le Défenseur des droits est saisi de la situation de deux fillettes de 9 et 8 ans maintenues en zone d’attente d’un aéroport de la région parisienne depuis le 4 janvier.

L’AAH, désigné par le parquet, a signalé la situation des deux fillettes dès le début de
leur maintien en zone d’attente, demandant
à ce qu’elles bénéficient d’une mesure de placement à l’aide sociale à l’enfance le temps d’éclaircir les liens avec les membres de leur famille qui s’étaient manifestés sur le territoire. L’AAH avait en outre saisi le juge des enfants de la situation de ces enfants. Toutefois, les requêtes étaient restées sans réponse.

Questionné par le Défenseur des droits, le ministère de l’Intérieur a indiqué que, dans le cadre de la préparation d’un éventuel réacheminement, l’officier de liaison

« immigration » en poste dans le pays d’origine des fillettes, avait informé la PAF qu’en l’absence de structure permettant l’accueil
des mineures, les autorités étrangères ne confirmaient pas la prise en charge. Compte tenu de l’impossibilité de les réacheminer, des difficultés à déterminer l’identité des fillettes, de liens non établis avec des personnes se présentant comme leurs parents en France mais aussi, et surtout, de l’absence de mesure de placement prise par le parquet, l’autorité administrative ne pouvait que solliciter la prolongation du maintien en zone d’attente dans l’intérêt de ces deux fillettes qu’on ne pouvait laisser entrer seules en France sans mesure d’accompagnement.

L’une d’entre elles est finalement admise, le 17 janvier, sur le territoire national, compte tenu de l’avis positif émis par l’OFPRA sur sa demande d’entrée au titre de l’asile, confiée
à l’aide sociale à l’enfance et placée le soir même en foyer dans le cadre d’une mesure de recueil provisoire.

La deuxième enfant cependant a subi l’enfermement en zone d’attente jusqu’à la fin du délai légal de 20 jours.

En effet, selon le ministère et les pièces transmises au Défenseur des droits, les agents de la PAF avaient, dès le 8 janvier, informé le parquet des mineurs avoir auditionné la mère de l’enfant. En retour, il leur a été indiqué que le parquet ne pouvait pas « lever le maintien en zone d’attente pour remise à la mère ou placement en foyer et qu’il fallait attendre le prochain passage devant le juge des libertés et de la détention (JLD), le 16 janvier, pour qu’une décision soit prise ». Or ce dernier a de nouveau décidé de renouveler pour 8 jours, à titre exceptionnel, l’autorisation de maintien en zone d’attente de la fillette, compte tenu
de « la nécessité d’attendre les instructions
du parquet des mineurs, seul à même de prononcer une mesure de protection » à son égard ou de la remettre à ses parents.

Le lendemain, les agents de la PAF ont appelé le parquet des mineurs qui leur a demandé

12

de transmettre l’intégralité de la procédure. Sans retour du parquet durant plusieurs jours, les agents de la PAF l’ont appelé de nouveau. Ils ont alors été informés qu’aucune décision ne serait prise avant la fin de la période de maintien en zone d’attente de cette mineure et qu’une réunion était programmée dans les prochains jours entre le parquet et le juge des enfants afin d’établir un protocole concernant le sort des mineurs isolés placés en zone d’attente.

Au terme de 20 jours d’enfermement, la fillette a été autorisée à quitter la zone d’attente et a été confiée, sur instructions du parquet des mineurs, à l’aide sociale à l’enfance.

S’il est vrai que la saisine du juge des
enfants dans le cas d’un mineur non accompagné en zone d’attente n’entraîne pas automatiquement l’admission de ce dernier sur le territoire français, la Cour de cassation16 a reconnu la compétence du juge des enfants pour statuer sur une situation de danger d’un mineur en zone d’attente, en rappelant que celle-ci se trouve sous contrôle administratif et juridictionnel national.

En outre, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour d’appel
de Toulouse a rappelé17 que le contrôle
des autorités juridictionnelles françaises
sur les personnes se trouvant en zone d’attente, et ce y compris les mineurs, ne
se limite pas à celui du juge de la liberté et
de la détention uniquement compétent en matière de prolongation du maintien en zone d’attente, mais bien à toutes les autorités juridictionnelles nationales, civiles comme pénales. Ainsi, comme le relève la cour, le juge aux affaires familiales en charge de la protection des mineurs, saisi d’une demande d’ouverture de tutelle d’un mineur isolé se trouvant en zone d’attente située sur une commune de son ressort, est territorialement compétent pour statuer sur cette demande lorsqu’il constate la vacance de l’autorité parentale.

Par ailleurs, comme il a été évoqué supra, si des améliorations ont été apportées aux conditions d’accueil des mineurs isolés en

zone d’attente de Roissy, avec la création de la « zone mineurs », il n’en demeure pas moins que subsistent, à Roissy comme ailleurs, de nombreuses difficultés notamment lorsque les mineurs sont maintenus avec les adultes, et dans des lieux où les conditions d’accueil

et de traitement de ces enfants s’avèrent préoccupantes.

Saisine

En septembre 2019, le Défenseur des droits est alerté sur la situation d’un mineur non accompagné de 17 ans, demandeur d’asile
de nationalité somalienne, maintenu en zone d’attente d’un aéroport durant l’été en faveur duquel un AAH aurait été nommé tardivement et qui aurait disparu à la sortie de la zone d’attente.

Interrogé par le Défenseur des droits, le ministère de l’Intérieur indique que le parquet des mineurs a été avisé de la présence du mineur en zone d’attente environ 45 minutes après son arrivée. Toutefois la désignation
par le parquet, faite juste après, ne l’a été qu’oralement, lors d’une communication téléphonique entre l’agent de la PAF et
le parquetier de permanence. Or sans désignation formelle écrite, aucun AAH ne peut intervenir. L’écrit sera formellement adressé à l’association désignée près de 3 jours plus tard.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

2. L’asile à la frontière

Un ressortissant étranger placé en zone d’attente peut solliciter une autorisation
pour entrer sur le territoire au titre de l’asile. C’est le ministère de l’Intérieur qui prend la décision d’admettre ou non le demandeur sur le territoire, après avis de l’OFPRA, qui s’assure que la demande d’asile déposée n’est pas manifestement infondée.

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile18 a, pour la première fois, défini la notion de « demande manifestement infondée », ce qui était en soi une amélioration. Toutefois, cette définition, reprenant celle du Conseil d’État dans sa décision Ministère de l’Intérieur du 28 novembre 2011, fait encore débat.

Selon la loi « Constitue une demande d’asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l’étranger et des documents le cas échéant produits,

est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d’atteintes graves.19».

Cette définition confère à l’autorité compétente une marge d’appréciation relativement importante puisqu’elle l’invite à amorcer un pré-examen de la situation sur le fond, au moment même de l’arrivée du demandeur, moment peu propice à la présentation cohérente et étayée de sa situation.

Or, il convient de rappeler que le fait de refuser à un étranger le droit d’entrer sur le territoire alors même qu’il demande l’asile est une dérogation au principe constitutionnel selon lequel toute personne qui sollicite la qualité de réfugié doit normalement être autorisée à demeurer sur le territoire le temps de l’examen de sa demande. Pour cette raison, dans le cadre des avis qu’il a rendus à l’occasion des débats parlementaires relatifs à la réforme du droit d’asile20, le Défenseur des droits avait demandé, en vain, que soit privilégiée la définition du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies – constitue une demande manifestement infondée « la demande qui ne se rattache pas aux critères pour la reconnaissance d’une protection internationale » – que les juridictions

administratives avaient faite prévaloir avant 2011.

Ces refus d’être admis sur le territoire peuvent faire l’objet d’un recours suspensif depuis la loi du 29 juillet 2015 mais dans des conditions restrictives21.

La situation des mineurs non accompagnés maintenus en zone d’attente, et demandeurs d’asile, demeure donc préoccupante.

Il peut arriver que l’AAH ne soit pas présent lors de l’audition du mineur par l’OFPRA. L’office considère qu’entendre le mineur non accompagné hors la présence de l’AAH est conforme aux textes dès lors que ce dernier a bien été avisé de l’entretien.

En effet, selon l’office, les articles
L.343-2 et L.521-9 du CESEDA définissent les missions de l’AAH comme l’assistance et la représentation du mineur dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à son maintien en zone d’attente, à son entrée en France puis à sa demande d’asile sur le territoire français. Lus et interprétés à
la lumière de la circulaire du 14 avril 200522, l’exercice de ces missions n’impose pas
selon l’OFPRA à l’AAH d’être présent lors des entretiens personnels conduits par l’OFPRA avec les mineurs non accompagnés en quête de protection internationale, en zone d’attente ou sur le territoire français. Ainsi, le point 3.2
de la circulaire indique, « [l]’administrateur
ad hoc, une fois désigné, prend contact dans les meilleurs délais avec les administrations concernées. Il est destinataire de tous les actes de procédure concernant le mineur. Il
est également informé par écrit des dates et heures de toutes les auditions et de toutes
les notifications par le service à l’origine de
la procédure. L’administrateur ad hoc étant ainsi régulièrement avisé, son absence ne constituera pas un obstacle au déroulement des procédures concernées. Si l’administrateur ad hoc est présent, il signe les actes de procédure notifiés au mineur et en prend
copie ».

Interrogé à ce propos, l’OFPRA indique que

« de manière générale, au bénéfice des mineurs non accompagnés demandeurs d’asile, qui veut que, dans l’intérêt supérieur de

14

l’enfant et afin de ne pas prolonger sans stricte nécessité le délai d’examen de leur besoin de protection internationale et la notification de
la décision de l’OFPRA à cet égard, lorsque

le représentant légal, valablement convoqué, ne se présente pas aux côtés du mineur à la convocation, le jeune est entendu en l’absence de son tuteur, délégataire d’autorité parentale ou administrateur ad hoc, mais la transcription de l’entretien est ensuite envoyée sans délai

à ce dernier en lui laissant un délai pour formuler d’éventuelles observations » .

La Défenseure des droits est préoccupée
par le contexte dans lequel est entendu le mineur en zone d’attente, très différent de celui dans lequel il peut être entendu lorsque sa demande d’asile est présentée sur le territoire23. La vulnérabilité du mineur enfermé, son état d’esprit et les enjeux qui entourent l’audition, les modalités de l’entretien mené,

et l’insécurité psychique dans laquelle se trouve le jeune devrait nécessiter que l’audition s’entoure de davantage de précautions encore que celles prévues lors de l’instruction d’une demande d’asile sur le territoire.

Le tribunal administratif de Paris, dans
une décision du 29 juin 2021, indique que
« l’entretien avec l’OFPRA ne s’est pas déroulé dans de bonnes conditions, son administrateur ad hoc, nommé en raison de sa minorité
qui n’est d’ailleurs pas utilement contestée, étant absent, l’entretien devant se dérouler
par visioconférence dont les modalités ne
lui avaient pas été expliquées, conduisant
à poursuivre l’entretien par téléphone avec l’officier de l’OFPRA, alors qu’il était dans
une situation de grande vulnérabilité et a été pris de vertiges. En l’espèce, il apparaît que
le requérant, n’a pas été entendu dans des conditions décentes lors de son entretien
(…) »
.24

Par conséquent, la Défenseure des droits estime que les auditions de mineurs non accompagnés en zone d’attente devraient se faire en présence de l’AAH, ou d’un avocat désigné par lui, afin d’accompagner le mineur et le rassurer. En l’absence de ces derniers dûment convoqués, le mineur devrait être admis sur le territoire et faire l’objet d’une mesure de protection. A ce titre il pourrait être

utilement rappelé que l’article L. 351-3 prévoit que « lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le cadre de l’examen tendant à déterminer si la demande d’asile n’est pas irrecevable ou manifestement infondée, considère que le demandeur d’asile, notamment en raison de sa minorité ou du fait qu’il a été victime de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec sa présence en zone d’attente, il y est mis fin ».

Deuxièmement, les entretiens peuvent se dérouler par le biais de la visioconférence dans un local habilité à cet effet par le directeur général de l’OFPRA, conformément à l’article R. 531-16 du CESEDA. En effet, conformément à la décision n° 428178 du Conseil d’Etat du 27 novembre 2020, l’entretien entre le demandeur et les services de l’OFPRA doit, a minima, se dérouler par un moyen de visioconférence
(et non par téléphone). Toutefois ce mode d’audition peut avoir des effets déstabilisants pour les mineurs étrangers comme le souligne la décision du tribunal administratif précitée25.

Ainsi, les garanties essentielles relatives
à la demande d’asile des mineurs non accompagnés ne sont pas toujours respectées. Ces difficultés récurrentes confortent la position du Défenseur des droits selon laquelle un mineur non accompagné ne devrait pas être maintenu en zone d’attente, mais immédiatement admis sur le territoire, recueilli provisoirement dans le dispositif de protection de l’enfance afin que sa situation fasse l’objet d’une évaluation complète dans des conditions adaptées.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

B. Les frontières terrestres26

Dans le respect de l’article 20 de la CIDE précité dont l’effet direct a été reconnu par
le Conseil d’État27, les États doivent prendre des mesures adéquates (protection et aide spéciale) afin de protéger l’enfant privé de
son milieu familial. A ce titre, le Comité des droits de l’enfant indique que les États doivent notamment « pleinement respecter leurs obligations en matière de non-refoulement »28.

Pour le Comité, cela implique également que

« les acteurs de la protection de l’enfance
et de l’aide à l’enfance devraient avoir la responsabilité première des enfants dans
le contexte des migrations. Lorsqu’un
enfant migrant est repéré pour la première fois par les services de l’immigration, les fonctionnaires de la protection de l’enfance ou des services d’aide à l’enfance devraient être immédiatement informés et chargés d’examiner les besoins de l’enfant en matière de protection, d’hébergement et autres »
29.

Le Comité précise dans son observation générale n° 6, que « les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire. ».

Le Comité ajoute enfin que « Les mesures policières et autres en rapport avec l’ordre public visant les enfants non accompagnés ou séparés ne sont permises que si elles
sont prescrites par la loi, reposent sur une évaluation individuelle plutôt que collective, respectent le principe de proportionnalité
et constituent l’option la moins intrusive.
Afin de ne pas violer l’interdiction de toute discrimination, pareilles mesures ne sauraient donc en aucun cas être appliquées à un groupe ou à titre collectif ».

L’article 22 du règlement (UE) 2016/399
du 9 mars 2016 du Parlement européen et du Conseil concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit code frontières Schengen (CFS), rappelle le principe de la suppression du contrôle aux frontières intérieures de l’Union européenne

Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Réitère son opposition de principe à l’enfermement des enfants du seul fait de leur statut d’enfants migrants ;
  • Recommande au ministre de l’Intérieur d’initier une modification du CESEDA aux fins de prévoir la présence systématique d’un avocat pour le mineur non accompagné dès son placement en zone d’attente, afin que la parole de l’enfant puisse être mieux prise en compte, et ses intérêts défendus ;
  • Recommande au ministre de l’Intérieur, au garde des Sceaux, ministre de la Justice, que la situation personnelle des mineurs non accompagnés présents en zone d’attente fasse systématiquement l’objet d’une évaluation au regard des éléments de danger au sens de l’article 375 du code civil, tant
    par le parquet des mineurs que par le juge des enfants lorsqu’il est saisi, pour que toute mesure utile de protection puisse être prise ;
  • Rappelle aux administrateurs ad hoc leur possibilité de signaler la situation des mineurs non accompagnés maintenus en zone d’attente au parquet ou de saisir le juge des enfants en vue d’obtenir une mesure de protection dès qu’ils ont connaissance d’un risque pour l’enfant ;
  • Réitère auprès du ministre de l’Intérieur ses recommandations tendant à ce que soit modifiée la définition de la « demande d’asile manifestement infondée » permettant de refuser l’admission d’un étranger, a fortiori celle d’un mineur non accompagné sur le territoire français en reprenant la définition proposée par le Haut-commissariat aux réfugiés, selon laquelle est manifestement infondée « la demande qui ne se rattache pas aux critères pour la reconnaissance d’une protection internationale ».

16

et précise que « Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans
que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité »
. Les décisions de non- admission ne devraient dès lors pas intervenir aux frontières entre deux États membres de l’Union européenne.

L’article 25 prévoit toutefois la possibilité
pour un État de réintroduire temporairement le contrôle à ses frontières intérieures, de manière exceptionnelle et pour une durée limitée, « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ».

Les contrôles aux frontières intérieures de
la France ont été rétablis le 13 novembre
2015, puis prolongés en raison des attentats terroristes survenus sur le territoire français30. Depuis lors, le rétablissement de ces contrôles aux frontières intérieures a été renouvelé tous les six mois et perdure31.

Le CFS ne fait pas mention de dispositions particulières concernant les mineurs,
et particulièrement les mineurs non accompagnés, de sorte que le droit européen n’exclut pas la possibilité d’opposer un refus d’entrée à un mineur non accompagné.

Les autorités françaises peuvent effectuer
des contrôles dans une zone de 20 km à partir de la frontière avec un autre État membre
de l’UE, ainsi que dans les gares ferroviaires, ports maritimes et aéroports internationaux32. Dans le cadre d’un contexte de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, des contrôles d’identité ainsi que des conditions d’entrée sur le territoire français peuvent être réalisés de manière renforcée aux frontières intérieures. De plus, les personnes interpellées dans un périmètre de 10 km à partir d’une frontière intérieure terrestre et ne pouvant justifier des conditions d’entrée sur le territoire français peuvent se voir notifier un refus d’entrée sur le territoire selon l’article L. 332-3 du CESEDA.

Toutefois, selon les articles L. 331-1 et suivants du CESEDA, toute procédure de refus d’entrée doit être réalisée suite à un examen individuel de la situation de la personne, dans le respect d’un certain nombre de droits : droit à un

interprète, droit de contacter un avocat ou un tiers, droit de pouvoir bénéficier de l’assistance d’un médecin, droit au jour franc33, droit de demander l’entrée sur le territoire au titre

de l’asile. Une « attention particulière » doit être accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs non accompagnés.

Ces derniers doivent ainsi être assistés d’un AAH afin de leur assurer une représentation juridique.

Le droit au jour franc, automatique pour les mineurs non accompagnés aux frontières extérieures de l’espace Schengen, a été supprimé aux frontières intérieures terrestres par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018
« pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ce que le Défenseur des droits avait déploré dans les avis qu’il avait publiés lors des discussions parlementaires34.

1. La frontière italienne

La Défenseure des droits a connaissance de la persistance des pratiques de renvois en Italie de mineurs non accompagnés interceptés à
la frontière italienne, confirmées par plusieurs décisions du tribunal administratif de Nice35

et corroborées par les constats effectués par l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

Selon la procédure présentée en 201836 par le préfet au Défenseur des droits, « dans le cadre du rétablissement du contrôle aux frontières, mis en place le 13 novembre 2015, les mineurs non accompagnés se présentant sur l’un des huit points de passage autorisés (PPA) recensés dans les Alpes-Maritimes, à la frontière franco- italienne, se voient opposer un refus d’entrée sur le territoire national. (…) Au cas où ils ne sont pas accompagnés, ils sont, en accord avec le partenaire italien, transportés depuis la gare de Menton-Garavan à Vintimille, sous la protection de fait des agents de la SNCF, et pris en charge par les autorités italiennes à leur arrivée. La durée du voyage est de dix minutes sans arrêt entre les deux gares. Ce processus a été choisi du fait qu’il semble moins marquant qu’une remise à la police italienne et un transfert dans un véhicule de police sérigraphié ».

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Depuis la réintroduction par la France du contrôle aux frontières intérieures, plusieurs points de passage autorisés (PPA), auxquels s’effectue le passage des frontières intérieures de l’Union européenne37, ont été institués. Ces points se situent géographiquement sur le territoire français.

L’article 32 du CFS précise que « Lorsque
le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du
titre II s’appliquent mutatis mutandis. »
. Ainsi, l’entrée sur le territoire des États membres peut être refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6 du CFS, à savoir notamment disposer d’un visa d’entrée sur

le territoire. Il est toutefois précisé que cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale.

Si un refus d’entrée peut effectivement être opposé à un mineur dépourvu de visa, cette décision doit respecter un certain formalisme et des garanties juridiques. A cet égard, l’article 14 du CFS précise que « L’entrée ne peut être refusée qu’au moyen d’une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. (…) Les personnes ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ont le droit de former un recours contre cette décision. Les recours sont formés conformément au droit national. ».

En droit interne, l’article L. 332-2 du CESEDA reprend cette obligation de décision écrite motivée et stipule qu’ « une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs accompagnés ou non d’un adulte ».

Si certains jeunes étrangers se voient remettre un document formalisant le refus d’entrée sur le territoire français qui leur
est opposé, les éléments dont le Défenseur des droits a eu connaissance attestent que cette pratique n’est pas systématique et que certains mineurs sont renvoyés sans décision formelle et officielle de non-admission sur le territoire. Des témoins ont indiqué avoir vu des mineurs non accompagnés interceptés par des forces de l’ordre à la descente d’un train en provenance d’Italie et directement orientés vers le prochain train repartant vers l’Italie, sur

le quai opposé, sans remise de formulaire ou entretien permettant de vérifier leur identité et sans que leur aient été énoncés leurs droits.

Les mineurs non accompagnés n’ont pas toujours accès à un interprète leur permettant de comprendre la procédure et de faire valoir leurs droits, notamment celui d’accéder à un avocat ou de former un recours à l’encontre de la décision de non-admission qui leur est opposée. Ainsi, dans la décision précitée de 2018, le préfet interrogé indiquait que « pas moins de 98 nationalités différentes ont été recensées par la direction départementale
de la police de l’air et des frontières (DDPAF), posant des problèmes d’interprétariat pour faire connaître leurs droits aux étrangers interceptés quel que soit leur état ».

Il semble également que le procureur de la République ne reçoive aucune information
de la part de l’autorité administrative lors du refus d’admission en France d’un jeune se présentant comme mineur, contrairement à ce que prévoit l’article L.343-2 du CESEDA. Il ne désigne dès lors pas d’AAH afin d’assister et de représenter le mineur étranger dans toutes les procédures subséquentes à son interpellation dans le cadre d’un contrôle à un point de passage autorisé et de son renvoi en Italie.

Dans son courrier en date du 19 décembre 2017, le préfet avait répondu au Défenseur des droits que cette disposition ne s’appliquait pas au cas d’espèce puisqu’elle viserait uniquement les placements en zone d’attente.

Sur ce point, le tribunal administratif de
Nice a pourtant clairement précisé, dans
une ordonnance du 23 février 201838, que
« le mineur présumé non accompagné d’un représentant légal ne peut être rapatrié
avant l’expiration du délai d’un jour franc. Il doit donc être conduit en zone d’attente où s’appliquent, alors, les dispositions des articles L. 221-4 et L. 221-5 du code de l’entrée et

du séjour des étrangers et du droit d’asile39 permettant, notamment, la délivrance d’une information sur les droits qu’il est susceptible d’exercer en matière d’asile, communiquées dans une langue qu’il comprend et la saisine par l’autorité administrative du procureur de la République aux fins de désignation d’un administrateur ad hoc. ».

18

En février 2020, le tribunal administratif de Nice, à nouveau saisi de ce type de difficultés pour un mineur soudanais ayant franchi la frontière terrestre franco-italienne, indiquait que la « demande d’asile [du mineur] n’a pas été enregistrée en l’absence d’interprète »

et que « un mandataire ad hoc n’a pas été désigné pour l’assister conformément aux dispositions de l’article L. 221-540 du même code et que sa demande d’asile n’a pas été enregistrée. Par suite, la décision refusant à M. X. l’entrée sur le territoire français méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant

et porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile ».

S’il n’appartient pas au Défenseur des droits de se prononcer sur les conditions d’accueil des mineurs non accompagnés en Italie, il ressort des éléments notoirement connus par voie de presse ou d’observations associatives, que les adolescents faisant l’objet d’une décision de non-admission par les autorités françaises et renvoyés en Italie, dorment à Vintimille dans la rue, ou dans des squats ou des campements, en toute insécurité et dans des conditions déplorables, dans l’attente d’une nouvelle tentative de passage de la frontière.

L’absence de prise en compte de la vulnérabilité de ces jeunes, des risques pour leur sécurité et des conditions de vie qui
les attendent en cas de non-admission sur
le territoire français amène la Défenseure des droits à considérer que les pratiques évoquées ci-dessus, constituent une violation des obligations internationales
de la France découlant de la Convention internationale des droits de l’enfant, laquelle impose notamment que l’intérêt de l’enfant soit une considération primordiale dans toute prise de décision qui les concerne et pose une obligation de protection et de soin à la charge de l’État
41.

Enfin, la Défenseure des droits a pris connaissance, à la lecture du rapport d’information en date du 29 septembre 2021 du Sénat42 sur les mineurs non accompagnés, d’une expérimentation par les Alpes-Maritimes d’un « poste avancé » de pré-évaluation

sociale depuis mai 2021 faite par trois agents du département installés à la police aux frontières (PAF) de Menton.

Dans sa recommandation générale du 21 décembre 201243, le Défenseur des droits avait déjà relevé que les mineurs non accompagnés faisaient l’objet, avant toute évaluation socio- éducative, de présentation devant les services de police, en particulier devant les services de la police de l’air et des frontières. Il indiquait alors « L’accent est mis sur la nationalité étrangère de la personne avant même que ne soit prise
en considération sa vulnérabilité du fait de sa minorité et son éventuel besoin de protection ».

La Défenseure des droits considère qu’une évaluation complète de la situation des mineurs par les services socio-éducatifs doit intervenir, dans des conditions adaptées à leur vulnérabilité, avant toute convocation, audition ou présentation systématique à la police de l’air et des frontières, en vue de vérification

de leur identité et leur minorité, la pratique contraire laissant préjuger d’une fraude et faisant peser sur ces jeunes une suspicion préjudiciable à leurs démarches futures.

2. Les réadmissions vers l’Espagne

Régulièrement, la Défenseure des droits est saisie de situations de personnes se disant mineures non accompagnées qui, interpellées dans un département frontalier avec l’Espagne, se voient sans délai notifier une décision de réadmission vers l’Espagne, reconduites à la frontière et remises à la police Espagnole.

La procédure de réadmission en Espagne
est fondée, selon les autorités préfectorales interrogées par le Défenseur des droits, sur l’accord de Malaga du 26 novembre 200244. Interrogé sur ce point par le Défenseur des droits en 2019, le préfet précisait qu’« aucune disposition de [cet] accord n’interdisant
la reprise par les autorités espagnoles de personnes présumées mineures, rien ne
s’est opposé à leur réadmission dans ce pays»
, indiquant que « cette réadmission dite simplifiée faisait suite à leur interpellation [dans la ville de B.] dans le cadre d’une opération de contrôle ordonnée par le parquet [compétent] ».

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Les services de la direction interdépartementale de la Police aux Frontières précisaient que « au vu de leurs déclarations, ces personnes étant étrangères, les fonctionnaires de police les ont invités
à leur présenter une pièce d’identité ou un document les autorisant à circuler ou à séjourner librement sur le territoire français, conformément à l’article L 611-1
45 du Code
de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile. Dépourvus de tout document,
ils se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire français ».

L’accord du 26 novembre 2002 signé à Malaga entre la République française et le Royaume d’Espagne et publié au journal officiel par décret n°2004-226 du 9 mars 2004, permet la mise en œuvre des réadmissions sans passer par l’autorité centrale, directement d’autorité frontalière à autorité frontalière. En vertu de son article 5, « chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l’autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d’un État tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu’il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire

de la Partie contractante requise ». L’article
7 de l’accord précise que « Les autorités responsables des contrôles aux frontières
des deux Parties contractantes réadmettent immédiatement sur leur territoire les étrangers, ressortissants d’États tiers, qui sont présentés par les autorités des frontières de l’autre Partie, dans les quatre heures suivant le passage illégal de la frontière commune ».

Il convient toutefois de souligner que l’accord n’aborde pas la question des mineurs non accompagnés qui traverseraient la frontière.

Or, la France est soumise en matière de
retour de ressortissant d’un pays tiers à l’Union Européenne à la directive européenne n°2008/115 du 16 décembre 200846 qui a vocation à s’appliquer y compris lorsque l’État de l’Union a rétabli ses frontières intérieures et lorsque les ressortissants d’États tiers se trouvent déjà sur le territoire de l’État membre.

En effet, la décision rendue le 19 mars 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne47 est venue préciser cette analyse. En l’espèce, la Cour confirme l’applicabilité de la directive aux ressortissants des États tiers se trouvant à proximité d’une frontière, sauf dispositions bilatérales plus favorables48.

Ainsi l’accord de Malaga n’évoquant pas la situation des mineurs non accompagnés au contraire de la directive, son application semble devoir être écartée s’agissant d’un retour vers l’Espagne.

Toutefois, la directive 2008/115 précise, dans son article 10, que « Avant que soit prise une décision de retour concernant un mineur
non accompagné, l’assistance d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter le retour est accordée en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Surtout, la Défenseure des droits considère que l’article 5 de l’accord de Malaga n’est pas applicable aux mineurs interpellés sur un territoire proche des frontières. En effet, ils ne peuvent être considérés comme ne remplissant pas les conditions de séjour applicables en France, le droit interne français affirmant l’impossibilité d’éloigner des mineurs non accompagnés qui ne

sont jamais en situation irrégulière sur le territoire49.

Recommandations

La Défenseure des droits considère que
toute personne se déclarant mineure non accompagnée interceptée à un point de passage autorisé, à la frontière franco- italienne, ou interpellée sur un territoire français à proximité de la frontière espagnole, doit être immédiatement signalée aux services de l’aide sociale à l’enfance compétents, mise à l’abri dans des conditions appropriées à

son statut de mineure présumée et évaluée conformément aux textes en vigueur.

20

Les mineurs non accompagnés peuvent demander l’asile durant leur minorité et obtenir une protection internationale50. Ce droit d’asile est protégé constitutionnellement51.

En France, l’OFPRA est en charge d’examiner et instruire ces demandes. Ses décisions peuvent être contestées devant la Cour nationale du droit d’asile.

Deux protections peuvent être accordées,
le statut de réfugié52 ou la protection subsidiaire53. A la suite de la décision d’admission au bénéfice de la protection, comme le précise l’article L. 121-9 du CESEDA, l’OFPRA est habilité à délivrer aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d’apatride, après enquête s’il y a lieu,

« les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil.
Le directeur général de l’office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques.
Ces diverses pièces suppléent à l’absence d’actes et de documents délivrés dans
le pays d’origine. Les pièces délivrées
par l’office ne sont pas soumises à l’enregistrement ni au droit de timbre. »

Ainsi, les actes d’état civil délivrés par l’Office postérieurement à l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, qui ont valeur d’actes authentiques, ne peuvent être remis en cause que devant le tribunal judiciaire de Paris statuant en matière d’état civil54.

A noter

En vertu de l’article L.582-2 du CESEDA, l’OFPRA est compétent pour reconnaître le statut d’apatride en application de l’article 1er de la Convention de New York du 28 septembre 1954, lequel définit l’apatride comme « toute personne qu’aucun État

ne considère comme son ressortissant en application de sa législation ». La personne qui souhaite demander le statut d’apatride s’adresse directement à l’Office par courrier afin de solliciter un formulaire spécifique. Un pré-dossier, comportant les pièces produites, est constitué par le secrétariat du bureau des apatrides et le formulaire ad hoc est alors transmis à l’intéressé par courrier simple.

La demande d’apatridie peut être formulée en même temps qu’une demande d’asile. Cette procédure peut être utile notamment pour les mineurs qui n’ont pas d’état civil et ne sont pas connus des autorités de leur pays d’origine lorsque celles-ci sont sollicitées dans le cadre de la reconstitution de l’état civil du mineur55.

Il convient de souligner que durant toute
la procédure de demande d’asile, l’OFPRA communique avec le représentant légal
du mineur (le tuteur ou l’AAH) ; ainsi les convocations, le compte-rendu d’entretien, la décision et les actes reconstitués sont adressés au représentant légal du mineur56.

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Partie II

Les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile

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A. L’accès à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés

L’attention de la Défenseure des droits est régulièrement attirée sur les difficultés d’accès à la procédure d’asile rencontrées par des mineurs non accompagnés, que ce soit au moment de l’enregistrement de leur demande auprès du guichet unique pour demandeur d’asile (GUDA) en préfecture, ou pour retirer le dossier OFPRA.

1. Le premier enregistrement

La Défenseure des droits constate que certaines préfectures refusent d’enregistrer les demandes en raison de l’absence d’AAH lors de la première présentation du mineur au GUDA.

Saisine

En août 2021, la Défenseure des droits a été saisie des difficultés rencontrées par un mineur non accompagné né le 25 septembre 2003, pris en charge par les services de l’ASE d’un département depuis son arrivée sur le territoire en octobre 2020. Le mineur était dans l’impossibilité, depuis octobre 2020, d’être enregistré comme mineur demandeur d’asile dans le traitement automatisé EURODAC, de déposer sa demande et

de bénéficier des garanties procédurales spécifiques liées à la qualité de mineur demandeur d’asile. L’accès à la préfecture, précisément au GUDA, lui était refusé au motif qu’il n’était pas accompagné d’un AAH. Or, c’est précisément après le relevé d’empreintes EURODAC au GUDA et l’enregistrement des données le concernant, que la préfecture doit saisir le procureur de la République aux fins de désignation d’un AAH. Le mineur a saisi

le tribunal administratif qui, par ordonnance du 4 août 2021, a rappelé qu’il appartenait au préfet de saisir le procureur de la République en vue de la désignation d’un AAH, a constaté l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale – le droit d’asile –

et a enjoint au préfet de saisir sans délai le procureur de la République. Le 23 août 2021,

averti par une association de la situation du mineur n’ayant pas évolué malgré l’ordonnance du tribunal administratif, le procureur de la République a désigné un AAH. Malgré cela, sa demande d’asile n’a pu être déposée que le lendemain de son 18e anniversaire.

L’article L.521-9 du CESEDA, indique que

« Lorsque la demande d’asile est présentée par un mineur non accompagné, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste

le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives
et juridictionnelles relatives à la demande d’asile ».

Cet article n’interdit nullement à l’autorité préfectorale d’enregistrer une demande d’asile présentée par un mineur isolé. Il l’oblige seulement à faire diligence pour saisir le parquet d’une demande de désignation d’AAH.

A ce titre, la circulaire du 22 avril 200557 détaille la procédure à suivre par les préfectures :

« V-1. le mineur déclare avoir plus de 14 ans : Vous veillerez à :
– enregistrer le mineur dans la base de

données AGDREF en tant que demandeur d’asile (s’il est âgé de 16 ans et plus), sans pour autant lui délivrer un titre de séjour. Pour les mineurs âgés de 14 ans à 16 ans, vous ne pouvez pour le moment pas les enregistrer dans AGDREF,

– prendre les empreintes digitales aux
fins d’insertion dans la base de données EURODAC, en application de l’article 4.1 du règlement EURODAC (voir infra VII-1 pour les mineurs âgés de 14 à 16 ans),

– saisir le procureur de la république en vue de la nomination d’un administrateur ad hoc,

– remettre le formulaire de demande d’asile à l’administrateur ad hoc désigné,

– aviser l’OFPRA qu’un mineur étranger a souhaité déposer une demande d’asile ».

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Le tribunal administratif de Lyon58 a jugé
que « le refus persistant d’enregistrement d’une demande d’asile d’un mineur non accompagné, alors que la date de sa majorité se rapproche et qu’un tel enregistrement n’apparait pas soumis, inconditionnellement, à la désignation préalable d’un administrateur ad hoc, a interdit à M.X. de bénéficier de l’ensemble des conditions d’examen et des garanties propres à sa situation de mineur isolé » et a porté ainsi « une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile ».

L’enregistrement en tant que demandeur d’asile dans la base de données AGDREF et la prise d’empreintes digitales aux fins d’insertion dans la base de données EURODAC, dès la première présentation du mineur au guichet unique des demandeurs d’asile, revêt une importance majeure. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)59 a reconnu que
« l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile d’un mineur non accompagné qui a présenté des demandes dans plus d’un État membre, sera le dernier État dans lequel se trouve ce mineur après y avoir déposé sa demande ».

Cette conclusion découle du contexte et de l’objectif du règlement « Dublin III »60, qui vise à garantir un accès effectif à une évaluation de la qualité de réfugié du demandeur d’asile, tout en accordant une attention particulière aux mineurs non accompagnés. Ces derniers formant

une catégorie de personnes particulièrement vulnérables, il importe de ne pas prolonger plus qu’il n’est strictement nécessaire la procédure de détermination de l’État membre responsable, ce qui implique qu’ils ne soient pas transférés vers un autre État membre.

Cet enregistrement revêt aussi une importance particulière pour le droit à la réunification familiale (infra).

De surcroit, saisie d’une demande d’asile dont l’examen relève de la responsabilité d’un autre État, une préfecture n’a pas l’obligation de procéder à la remise de l’intéressé (article 17 du règlement Dublin III). Elle doit, au préalable, exercer son pouvoir d’appréciation et vérifier si les éléments tirés de la situation personnelle ou familiale du demandeur ne sont pas de nature à lui faire bénéficier, soit de la clause

humanitaire prévue à l’article 16 du règlement « Dublin III », soit des dispositions de l’article 3-2 de ce même règlement autorisant l’État à examiner une demande d’asile relevant de la compétence d’un autre État.

Enfin, au-delà de cette faculté, le règlement
« Dublin III », interdit explicitement aux États membres de transférer un demandeur d’asile vers un autre État responsable « lorsqu’ils ne peuvent ignorer » l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet État61. S’agissant d’une famille afghane comprenant six jeunes enfants, la CEDH a relevé qu’il ne pouvait être ignoré que des défaillances graves de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet État étaient susceptibles d’être mises en cause62.

2. L’intervention de l’administrateur ad hoc

Seul le mineur isolé qui bénéficie déjà d’une mesure de délégation de l’autorité parentale ou d’une mesure de tutelle prononcée par un JAF, peut retirer son dossier OFPRA auprès des services préfectoraux, sans avoir recours à l’accompagnement d’un AAH. Le tuteur ou
le délégataire de l’autorité parentale est en effet compétent pour assurer la représentation légale du mineur isolé dans le cadre de sa demande d’asile.

A ce titre, il convient de souligner qu’une mesure d’assistance éducative donnant lieu
à un placement à l’ASE n’équivaut pas à la désignation d’un représentant légal compétent pour la demande d’asile.

Selon le CESEDA63, l’AAH peut être une personne physique ou une personne morale dont la mission est toutefois exercée par une personne physique préalablement identifiée. Dans les deux cas, la personne physique doit remplir plusieurs conditions, comme celle de « s’être signalée depuis un temps suffisant pour l’intérêt qu’elle porte aux questions
de l’enfance et par sa compétence »
. Les textes précités n’exigent pas de compétence particulière en matière d’asile ce qui est,
de l’avis de la Défenseure des droits, particulièrement regrettable.

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La Défenseure des droits a alerté, à plusieurs reprises, les services de l’OFPRA et du ministère de l’Intérieur sur les difficultés des mineurs isolés à avoir accès à la procédure d’asile, d’une part du fait de l’absence en nombre suffisant d’AAH dans les départements, et d’autre part du fait du refus de certains parquets de désigner des AAH en faveur de jeunes gens dont la minorité est contestée.

Or, la demande d’asile d’une personne
se présentant comme un mineur non accompagné est introduite puis instruite par l’OFPRA conformément aux déclarations
de celle-ci, hormis le cas où une décision définitive de l’autorité judiciaire compétente en matière d’état civil aurait conclu à sa majorité. Et même dans cette dernière hypothèse, l’Office peut, sous certaines conditions limitatives, conserver une marge d’appréciation dans la détermination de l’âge, dès lors qu’il instruit la minorité alléguée par le jeune tout comme les autres éléments que celui-ci présente pour justifier son besoin de protection internationale.

A cet égard, lorsque la minorité déclarée
par le jeune est contestée par l’autorité administrative chargée de l’enregistrement de sa demande d’asile, ou celle chargée de son admission à la protection de l’enfance, l’Office prend en considération, quand ils lui sont communiqués au complet, les éléments de l’évaluation de la situation du jeune demandeur, sans être toutefois lié par cette évaluation.

Ainsi, un AAH doit être désigné en faveur
des mineurs non accompagnés, y compris lorsque la minorité de ceux-ci est contestée, l’intervention de celui-ci dans la procédure d’asile n’étant pas de nature à emporter une quelconque reconnaissance de minorité mais permettant simplement l’exercice du droit fondamental du mineur à bénéficier de toute l’assistance qui lui est nécessaire jusqu’au terme de cette procédure.

Il convient de souligner, pour conclure,
que la demande d’asile revêt pour le mineur non accompagné une importance majeure. En effet, s’il bénéficie à terme de la reconnaissance de son statut de réfugié, le mineur se verra délivrer à partir de l’âge

de 16 ans s’il souhaite exercer une activité professionnelle, ou à 18 ans, une carte de résident valable 10 ans et renouvelable de plein droit. S’il est éligible à la protection subsidiaire64, le mineur bénéficiera d’une carte de séjour pluriannuelle de 4 ans, renouvelable. De surcroit, l’OFPRA procédera à la reconstitution de ses actes d’état civil65. Le mineur bénéficiant d’une protection internationale bénéficie en outre d’un droit au regroupement familial avec ses ascendants ainsi que ses frères et sœurs mineurs restés dans leur pays d’origine66.

Le mineur demandeur d’asile bénéficie aussi d’un droit à la réunification familiale au titre du règlement « Dublin III » avec ses proches ou les membres de sa famille qui demeureraient dans un pays membre de l’Union européenne.

Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Recommande aux préfectures de procéder au premier enregistrement du demandeur d’asile mineur non accompagné dans les fichiers correspondants, dès qu’il se présente, y compris lorsqu’il n’est pas accompagnépar un administrateur ad hoc afin de lui faire bénéficier des dispositions favorables telles que définies par la jurisprudence de la CJUE ;
  • Appelle de manière urgente le ministre de l’Intérieur à harmoniser, par adoption d’une nouvelle circulaire, l’accès aux GUDA et à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés ;
  • Rappelle aux préfectures et aux parquets que la désignation d’un administrateur ad hoc doit avoir lieu quelle que soit la situation de la personne se disant MNA à l’égard du dispositif de protection de l’enfance ;
  • Recommande aux préfectures et aux départements, en lien avec les parquets, d’impulser des dynamiques proactives auprès des associations qui œuvrent dans le domaine des droits de l’enfant ou des demandeurs d’asile pour leur offrir la possibilité de se proposer comme administrateur ad hoc.

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B. La réunification familiale pour un mineur demandeur d’asile

La CJUE a indiqué dans un arrêt du 12 avril 201867 que, dans le cadre de l’examen du
droit à la réunification familiale d’un mineur demandeur d’asile, la « date déterminante pour apprécier la qualité de “mineur” de l’intéressé est celle de son entrée sur le territoire d’un État membre et de l’introduction de sa demande d’asile dans cet État ». Ainsi lorsque, au cours de la procédure d’asile, le mineur atteint l’âge de la majorité et se voit par la suite reconnaître le statut de réfugié, cette interprétation ne privera pas d’effet utile son droit à la réunification familiale tel qu’il est prévu par la directive européenne 2003/86.

1. De la France vers un autre État membre de l’Union Européenne

Pour certains adolescents qui ont des proches dans d’autres États membres de l’Union européenne, la mise en œuvre des voies légales de migration doit permettre leur rapprochement avec leur famille.

Le règlement 604/2013/UE dit « Dublin III » implique qu’une demande d’asile soit examinée par un seul pays signataire du règlement
(les pays de l’Union européenne, la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein). Pour déterminer quel pays est responsable de cet examen, plusieurs critères sont appliqués.

Ainsi, l’article 8 du règlement prévoit que :

« L’État membre responsable de la demande d’asile d’un mineur non accompagné, est
1- celui dans lequel l’un des membres de sa

famille ou ses frères ou sœurs se trouvent légalement, pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur de cet enfant ;

  1. 2-  celui dans lequel l’un de ses proches se trouve légalement et qu’il soit établi, sur la base d’un examen individuel, que ce dernier soit en mesure de s’occuper de lui et que ce soit dans l’intérêt supérieur de cet enfant ;
  2. 3-  celui dans lequel, en l’absence de membre de la famille ou de proches tels que désignés précédemment, le mineur a déposé sa demande de protection internationale, à condition que cela soit dans son intérêt supérieur. »

Le règlement prévoit des dispositions spécifiques concernant les mineurs et leurs droits durant la procédure, eu égard à leur vulnérabilité particulière68.

Son article 6 fixe des garanties à l’égard des mineurs et indique que « l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ».

Son paragraphe 3 précise que « Lorsqu’ils évaluent l’intérêt supérieur de l’enfant, les États membres coopèrent étroitement entre eux et tiennent dûment compte, en particulier, des facteurs suivants : a) les possibilités de regroupement familial; (…) ».

En outre, le paragraphe 4 prévoit que :

« Aux fins de l’application de l’article 8, l’État membre dans lequel le mineur non accompagné a introduit une demande de protection internationale prend dès que possible les mesures nécessaires pour identifier les membres de la famille, les frères ou sœurs ou les proches du mineur non accompagné sur le territoire des États membres, tout en protégeant l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Dans sa communication du 12 avril 201769, la Commission européenne a rappelé aux États membres de l’Union européenne, s’agissant de la protection des enfants migrants, qu’il fallait déployer des efforts concertés pour accélérer les procédures de regroupement familial, en accordant la priorité aux enfants non accompagnés ou séparés.

Or, les obstacles pratiques au dépôt de la demande d’asile sur le territoire français des mineurs non accompagnés (supra), nuisent
à l’application des dispositions favorables du règlement « Dublin III ». En outre, l’accès à l’asile et donc aux procédures de réunification familiale s’avère encore plus complexe lorsque le jeune demandeur n’est pas pris en charge dans le dispositif de protection de l’enfance mais seulement suivi par une association.

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Pourtant, de nombreux jeunes auraient vocation à emprunter des voies sécurisées de passage vers le nord de l’Europe notamment, par les procédures de réunification familiale, si ces procédures étaient véritablement facilitées et favorisées.

Le Défenseur des droits n’a de cesse de dénoncer, depuis 201670, dans ses décisions
et ses rapports à l’attention des pouvoirs publics, le défaut de mise en œuvre de ces voies légales de migration, pourtant existantes, au profit de ces enfants et de leurs familles présentes dans les États membres de l’Union.

2. Le cas du Royaume-Uni

Le 31 décembre 2020, les dispositions du règlement « Dublin III », permettant aux mineurs non accompagnés se trouvant en France de rejoindre leur famille au Royaume- Uni, ont cessé de s’appliquer. L’année 2020 avait été particulièrement difficile pour ces mineurs du littoral Nord-Pas-de-Calais.

En effet, dès janvier 2020, le Parlement britannique a révoqué un amendement à la loi sur le retrait de l’Union européenne qui obligeait le gouvernement britannique à protéger le droit à la réunification familiale en négociant une alternative au règlement « Dublin III ».

En mai 2020, les autorités britanniques ont par ailleurs annoncé la fin de la voie migratoire dite « Dubs » qui permettait à des mineurs isolés demandeurs d’asile n’ayant pas de famille au Royaume-Uni de rejoindre ce pays en toute sécurité, au vu de leur particulière vulnérabilité. Le Parlement britannique a en outre refusé à deux reprises un amendement à la loi anglaise sur l’immigration dont l’objectif était d’inclure dans le droit national un droit pour les mineurs isolés à des voies sûres et légales. Enfin, la Commission européenne avait annoncé qu’elle ne disposait pas de mandat de négociation de la part des États membres sur ce sujet. Depuis le 1er janvier 2021, aucune solution européenne de remplacement de ce mécanisme n’est intervenue.

Or, la possibilité pour les mineurs non accompagnés, présents le long du littoral Nord-Pas-de-Calais, d’envisager des voies sûres de réunification familiale est un outil indispensable pour leur permettre d’accepter des mesures de protection en France le temps du déroulement des procédures. L’impossibilité de garantir des voies sûres de départ vers

le Royaume-Uni à ceux qui vivent dans les campements rend toujours très difficile
leur orientation vers un dispositif officiel
de protection à l’occasion des maraudes associatives. Ces mineurs se mettent dès lors de plus en plus en danger pour emprunter

les voies maritimes de passage, ce qui, inévitablement, conduit à des drames de plus en plus fréquents.

Les personnels du département du Pas- de-Calais ainsi que les travailleurs sociaux
de France terre d’asile ont fait part à
la Défenseure des droits, lors de son déplacement à Calais en septembre 2020, de leur grande inquiétude à l’approche de la fin de la période transitoire. Les adolescents pris en charge qui restaient en attente de rejoindre légalement leurs proches se montraient anxieux et en détresse psychologique.

Dans la mesure où la France va maintenir sa coopération avec le Royaume-Uni dans le domaine du contrôle migratoire, la Défenseure des droits a alerté en novembre 2020 le ministre de l’Intérieur.

Celui-ci a indiqué en réponse71 que « Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, les services du ministère de l’Intérieur sont actuellement pleinement mobilisés sur la base d’un mandat de négociation accepté par l’Union européenne, pour engager des discussions avec le Royaume-Uni, visant à prévoir

des conditions plus favorables que le droit commun pour les mineurs non accompagnés et les familles qui ont des liens familiaux avec le Royaume-Uni. ».

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3. D’un État membre de l’Union européenne vers la France

La Défenseure des droits est fréquemment saisie de situations de mineurs non accompagnés, en Grèce, dont la famille (frère, père ou oncle) réside régulièrement sur le territoire français et demande à ce que ces adolescents puissent les rejoindre. Lors du dépôt de la demande d’asile du mineur auprès des autorités d’un État de l’Union Européenne, ces dernières adressent à la France, une demande de prise en charge du mineur en application du règlement « Dublin III », afin que les autorités françaises reconnaissent leur compétence pour traiter de la demande d’asile du mineur isolé. Ces demandes se heurtent toutefois parfois, soit au silence des autorités françaises, soit à leur refus.

A la suite des interventions du Défenseur des droits, quelques situations ont pu être débloquées positivement par les services du ministère de l’Intérieur.

Saisine

Le Défenseur des droits a été saisi, en septembre 2019, par le frère, de nationalité française, d’un MNA de 15 ans de nationalité afghane présent sur l’île de Samos en Grèce, dans le cadre de la demande de réunification familiale de ce dernier (sur le fondement du règlement 604/2013 dit Dublin III).

Une demande de prise en charge a été envoyée par l’Unité Dublin grecque le 23 avril 2019 dernier sur le fondement de l’article 8 du règlement qui indique que « Si le demandeur est un mineur non accompagné, l’État membre responsable est celui dans lequel un membre de la famille ou les frères ou sœurs du mineur non accompagné se trouvent légalement, pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur ».

Le 24 mai, l’association Safe Passage
saisissait le ministère français afin de faire état de la vulnérabilité du jeune adolescent et transmettait la liste des documents permettant d’établir le lien de famille.

Le 20 juin 2019, le ministère rejetait la demande de prise en charge aux motifs que le lien de famille n’était pas avéré et que le frère aîné ne vivait pas à l’adresse indiquée. La représentante légale du mineur en Grèce précisait alors avoir envoyé une demande de « reconsidération » à la France avec des documents complémentaires dans les vingt jours suivant ce refus.

Par courriel du 19 septembre 2019, le Défenseur des droits saisissait à son tour le ministère de l’Intérieur français, demandant le réexamen de la situation du mineur et de son frère, appelant tout particulièrement l’attention des services sur l’urgence de la demande compte-tenu de la situation de cet enfant sur l’île de Samos.

Le 3 février 2020, le ministère de l’Intérieur indiquait en réponse, « qu’un accord de prise en charge du mineur avait été transmis à la Grèce le 17 décembre 2019, qui devrait donc pouvoir rejoindre son frère. » Le mineur est entré en France au cours de mois de février 2020, soit près de 10 mois après la première demande de réunification familiale.

Il convient de relever cependant qu’à l’occasion d’une instance au cours de laquelle la Défenseure des droits a formulé des observations, dans une situation de
refus de la France d’accepter la réunification familiale d’un jeune afghan avec son frère demeurant en France, en octobre 2020, le tribunal administratif a, dans une décision
du 11 mars 2021, considéré que « la réponse négative à une demande de prise en charge, adressée au seul État requérant, dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable, ne remet pas en cause le traitement de [la] demande d’asile par l’État auprès duquel il a présenté cette demande et ne […] fait pas grief » au mineur demandeur d’asile.

La Défenseure des droits s’inquiète de ce
que les décisions de refus de l’Etat français aux demandes de prise en charge émanant des Etats membres de l’UE ne puissent faire l’objet d’un recours en France, au risque d’une violation du droit au recours effectif.

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En effet, d’une part, le règlement Dublin ne contraint pas l’Etat requérant à examiner la demande d’asile de la personne dont la prise en charge aurait été refusée par l’Etat requis normalement compétent, ou en cas de silence persistant de ce dernier.

D’autre part, si la demande de réunification familiale est présentée au premier chef par le mineur non accompagné, demandeur d’asile, qui souhaite bénéficier des dispositions favorables du règlement « Dublin III », elle concerne

aussi les autres membres de sa famille qui demeurent sur le territoire de l’Etat français et qui demandent légitimement à se prévaloir de leur droit au respect de la vie familiale, au sens de l’article 8 de la CEDH et de la CIDE72.

L’article 27 du règlement « Dublin III » prévoit quant à lui l’existence d’un droit de recours effectif contre les « décisions de transfert » vers l’État membre responsable.

Toutefois, il n’est pas fait expressément mention de droit au recours effectif contre une décision de refus de transfert ou de prise en charge opposée à l’Etat requérant par l’Etat requis, et le règlement est imprécis sur ce qu’on doit entendre par « décision

de transfert » ; cette imprécision devrait dès lors conduire le juge à s’interroger sur l’interprétation et la portée qui doivent être données à l’article 27.

A cet égard, le règlement « Dublin III » ne saurait être lu, ni interprété indépendamment des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne73 et
par les autres instruments internationaux
de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, telles que la CEDH et la CIDE, que la France a ratifiées.

L’article 47 de la Charte précitée dispose que

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article ».

Aux termes de la jurisprudence de la CJUE relative à l’article 47, les garanties du droit
à un recours effectif ne sont pas limitées uniquement à certaines décisions prises par les États membres, mais doivent être assurées

dans toutes les situations où une violation d’un droit protégé par le droit de l’Union est alléguée, dont le droit au respect de la vie familiale (article 7 de la Charte et article 8 de la Conv. EDH) et l’intérêt supérieur de l’enfant (protégé par l’article 24 de la Charte et par l’article 3-1 de la CIDE)74.

L’article 13 de la CEDH garantit lui aussi le droit au recours effectif à l’encontre d’une mesure qui porterait atteinte aux droits et libertés protégés par la Convention, tel que le droit au respect de la vie familiale75.

En outre, si l’article 27 garantit un droit au recours effectif contre des demandes de prise en charge ou de transfert acceptées et une application incorrecte du règlement, il devrait garantir le même droit contre une décision négative de l’Etat requis au titre de l’article 8 du règlement, conformément aux objectifs poursuivis par celui-ci.

Certaines juridictions, au Royaume-Uni76 et en Allemagne, ont d’ailleurs accepté de connaître des contentieux en la matière.

Par ailleurs, face à ces demandes de réunification familiale, la Défenseure des droits ne peut que rappeler la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la mise en œuvre du droit au respect de la vie familiale, au regard de l’article 8 de la Convention. La CEDH examine
la question de la conformité d’un refus de réunification familiale à l’article 8 à la lumière de principes définis dans sa jurisprudence (légalité, nécessité et proportionnalité de la mesure). L’un des critères pris en compte dans le cadre de son contrôle est l’âge et la situation des enfants concernés. Ainsi, dans l’arrêt Moustahi contre France, la Cour a eu l’occasion de réaffirmer
sa jurisprudence concernant le respect du
droit à la vie familiale s’agissant de mineurs
en situation d’isolement et de vulnérabilité,
et notamment le fait qu’« être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale, et des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans
le droit protégé par cette disposition. Pareille ingérence méconnaît cet article à moins qu’elle nesoit«prévueparlaloi»,neviseunoudes buts légitimes au regard du paragraphe 2 de l’article 8 et ne puisse passer pour « nécessaire dans une société démocratique »
77.

28

Enfin, le Conseil d’État a considéré que l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale constituent une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative78.

A plusieurs reprises, la Défenseure des droits
a appelé la France à faire une application dynamique du règlement Dublin III, en considération de l’intérêt supérieur des enfants non accompagnés, afin d’assurer pleinement leur droit fondamental à une vie privée et familiale normale79.

Il convient de rappeler qu’outre l’exigence de prise en considération de l’intérêt supérieur
de l’enfant dans l’application du règlement Dublin III, l’article 22.4 précise que « L’exigence de la preuve [pour établir l’Etat responsable] ne devrait pas aller au-delà de ce qui est nécessaire (…) » et qu’« à défaut de preuve formelle, l’État membre requis admet sa responsabilité si les indices sont cohérents, vérifiables et suffisamment détaillés pour établir la responsabilité ».

C’est également ce que la CIDE et la ConvEDH demandent aux Etats : examiner les demandes de réunification familiale avec humanité, célérité et souplesse.

C’est sur cette base que la Défenseure
des droits intervient lorsqu’elle est saisie de telles situations afin de rappeler
aux autorités que le refus opposé aux demandes de prise en charge formulées par les autorités étrangères à l’égard de mineurs non accompagnés ayant de la famille en France, est susceptible de porter une atteinte disproportionnée à leur droit fondamental de mener une vie familiale normale, en violation de leur intérêt supérieur.

C. La relocalisation des mineurs non accompagnés depuis la Grèce

En octobre 2020, la Défenseure des droits a été alertée sur les conditions d’arrivée de mineurs non accompagnés « relocalisés » depuis la Grèce.

A partir de l’été 2020, certains mineurs non accompagnés se trouvant dans les camps de Lesbos et Moria en Grèce et éligibles à une protection internationale au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire et ne répondant pas aux critères de la réunification familiale, ont pu être pris en charge dans des États membres volontaires de l’Union européenne. L’objectif était de permettre à ces mineurs de bénéficier d’une part de voies sûres et légales de migration vers un État membre de l’UE, et d’autre part, d’une prise en charge en tant que mineurs et demandeurs d’asile dans cet État. Le programme qui devait s’achever fin 2020 a été prolongé en 2021 en raison du retard pris suite à la crise sanitaire.

C’est en vertu de la possibilité pour les
États membres de décider d’examiner
la demande de protection internationale
d’un mineur80 présent en Grèce, que cette procédure de « délocalisation/relocalisation » a été mise en place, à la suite du conseil européen extraordinaire « Justice et Affaires intérieures » du 4 mars 2020. Onze États membres volontaires de l’Union européenne, parmi lesquels la France, participent à cette procédure. Celle-ci est encadrée par un document intitulé « Standard Operating Procedure », développée conjointement par la direction générale « Home – Migration

et affaires intérieures » de la Commission européenne, les autorités grecques et les différentes agences de l’ONU81. Des agences de l’Union européenne sont également impliquées : le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) ainsi que l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA). Un document conjoint établi par les agences de l’ONU en avril 2020 précise que la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être le principe directeur de la procédure de relocalisation.

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Cette procédure prévoit qu’en Grèce, les mineurs font l’objet d’entretiens relatifs à
leur minorité, à leur demande d’asile et à la détermination de leur intérêt supérieur, afin notamment de choisir l’État membre de destination. Les Etats membres participants peuvent également prévoir des étapes supplémentaires et établir des critères additionnels de sélection pour les mineurs accueillis sur leur territoire. La priorisation des profils des mineurs sélectionnés et le choix final reviennent, en dernier lieu, aux États membres de destination. Une fois arrivés dans l’État membre de destination, les mineurs doivent être immédiatement orientés dans des structures de protection de l’enfance adaptées. Ils doivent également bénéficier d’une décision judiciaire de placement pérenne dès leur arrivée sur le territoire et obtenir le plus rapidement possible le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, cet élément ayant déjà fait l’objet d’entretiens en Grèce.

La France s’est engagée à accueillir 500 mineurs non accompagnés (350 initialement puis 150 mineurs supplémentaires, suite à l’incendie du camp de Moria82), à partir du mois d’août 2020 par groupes successifs.
Ce programme est piloté par une préfète
« en charge de la relocalisation des mineurs non accompagnés de Grèce », chargée de coordonner les différents acteurs compétents (OFPRA, mission MNA de la protection judiciaire de la jeunesse, DGCS, etc.).

La France fait partie des États membres ayant choisi de mettre en place des
étapes additionnelles en complément de
la procédure commune élaborée par la Commission européenne. Ainsi, un entretien supplémentaire dit « entretien sécurité », diligenté par les services du ministère de l’Intérieur et tendant à s’assurer que le mineur ne représente pas un « risque sécuritaire » pour la France est systématiquement mené. Un autre entretien visant à établir le caractère « manifestement fondé » de la demande

de protection internationale du mineur et l’existence d’une vulnérabilité particulière, réalisé par l’OFPRA, en parallèle des entretiens prévus dans les « Standard Operating Procedures » est aussi conduit. Toutefois, la France n’a pas établi de critères de sélection

des mineurs (en fonction de la nationalité ou de l’âge des mineurs par exemple). Les mineurs afghans et syriens seraient les plus représentés parmi les mineurs accueillis.

Durant l’année 2020, 130 mineurs sont arrivés en France via le programme. Au 18 mars 2021, ce chiffre atteignait 23483. A l’heure de la rédaction du présent rapport84, la Défenseure des droits ignore si ce programme se poursuit, ou s’il a pris fin, ainsi que le nombre de mineurs effectivement relocalisés.

Cependant, après avoir questionné l’ensemble des intervenants français dans cette procédure, la Défenseure des droits constate que subsistent plusieurs difficultés dans la mise en œuvre du programme de relocalisation depuis la Grèce vers la France tel qu’il a été conduit jusqu’à présent. Ainsi, des inquiétudes persistent s’agissant du passage à la majorité de certains adolescents entre le moment de leur sélection en Grèce et leur arrivée effective en France, une admission dans le dispositif national des demandeurs d’asile pouvant s’avérer fort peu adaptée à la vulnérabilité de ces jeunes gens.

Par ailleurs, malgré l’existence de procédures et garanties communes en matière de
droits de l’enfant et de prise en compte
des vulnérabilités, plusieurs éléments préoccupants sont à souligner aux différentes étapes du processus.

1. Le processus de sélection des mineurs en Grèce

Durant la procédure de relocalisation en Grèce, les mineurs sont accueillis dans des « transit house » gérées par l’OIM, en Grèce. Ils y restent jusqu’à leur départ pour les pays européens sélectionnés.

Le procureur grec désigne un « guardian » provisoire (équivalent de l’AAH français) chargé de représenter et d’accompagner les mineurs durant la procédure en Grèce. Les « guardians » ont fait l’objet d’une formation par l’OFPRA afin de renforcer leur connaissance sur « les spécificités de la relocalisation et la procédure de demande d’asile des mineurs non accompagnés [en France] ».

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Cependant, cette formation a eu lieu
seulement le 10 septembre 2020, alors que plusieurs mineurs étaient déjà arrivés en France au mois d’août précédent. D’après
les autorités françaises, les « guardians »
sont systématiquement présents lors des 2 entretiens supplémentaires prévus (demande d’asile mené par l’OFPRA et entretiens sécurité).

Selon l’OFPRA, les officiers de protection menant les entretiens en Grèce seraient spécialement formés à l’instruction de demandes d’asile de mineurs.

Après l’entretien et l’instruction de la demande, l’OFPRA confirme ou non l’éligibilité du
mineur à une protection internationale au
titre de l’asile en France, et adresse un avis favorable ou défavorable au ministère de l’Intérieur français. Les mineurs éligibles sont autorisés à rejoindre la France sous réserve

de considérations « d’ordre public » vérifiées en parallèle par les services du ministère
de l’Intérieur. En cas de décision de non- éligibilité, les mineurs non retenus conservent leur statut de demandeurs d’asile auprès des autorités grecques et peuvent solliciter une relocalisation vers un autre État membre. L’OFPRA a indiqué au Défenseur des droits que « ces entretiens ne diffèrent en rien, sur
le fond, de ceux que l’OFPRA conduit avec les mineurs non accompagnés qui présentent une demande d’asile sur le territoire français ».

Cependant, force est de constater que l’entretien en Grèce se contente d’évaluer l’éligibilité de la demande de protection et ne conduit pas à la délivrance par l’OFPRA d’une décision écrite notifiée au mineur. Aussi, s’agissant des mineurs qui ne bénéficieraient pas d’un accord des autorités françaises,

il apparaitrait important que ces derniers puissent recevoir un document visant à sécuriser leur présence en Grèce et à les informer de manière complète de leur situation, dans le respect de l’article 3-1 de la CIDE.

Un tel document, élaboré en lien avec
les autorités grecques et la Commission européenne pourrait formellement indiquer dans la langue d’origine du mineur et en anglais, que le mineur conserve son statut de demandeur d’asile auprès des autorités grecques, et d’autre part qu’il peut demander

à bénéficier des dispositions relatives à la réunification familiale85 ou d’une relocalisation vers un autre Etat membre de l’UE. Il serait également opportun que le mineur soit formellement informé de la transmission

de cette décision négative des autorités françaises, aux autorités grecques, notamment lorsque la décision fait suite à un entretien de sécurité qui fait état de menace à l’ordre public.

En effet, il y a lieu de relever que malgré les interrogations de la Défenseure des droits,
le ministère de l’Intérieur n’apporte pas d’éléments précis relatifs à cette notion de
« menace à l’ordre public », ni aux critères retenus par l’administration pour écarter certains mineurs de la relocalisation. Si, selon le ministère de l’Intérieur, moins de 5% des plus de 300 mineurs entendus en Grèce par les autorités françaises, ont fait l’objet d’un refus pour raisons de sécurité, il n’en demeure pas moins que la Défenseure des droits s’inquiète des éventuelles conséquences de
la communication d’un tel refus de nature sécuritaire, pour les mineurs concernés, vis-à- vis des autorités grecques.

2. L’arrivée en France

En amont du programme, la relocalisation des mineurs non accompagnés depuis la Grèce a fait l’objet d’une communication auprès des autorités locales compétentes, à savoir les départements et les autorités judiciaires86.

Peu avant leur arrivée, la mission mineurs non accompagnés (Mission MNA) du ministère de la Justice répartit les mineurs au regard de
« l’équilibre de la clé de répartition nationale ». La Préfète en charge de la coordination du programme prend attache avec les parquets territorialement compétents des aéroports d’arrivée et leur transmet la répartition définitive effectuée par la Mission MNA. Peu avant leur arrivée en France, la Mission MNA prend également contact avec les tribunaux pour enfants des lieux de destination pour leur transmettre les informations sur les mineurs et leurs dossiers individuels (dont le compte rendu du « best interest assessment »). Ces informations sont préalablement transmises au ministère de la Justice par le ministère de l’Intérieur.

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Des ordonnances de placement provisoire sont prises par le parquet de l’aéroport d’arrivée et transmises à la juridiction compétente du futur lieu de prise en charge. Le procureur du lieu

de destination finale doit alors saisir le juge des enfants et procéder, « dans les meilleurs délais », à la nomination d’un AAH. Par ailleurs, le schéma de procédure communiqué par la Mission MNA aux acteurs concernés prévoit qu’une audience en assistance éducative devant le juge des enfants saisi doit avoir lieu à l’issue de laquelle le placement est maintenu ou levé. Ainsi, une fois en France, la situation de ces mineurs reste incertaine.

Les mineurs relocalisés sont accueillis en France par certains conseils départementaux, sur la base du volontariat, une subvention financière étant octroyée par l’Etat pour chaque mineur accueilli via ce programme.
A cet égard, le ministère de la Justice a indiqué à la Défenseure des droits que la nécessité de ne pas procéder à un nouvel examen de la minorité et de l’isolement de
ces jeunes fait l’objet de rappel régulier par la préfète coordinatrice et la Mission MNA, lors d’échanges avec les services départementaux.

S’agissant de la demande d’asile de ces mineurs, un AAH leur est désigné par le procureur de la République compétent « le plus rapidement possible », et les mineurs doivent introduire leur demande d’asile auprès du GUDA.

L’OFPRA a indiqué qu’aucun nouvel entretien n’était conduit en France, le récit d’asile ayant déjà été recueilli en Grèce. Ainsi, d’après l’office, les mineurs arrivés en France entre août 2020 et novembre 2020 avaient introduit une demande d’asile dans les mois suivant leur arrivée sur le territoire français. La Défenseure des droits a toutefois été informée qu’une dizaine d’entre eux ne l’avait pas encore fait plusieurs mois après leur arrivée, aucune précision supplémentaire n’ayant été apportée sur la situation des mineurs concernés.

Par ailleurs, des cas de fugue ont été portés à la connaissance de la Mission MNA (8 fugues au total sur les trois premiers groupes de mineurs arrivés en France) qui souligne qu’elles auraient été motivées par « la volonté des mineurs de rejoindre des membres de leur famille se trouvant dans d’autres pays européens ». Il était donc particulièrement important de s’assurer en amont que les mineurs participants au programme de relocalisation n’étaient pas éligibles à la réunification familiale, le programme de relocalisation devant présenter un caractère subsidiaire par rapport à la réunification familiale, qui permet aux mineurs de retrouver des membres de leur famille.

Enfin, si la Défenseure des droits note
avec grand intérêt que la Préfète propose qu’un « suivi des jeunes soit mis en place
sur une période d’un à deux ans, en étroite collaboration Etat départements : suivi scolaire, entrée en formation, apprentissage, intégrations sociale et professionnelle,
en prévision de la sortie ASE, accès aux droits…»
, elle constate avec inquiétude que les modalités de ce suivi n’avaient pas encore été définies, à la date des réponses reçues, et que, selon certaines associations, nombre de ces mineurs, particulièrement fragilisés par le séjour dans les camps grecs, étaient pris en charge en hôtel sans accompagnement notamment psychologique.

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Invite instamment le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères à faire aboutir, en lien avec les autorités britanniques, les négociations engagées en vue de conclure un accord bilatéral relatif au maintien de voies légales de réunification familiale pour les mineurs non accompagnés, dans l’intérêt supérieur des enfants ;
  • Estime que les décisions du ministère de l’Intérieur français qui rejetteraient des demandes de prise en charge de mineurs non accompagnés, présentées par un
    Etat membre, au titre de l’application de l’article 8 du Règlement « Dublin III », font incontestablement grief aux mineurs et à leur famille, et doivent ainsi pouvoir faire l’objet d’un recours effectif et être soumises au contrôle du juge administratif ;
  • Tient à saluer l’existence d’un programme de relocalisation en faveur des mineurs non accompagnés et appelle de ses vœux la multiplication de mécanismes, créant des voies sûres et légales de migration pour ces enfants ;
  • Invite le ministre de l’Intérieur, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, et le ministre des Solidarités et de la Santé, à mettre en place rapidement les modalités de suivi de la situation des mineurs relocalisés, afinde pallier les éventuelles difficultés et de sécuriser leurs parcours, pour améliorer et le cas échéant, envisager de reproduire cette expérience.

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Partie III

L’accès des mineurs non accompagnés
au dispositif de protection de l’enfance

L’accès d’un mineur non accompagné au dispositif de protection de l’enfance implique l’évaluation de sa minorité et de son isolement.

La Défenseure des droits constate que,
dans de nombreuses situations qui lui sont soumises, les mineurs concernés, évalués majeurs par les services des conseils départementaux ou les associations mandatées par les départements, font, suite à un recours devant les tribunaux, l’objet d’une décision judiciaire de placement. Or, en raison des délais d’audiencement devant le juge des enfants, les mineurs perdent de nombreux mois sans protection, sans accès à l’instruction et aux dispositifs de protection de l’enfance (ce qui leur porte également préjudice en matière d’accès au séjour à la majorité – infra).

Selon la Défenseure des droits, les jeunes exilés se disant mineurs doivent être considérés comme tels et jouir des droits
et de la protection s’y rattachant, jusqu’à décision judiciaire définitive. Le respect
de cette présomption de minorité et par conséquent des droits s’y attachant est selon la Défenseure des droits en conformité avec les préconisations des organes internationaux.

Saisine

La Défenseure des droits a été saisie en 2021 par l’avocate d’un jeune étranger, né le 16 mars 2003 au Cameroun, qui indiquait avoir saisi le juge des enfants le 2 octobre 2019
afin d’obtenir l’ouverture d’une mesure en assistance éducative pour son client. Elle précisait être sans nouvelle de sa requête depuis cette date. La Défenseure des droits, après instruction de la situation, a présenté des observations devant le juge des enfants. Elle considérait que l’absence d’audiencement par le juge des enfants pendant plus de 17 mois était un déni de justice qui portait une atteinte grave aux droits et à l’intérêt supérieur du requérant.

Elle concluait également qu’en l’absence d’une remise en cause du passeport, ce document doit être regardé comme un document faisant foi, au sens de l’article 47 du code civil. Elle rappelait que, comme l’indiquait le Conseil constitutionnel, la majorité de Monsieur Y

ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. Enfin, la Défenseure des droits estimait qu’il convenait de tenir compte de l’intégralité du contenu

du rapport d’évaluation, et non uniquement de la conclusion des services éducatifs, pour en apprécier la portée, et rappelait que le doute sur sa minorité devait profiter au jeune homme.

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Le lendemain de la réception des observations de la Défenseure des droits, le juge des enfants a prononcé une ordonnance de placement provisoire en faveur du jeune. Par décision

du 16 mars 2021, après débat contradictoire, le juge a confirmé son placement jusqu’à majorité, précisant qu’une prise en charge pourrait se poursuivre dans le cadre d’un contrat jeune majeur eu égard à la bonne évolution de l’intéressé87.

En effet, à plusieurs reprises, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a appelé les Etats
à considérer les mineurs non accompagnés comme des enfants en leur reconnaissant
le bénéfice de la présomption de minorité. Dans plusieurs décisions de 2019 et 2020 portant sur les procédures de détermination de l’âge par l’Etat espagnol, il a considéré
que « pendant que [le] processus [de détermination de l’âge] est en cours, la personne doit être présumée et traitée comme un enfant »88.

Il convient de souligner que le processus de détermination de la minorité et de l’isolement s’entend, comme le souligne le Comité89, comme l’ensemble des étapes visant à établir la minorité et l’isolement d’une personne se déclarant mineure privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, incluant l’évaluation diligentée par le conseil départemental ainsi que les voies de recours judiciaires.

En droit français, seul le juge des enfants est compétent pour confier durablement un enfant à un service d’aide sociale à l’enfance lorsque celui-ci est en danger ou en risque de danger. Il appartient donc à l’autorité judiciaire90 de déterminer, en même temps que l’existence d’un danger ou d’un risque de danger, si la personne dont il est question est un enfant ou un adulte.

A ce titre le Conseil d’Etat reconnait depuis sa décision du 1er juillet 2015 que la seule faculté dont dispose le conseil départemental s’agissant de la protection d’un mineur

est de choisir de saisir ou non l’autorité judiciaire en vue d’un placement, et ce dans le délai de 5 jours fixé par le code de

l’action sociale et des familles (CASF). Cette jurisprudence constante91 reconnaît, de l’avis de la Défenseure des droits, une présomption de minorité qui s’attache à la personne se déclarant mineure non accompagnée dans

la mesure où seul le juge des enfants peut être saisi directement par un mineur et se prononcer sur l’admission de celui-ci à l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Selon la Défenseure des droits, la personne se déclarant mineure non accompagnée doit être par conséquent présumée comme telle jusqu’à ce que le juge des enfants se prononce, que

le département l’ait évaluée, durant la période de recueil provisoire d’urgence, mineure ou majeure. A ce titre, cette personne bénéficiera lors de son recours juridictionnel devant le juge des enfants, ou de la procédure devant le juge aux affaires familiales (JAF) en charge des tutelles mineurs, ou devant la cour d’appel, de l’ensemble des garanties prévues par l’article 388 du code civil, « afin que les personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures92 ». Le fait que le législateur n’ait pas fixé de délai à l’exercice de ce recours ne saurait invalider cette analyse, au risque

de priver la personne évaluée majeure par un conseil départemental de droit à un recours effectif.

A cet égard, le principe selon lequel « le doute doit bénéficier à la qualité de mineur de l’intéressé » cité par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019, posé par l’article 388 du code civil, tend à renforcer cette présomption de minorité, qui garantit

en outre les mineurs « contre les mesures d’éloignement » et leur permet de « contester devant un juge l’évaluation réalisée »93.

C’est d’ailleurs en s’appuyant sur cette présomption de minorité que la CEDH a prononcé des mesures provisoires (mise à l’abri et hébergement) en faveur d’une jeune fille évaluée majeure par un département, à
la rue et en attente d’une décision du juge
des enfants94. C’est également sur la base
de ce principe que le Comité des droits de l’enfant a lui aussi prononcé plusieurs mesures provisoires à l’encontre de la France.

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Saisine

En décembre 2020, pour la première fois le Comité des droits de l’enfant a été saisi de communications individuelles95 introduites
par deux mineurs isolés et leurs avocates concernant la violation des articles 3, 8, 12 et 20 de la CIDE dans le cadre du processus de détermination de minorité auquel ils avaient été soumis respectivement à Lyon et Marseille. Dans les deux cas, le Comité a ordonné, sur la base de l’article 6 du protocole, des mesures provisoires à l’Etat français afin que ces mineurs soient pris en charge en protection de l’enfance le temps que le Comité examine la recevabilité de leurs requêtes et les violations des droits alléguées.

Saisie de ces situations, la Défenseure des droits a demandé et obtenu du Comité des droits de l’enfant l’autorisation de déposer une tierce intervention dans ces procédures.96

Enfin c’est aussi sur la base de ce principe que le Conseil d’Etat a reconnu la compétence du juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, « lorsqu’il apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité »97.

A. Les mineurs éloignés de la protection 1. Les mineurs dits « en transit »

Depuis le rapport Calais publié en octobre 2015, fort des constats réalisés lors de différentes missions d’observations, le Défenseur des droits n’a de cesse de dénoncer la situation préoccupante des mineurs non accompagnés considérés comme « en

transit » sur le territoire et qui ont souvent pour destination un autre pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni en particulier98.

Les 22 et 23 septembre 2020, la Défenseure des droits s’est rendue à Calais. Elle s’est longuement entretenue avec de nombreux exilés dont des adolescents, les associations leur venant en aide, les services de l’Etat, dont le préfet, les responsables de l’ensemble des forces de sécurité présents dans le Calaisis, les services en charge de l’accueil des mineurs non accompagnés pour le département et la maire. A l’issue de cette visite, la Défenseure des droits a réitéré les constats déjà formulés par l’institution et son prédécesseur sur les atteintes aux droits fondamentaux les plus élémentaires dont sont victimes les exilés.

La Défenseure des droits reste notamment particulièrement préoccupée par la situation des mineurs non accompagnés, dont certains qui n’ont que douze ou quatorze ans, sont également en danger et la proie de réseaux. Si les maraudes de France terre d’asile et les repérages des associations non mandatées par l’Etat débouchent parfois sur la mise à l’abri de mineurs dans la structure de Saint- Omer, la Défenseure des droits constatait

en septembre 2020, une fois de plus, que ce dispositif n’était toujours pas suffisant.

Ainsi, si le nombre de jeunes mineurs présents sur le littoral Nord-Pas-de-Calais paraît difficile à déterminer précisément, en particulier pour certaines nationalités très encadrées par leur communauté, il était néanmoins évalué, en septembre 2020, par les associations, à plus d’une centaine, présents à Calais, de nationalité éthiopienne, érythréenne, soudanaise et afghane. Cependant les associations ont récemment constaté l’arrivée de mineurs d’autres pays, comme la Guinée,
le Mali et la Côte d’Ivoire. Ces adolescents évoquent des parcours de plusieurs mois
dans d’autres régions françaises. Beaucoup proviennent d’Italie et de Suisse, où ils craignaient d’être éloignés du territoire à leur majorité, et reprennent un parcours d’exil.

La Défenseure des droits ne peut que constater que les préconisations émises dans la décision du 20 avril 201699 et réitérées dans le rapport de décembre 2018, demeurent d’actualité et sont valables pour tous les lieux où les mineurs réputés en transit vers d’autres États européens sont laissés à leur sort en

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raison du caractère largement inadapté et sous-dimensionné des dispositifs prévus en leur faveur, qu’il s’agisse de leur mise à l’abri ou encore de leur évaluation et de leur prise en charge pérenne.

Ainsi, quel que soit le lieu, les dispositifs de protection des mineurs en transit dans les campements s’avèrent largement sous- dimensionnés, insuffisants voire inexistants, alors même que le profil de ces enfants, en situation d’extrême vulnérabilité, souvent sous l’emprise d’adultes, appelle de la part des pouvoirs publics une attention particulière, renforcée et adaptée.

Sans jamais soutenir la perspective d’un transfert de compétences des départements vers l’État, ces mineurs non accompagnés relevant en tout état de cause, du dispositif de protection de l’enfance, la Défenseure des droits considère que l’Etat pourrait

en revanche, s’agissant de la protection
due à ces enfants, participer davantage
en mettant notamment à la disposition
des départements, des structures ou des bâtiments pouvant accueillir dans des conditions dignes et adéquates, des jeunes en recueil provisoire d’urgence. 
Cela pourrait permettre de résoudre les difficultés tenant au manque de structures, souvent dénoncées par les départements et permettrait d’en finir avec l’accueil hôtelier ou la saturation permanente des dispositifs de mise à l’abri existants.

Le Défenseur des droits estime également depuis plusieurs années qu’il est indispensable d’élaborer des dispositifs de prise en charge innovants permettant de tenir compte de
la situation spécifique de ces adolescents. Parmi ces solutions, devraient être envisagés a minima, en lien étroit avec des maraudes socio-éducatives, des centres d’accueil de jour proches de leurs lieux de rassemblement et/ ou de vie, leur offrant un accès à la sécurité, aux soins, à des informations claires sur leurs droits, notamment sur leurs droits d’accéder au dispositif de protection de l’enfance, à
l’asile et à la réunification familiale, ainsi qu’à un accompagnement juridique de qualité permettant à ceux qui n’envisagent pas,
à terme, une prise en charge en France, d’emprunter les voies légales de migration vers les pays où ils auraient des attaches familiales.

La dynamique de ces mineurs en transit nécessite également une approche éducative adaptée. Peu enclins à quitter leurs lieux de vie, les mineurs sont méfiants, parfois très encadrés par leur communauté et peu libres de leurs choix. Lorsque les associations présentes sur le terrain parviennent à convaincre les mineurs de s’orienter vers

une prise en charge au titre de la protection de l’enfance, ces derniers se heurtent aux dispositifs d’évaluation totalement inadaptés
à leur problématique et à la saturation des dispositifs. Or sans mise à l’abri immédiate, les mineurs se rétractent et leur confiance dans les adultes qui les approchent s’amenuise.

Enfin, l’accompagnement des mineurs
vers les soins doit être une priorité comme la réalisation des examens de santé, particulièrement importants du fait des conditions extrêmes de migration et de survie auxquelles la plupart d’entre eux sont confrontés, ainsi que de l’impact de ces conditions sur leur état de santé physique et psychique.

Comme les adultes, les mineurs non accompagnés en transit sont constamment confrontés aux dangers des tentatives de passages clandestins, à la précarité, la violence de la vie à la rue et confrontés à de lourds problèmes d’hygiène.

À Calais, les associations évoquent des situations de violences auto infligées car les mineurs voient leur état psychologique se dégrader. Les automutilations, addictions (alcoolisme), comportements à risque, violences, et propos suicidaires sont fréquents. Il est fait état de menaces avec armes en échange de faveur sexuelle contre des

jeunes garçons afghans et d’exploitation des adolescents dans le cadre des réseaux de passage (présence dans les files de distributions, surveillance des parkings…). Les mineurs sont victimes plus encore que les adultes de la violence des tentatives de passage. Plusieurs adolescents sont ainsi décédés ces dernières années en tentant le passage vers le Royaume-Uni.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Les mineurs sont par ailleurs confrontés aux violences des évacuations de leurs lieux de vie et évoluent dans des conditions extrêmement misérables. Celles-ci caractérisent de toute évidence une situation de danger qui relève de l’article 375 du code civil, ce danger résultant directement des conditions dans lesquelles

ils se trouvent contraints de vivre, faute de réponse adaptée de la part des pouvoirs publics.

Pourtant, plus encore que les autres,
ces mineurs en transit sont trop souvent considérés comme des étrangers alors qu’ils sont avant tout des enfants en danger.

En témoignent la décision du Défenseur des droits n°2018-281 du 7 décembre 2018 relative aux conditions dans lesquelles les mineurs non accompagnés ont été contrôlés aux abord d’un local associatif et conduits au commissariat

de police, ainsi que la décision n°2021-029 du 9 février 2021, relative aux circonstances dans lesquelles des fonctionnaires de police ont ignoré la déclaration de minorité de jeunes exilés en inscrivant de fausses dates de naissance sur les procès-verbaux, ayant pour conséquence de priver ces jeunes d’une mise à l’abri et de les exposer à des mesures d’éloignement du territoire.

Il convient enfin de rappeler que, s’agissant de ces mineurs, la France a été condamnée par la CEDH, le 28 février 2019100, dans l’arrêt Khan contre France, pour violation de l’article 3 de la ConvEDH101. La Cour a constaté

« l’environnement totalement inadapté [du bidonville pour un enfant], que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et […] dans une précarité inacceptable […] ». Elle a rappelé ensuite les obligations de l’Etat à l’égard des mineurs non accompagnés migrants, dont la situation d’extrême vulnérabilité doit prévaloir sur la qualité d’étranger et a souligné que ces obligations pèsent sur ce dernier, y compris quand les mineurs ne sont pas demandeurs de protection.

A cet égard, le 2 décembre 2021, le comité des ministres en charge de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne
a adressé à la France une demande de mesures complémentaires afin de réexaminer

la situation en décembre 2022102. Le
comité déplore notamment qu’aucune des informations transmises par l’Etat ne concerne spécifiquement la catégorie des mineurs non accompagnés en transit, particulièrement vulnérables. Rejoignant les positions du Défenseur des droits, les membres du comité invitent les autorités à :
• Toujours d’abord identifier les mineurs non

accompagnés et les mettre à l’abri avant

toute opération d’évacuation d’un camp ; • Augmenter les formations aux différents

intervenants sur le terrain ainsi que les
« maraudes » (rondes), avec des personnes spécialisées dans la protection de l’enfance, en vue de mieux informer les jeunes et les mettre davantage en confiance.

Ils réitèrent leur invitation aux autorités à permettre qu’un représentant légal soit désigné aux mineurs non accompagnés en transit, dès que possible. Ils demandent enfin que les autorités augmentent les moyens dédiés aux mineurs non accompagnés

en transit, en particulier leurs capacités d’hébergement, et envisagent des lieux
de mise à l’abri moins éloignés avec une possibilité de contact avec les services de l’ASE et des lieux d’accueil de jour (points d’information, de ravitaillement et sanitaires) proches des mineurs non accompagnés en transit.

La France doit adresser au comité des informations concrètes et actualisées sur ces points à la fin du mois de juin 2022.

2. Les mineurs en errance, en conflit avec la loi : le phénomène de la traite en question

La problématique des mineurs non accompagnés peut susciter des interrogations quant à la réponse appropriée à apporter lorsque certains commettent des délits.

De l’avis de la Défenseure des droits, la question des mineurs non accompagnés en conflit avec la loi pose avant tout celle du défaut de protection dont ces derniers sont souvent victimes.

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Cette question exige à ce titre en premier lieu d’avoir pleinement conscience du phénomène de traite103 qui touche beaucoup d’entre
eux, contraints à commettre des infractions sous l’emprise de réseaux ou d’adultes. Les modalités d’identification puis de protection que la France met en place à leur égard sont particulièrement déficientes.

Ainsi, selon la 3ème enquête annuelle sur les victimes de traite des êtres humains (TEH)104, 339 mineurs victimes de traite ont été suivis par 21 associations en France en 2018, ce qui représente 12% de l’ensemble des victimes accompagnées par ces associations. Parmi ces mineurs, 38% ont été contraints à commettre des délits, ce qui représente la première forme d’exploitation subie par ces derniers en France. Toutefois et bien qu’élevés, ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur du phénomène, qui touche particulièrement

les enfants en provenance des Balkans
et d’Afrique du nord (Maroc et Algérie). La détection de cette forme d’exploitation fait en effet défaut pour la plupart de ces enfants.

A ce titre la CEDH dans un arrêt de chambre du 16 février 2021105 concernant la situation de deux mineurs non accompagnés vietnamiens employés dans des fermes cultivant le cannabis au Royaume-Uni, a pourtant rappelé l’obligation de prendre des mesures concrètes pour protéger les victimes de la traite et a jugé qu’une fois que les autorités ont connaissance d’un soupçon crédible
de traite d’une personne, celle-ci doit être évaluée par une personne qualifiée. La Cour estime que, même si une telle évaluation
n’est pas nécessairement contraignante pour un procureur, ce dernier devrait clairement motiver une conclusion différente. Dans
le cas des deux mineurs concernés, elle relève que, malgré l’existence de soupçons crédibles de traite, ni la police ni le service
des poursuites ne les ont renvoyés vers
une autorité compétente pour évaluation ;
que le service de poursuites avait rejeté
la qualification de victimes de traite sans donner des raisons claires et que la cour d’appel s’était limitée à examiner si la décision d’engager des poursuites avait constitué un abus de procédure. La Cour a alors estimé que l’absence de toute évaluation visant

à déterminer si les intéressés avaient été victimes de la traite les a potentiellement empêchés d’obtenir des éléments de preuve importants susceptibles d’aider leur défense. En tant que telle, la procédure n’a donc pas été équitable, ce qui a emporté violation de l’article 6§1.

C’est bien souvent le manque de connaissances liées aux formes d’exploitation et plus spécifiquement à la contrainte
à commettre des délits, qui mène à un
défaut d’identification et à l’absence de reconnaissance du statut de victime, voire à des poursuites pénales pouvant conduire à l’incarcération des mineurs concernés.

A ce titre, et depuis le rapport de Trajectoires106, on ne peut que déplorer
le manque de connaissance chiffrée et
de données relatives à ces mineurs, sur l’ensemble du territoire. Ces enfants que l’on dit « volatiles », « éloignés de la protection de l’enfance » ne sont dès lors connus que sous l’angle sécuritaire.

L’association France terre d’asile (FTDA)
a publié un rapport107 concernant le phénomène de l’immigration vietnamienne,
à destination de la Grande-Bretagne, dont
le parcours conduit souvent à des étapes
en France, notamment dans les camps de migrants du littoral nord. Ainsi, selon FTDA, l’accompagnement des mineurs vietnamiens, potentiellement victimes de trafics et risquant d’être exploités dans les « fermes de cannabis en Grande-Bretagne », est difficile car ils s’échappent à la première occasion. Il faut rappeler que dans la culture vietnamienne, un mineur de 16 ans est considéré comme un adulte responsable qui doit travailler pour aider la famille. Des « zones grises » mériteraient d’être éclaircies pour mieux comprendre l’organisation de cette migration et les modes d’exploitation mis en place, notamment

les liens entre les réseaux de l’immigration clandestine et ceux liés au cannabis. Ce travail relève de la police et d’une coopération interétatique, qui pour l’heure n’est que peu effective.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Selon l’association Hors la Rue108, en France, « la présence des mineurs originaires d’ex- Yougoslavie contraints à commettre des délits (vol à la tire, pickpocketting…) a été observée dès les années 1980-1990. Dans les années 2000, à côté des mineurs d’origine serbe, croate et bosnienne, d’autres groupes, en provenance de Roumanie et de Bulgarie sont apparus. Les enfants sont contraints, selon les groupes criminels, à des vols de téléphones portables en terrasse, des vols

au DAB, du pickpocketting dans le métro.
Plus récemment, on a assisté à l’arrivée de mineurs non accompagnés en provenance
de pays d’Afrique, notamment l’Algérie et le Maroc, touchés par les mêmes phénomènes (vol à l’arrachée, vente de cigarettes ou de stupéfiants). La présence de mineurs albanais ou vietnamiens contraints à commettre

des délits a également été remarquée dans plusieurs villes de France ainsi que des mineurs originaires d’Afrique de l’Ouest
(vente de stupéfiants, vente à la sauvette, cambriolages…). Si la présence de ces mineurs victimes est observée en France, elle se retrouve dans plusieurs pays européens (Allemagne, Italie, Espagne, Suède, Belgique…) avec des déplacements fréquents entre ces derniers »
.

S’agissant des enfants en provenance du Maroc, le rapport établi par l’association Trajectoires sur la base de données recueillies lors de missions effectuées au Maroc, en Espagne et en France entre décembre 2017 et avril 2018, met à jour un premier diagnostic du phénomène. Selon les observations du centre d’action sociale protestant (CASP) qui intervenait auprès des mineurs en situation de rue à Paris109, ces enfants parfois très jeunes (de 7 à 18 ans) seraient pour la plupart en situation d’errance depuis de nombreuses années, depuis leur village ou ville d’origine

et pour la plupart victimes de situations de rejet de la part de leur famille et/ou de la société. Ces enfants se regroupent dans les grandes villes marocaines et finissent par prendre le chemin de l’Europe. Beaucoup passent par l’Espagne. « Ils ont en commun un projet migratoire qui peut se lire davantage comme une fuite de problématiques non réglées au pays : conflits familiaux, rejet suite

à un remariage, déscolarisation, addiction, difficultés de socialisation, etc. La migration est alors vécue comme un moyen de régler l’ensemble de ces problèmes. Or, le parcours migratoire qu’ils entreprennent […] ne fait que rajouter de nouvelles problématiques à celles de départ : abus sexuels fréquents, ancrage dans la délinquance, poly-toxicomanie 110.

Les mineurs non accompagnés en conflit avec la loi, qu’ils soient ou non victimes de traite ou d’exploitation, sont des enfants en danger qui doivent bénéficier des mesures de protection de l’enfance via le dispositif départemental

de l’aide sociale à l’enfance. Cependant, la Défenseure des droits fait le constat que
ces jeunes peinent à recevoir la protection supposée leur être accordée comme à tout autre mineur en danger. Faute de protection, nombre de ces mineurs demeurent dans une situation de vulnérabilité les exposant au risque de reproduction de faits délictueux.

Ces mineurs parfois très jeunes, posent sans aucun doute aux institutions la question de l’adaptation des dispositifs de protection de l’enfance, la question des moyens mis en œuvre pour les prendre en charge et celle de la coopération européenne et internationale.

A ce titre, le constat est celui d’un manque criant en France d’établissements sécurisants et sécurisés pour protéger les mineurs victimes de traite (sur le modèle belge par exemple ou du nord de l’Europe). La France manque en outre d’établissements et d’équipes pluridisciplinaires formées et aptes à prendre en charge des enfants « poly- addicts », traumatisés, souvent violents, victimes d’abus de toutes sortes y compris sexuels, qui n’ont plus guère de tolérance au cadre et aux règles.

Ces enfants, qui nécessitent un temps
de mise en confiance, l’adaptation des modalités de travail social pour favoriser une démarche positive de mise en confiance
et une pluridisciplinarité des interventions n’emportent malheureusement pas suffisamment l’attention et l’investissement de la part des institutions chargées de les protéger. Les difficultés pour les mineurs non accompagnés en général à être admis dans le dispositif d’aide sociale à l’enfance avec les

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procédures complexes et longues d’évaluation de la minorité ainsi que la création d’un fichier biométrique des mineurs non accompagnés ne font que renforcer leur méfiance à l’égard des institutions et contribuent à les éloigner davantage de la protection à laquelle ils ont droit.

Le Défenseur des droits estime à cet
égard depuis plusieurs années qu’il est indispensable d’élaborer des dispositifs de prise en charge innovants, en protection de l’enfance, permettant de tenir compte de
la situation spécifique de ces adolescents. Parmi ces solutions doivent être mentionnées celles qui existent déjà, des maraudes socio- médico-éducatives avec des éducateurs spécifiquement formés non seulement au travail de rue mais aussi au profil de ces enfants ainsi qu’au repérage des signes de traite. Ils sont ou devraient être accompagnés par des personnels médicaux, infirmières et médecins formés aux soins en addictologie. La prise en compte de la dimension du soin pour ces enfants dont l’état de santé est très souvent préoccupant doit impérativement être renforcée.

A noter

Souvent incarcérés à l’issue d’actes délictueux, faute de garantie de représentation, les mineurs non accompagnés majoritairement originaires d’Afrique du Nord (Maroc et Algérie) voient souvent leur état psychique fortement impacté à leur arrivée en détention : rupture avec l’extérieur, arrêt brutal de leur consommation, etc. Ainsi, l’équipe du SPAP (secteur de psychiatrie ambulatoire aux détenus) de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, auditionné par le Défenseur des enfants

dans le cadre du rapport « Santé mentale des enfants » constate que le recours rapide à l’incarcération et le peu de perspectives concernant un éventuel projet de sortie
leur font traverser d’importants moments d’angoisse.

A l’extérieur, des associations comme Hors-la- Rue mettent en place des maraudes socio- éducatives et psychologiques dédiées. Ce travail de rue qui consiste à aller au-devant des enfants est indispensable au repérage

et à l’approche des mineurs. Cette pratique peut être complétée d’un dispositif d’accueil de jour ainsi que parfois d’un dispositif d’abri de nuit, et repose sur la « libre adhésion » des mineurs à la réponse qui leur est apportée. Ces démarches « d’aller-vers », axées sur l’adhésion des mineurs, peuvent constituer une première accroche vers le soin en santé mentale.

L’ouverture récente d’un centre d’hébergement et de protection des mineurs et jeunes majeurs victimes de traite par l’association Koutcha permettra d’accueillir et peut-être de sécuriser et stabiliser ces mineurs et de leur proposer un accompagnement, des soins et des activités thérapeutiques.

Leur accompagnement durable vers le soin en santé mentale passe par l’échange et les liens entre les acteurs qui rencontrent ces mineurs aux différentes étapes de leur parcours, afin d’imaginer des solutions adaptées à leurs difficultés.

La dimension répressive prend trop souvent le pas sur la protection à assurer à ces enfants.

S’agissant plus particulièrement des mineurs dits de la « Goutte d’Or », des décisions ont été prises visant à les faire identifier par des policiers marocains en lien avec le consulat général du Maroc, afin de tenter leur retour

« volontaire » dans leur famille. Ainsi, des officiers de police marocains ont été présents à Paris durant une partie des années 2018
et 2019. Ils assistaient aux auditions de mineurs présumés de nationalité marocaine, interpellés sur la voie publique et placés
en retenue ou en garde à vue. L’objectif de
ces interventions étaient l’identification des enfants et la préparation d’un retour au Maroc.

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A cet égard, le ministère de l’Intérieur avait indiqué au Défenseur des droits111 que « les travaux de réflexion entre la France et le Maroc ont conduit à l’envoi en France d’une mission d’appui aux autorités consulaires qui a débuté ses travaux le 18 juin [2018]. Cette mission, composée de quatre fonctionnaires issus des services de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Protection de la jeunesse [marocains], a pour objectif de procéder à l’audition de personnes interpellées présumées mineures afin d’établir leur nationalité et de rechercher leurs familles au Maroc ». Le ministère précisait « ces entretiens, conduits sur une base exclusivement volontaire et dont les conditions du déroulement ont été consignés en procédure, visaient en effet à permettre

aux autorités consulaires marocaines d’apporter leur assistance à des mineurs présumés marocains et de mettre un terme, dans la mesure du possible et par une prise en charge adaptée, à une situation d’errance particulièrement dangereuse pour ces derniers ».

Pourtant, d’après les procédures pénales consultées par les services du Défenseur
des droits dans le cadre de l’instruction des réclamations dont il a été saisi, il s’avère que les entretiens étaient conduits alors que les mineurs étaient en garde-à-vue, que leur accord n’avait pas été sollicité, et que ces entretiens ne duraient que quelques minutes.

La Défenseure des droits ne peut dès lors que s’interroger très sérieusement sur la réalité du travail d’identification des mineurs victimes de traite ou d’exploitation au vu des conditions dans lesquelles se déroulent l’ensemble de cette procédure. Le relevé décadactylaire des jeunes gens interpellés était même transmis aux autorités consulaires marocaines pour identification.

Par ailleurs, dans les faits, les mineurs non accompagnés en conflit avec la loi subissent l’incarcération de façon plus systématique que les autres adolescents ayant commis des délits, dans la mesure où, faute de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance

pour la plupart, ils n’ont aucune garantie de représentation. « Les structures éducatives et de protection sont défaillantes, et

l’incarcération apparaît alors comme la seule solution pour ces mineurs dont personne ne semble vouloir », indique le sociologue Olivier Peyroux112.

L’étude relative aux mineurs déférés réalisée par la DPJJ113, basée sur 360 recueils de renseignements socio-éducatifs, révèle
une part très importante de mineurs non accompagnés, parmi les mineurs déférés.

1 mineur sur 4 est non-accompagné (88 mineurs, soit 3 filles et 85 garçons). Parmi
eux, 18 mineurs non accompagnés était pris en charge par un conseil départemental.
80% des mineurs non accompagnés déférés n’étaient pas pris en charge par un Conseil départemental. Selon l’étude, « A qualification égale, on constate une surreprésentation de l’incarcération des MNA pour des faits de » vol et vol aggravé ».

Au 22 avril 2021, 173 mineurs non accompagnés étaient détenus, soit 22% des mineurs incarcérés. La plupart des mineurs non accompagnés arrivent en détention sans avoir bénéficié préalablement de mesures de protection de l’enfance. Dans 90% des cas, les mineurs non accompagnés incarcérés ont entre 16 et 17 ans. 11% d’entre eux seulement sont considérés comme lecteurs114.

La présence de ces mineurs en détention pose également la question de la préparation de leur sortie. Des solutions doivent en effet être travaillées dès le début de la détention, en renforçant le travail en réseau en partenariat entre la protection judiciaire et de la jeunesse (PJJ) et les associations spécialisées115.
La Défenseure des droits déplore la méconnaissance ou la non application, par les acteurs notamment de la PJJ, de la note du 5 septembre 2018116 qui précise les conditions qui doivent encadrer la sortie de détention des mineurs non accompagnés.

Par ailleurs, toute intervention judiciaire ne sera efficace que si les prises en charges éducatives (PJJ et ASE) prononcées à l’occasion des procédures pénales sont immédiates, effectives et adaptées aux besoins des mineurs.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Demande au garde des Sceaux, ministre
    de la Justice, au ministre des Solidarités et de la Santé et au président de l’Assemblée des départements de France de mettre
    en œuvre les mesures nécessaires pour
    un recueil fiable de données s’agissant du nombre de personnes se disant mineures non accompagnées, évaluées chaque année par les départements, de celles faisant
    l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance par les départements, et, parmi ces dernières, celles ayant été confiés par décisions judiciaires (juge des enfants et cour d’appel) à l’aide sociale à l’enfance ;
  • Recommande aux départements de multiplier les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et de former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains ;
  • Réitère aux départements ses recommandations visant à mettre en place des lieux d’accueil de jour à proximité des lieux de vie des adolescents, doublés d’une possibilité de mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate pour les mineurs non accompagnés en transit ;
  • Invite le garde des Sceaux, ministre de la Justice à tenir compte, dans le système
    de répartition nationale, du nombre de personnes se disant mineures et non accompagnées et qui doivent être mises à l’abri dans chaque département, pour ne pas surcharger et pénaliser les départements déjà fortement mobilisés par la mise en place de dispositifs de maraudes, de mise à l’abri et d’accueil de jour à destination des mineurs étrangers en transit ;
  • Demande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de diffuser largement aux professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, et en particulier ceux présents dans les établissements pénitentiaires pour mineur (EPM) et les quartiers mineurs des maisons d’arrêt et centres de détention, la note du 5 septembre 2018 relativeà la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales.

Enfin, il convient d’indiquer que si la réunification familiale de ces enfants avec leurs parents restés dans leur pays d’origine est dans son principe un objectif qui répond aux préconisations de la convention de La Haye du 19 octobre 1996, la Défenseure
des droits ne peut que mettre en garde les autorités sur les garanties et le cadre légal qui doivent entourer de telles procédures, pour lesquelles l’intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale.

Concernant le retour des mineurs reconnus comme tels au Maroc, si le juge des enfants peut envisager un placement au Maroc au titre de l’article 33117 de la Convention de La Haye, celui-ci ne pourrait s’effectuer qu’après avoir été autorisé par cet Etat, et en considération de l’intérêt de l’enfant. Or, cela suppose des dispositifs locaux de protection de l’enfance suffisamment développés pour prendre en charge et/ou suivre de tels adolescents.

A ce titre le Défenseur des droits s’est inquiété de la signature d’un accord de coopération judiciaire entre la France et le Maroc. De
tels accords, précédemment signés avec

la Roumanie et l’Albanie, soulèvent de nombreuses questions quant aux garanties offertes aux mineurs durant les procédures menées en vue d’un retour dans leurs pays d’origine, d’autant que nombreux sont ceux qui n’entretiennent pas peu ou plus de liens avec leurs familles.

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B. L’intervention administrative

Lorsque le mineur non accompagné présent sur le territoire français est repéré ou demande à être protégé, il est généralement orienté
en premier lieu vers l’autorité administrative compétente en matière de protection de l’enfance : le département.

1. Le recueil provisoire d’urgence118

Le recueil provisoire d’urgence est une mesure de protection de l’enfance prévue par le code de l’action sociale et des familles (CASF)
pour l’ensemble des enfants présents sur

le territoire. Légalement limité à une durée
de 5 jours avant que n’intervienne la saisine de l’autorité judiciaire, il est dans les faits habituellement plus long pour les mineurs non accompagnés. Il peut même être d’une durée particulièrement déraisonnable, la période d’évaluation pouvant excéder plusieurs mois, ce qui s’avère particulièrement préjudiciable au mineur.

Aux termes de l’article L.223-2 du code de l’action sociale et des familles :

« En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par
le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. (…) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l’enfant n’a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n’a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l’autorité judiciaire en vue de l’application de l’article 375-5 du code civil »

S’agissant des mineurs non accompagnés, et pour l’application de ces dispositions, l’article R.221-11 du même code prévoit que :

« I. Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne
se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour

de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 223-2.
II.- Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation

de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.

[…]
Le président du conseil départemental peut également solliciter le concours du préfet de département et, à X., du préfet de police pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne.
[…]
Les examens mentionnés au deuxième alinéa du présent article sont ceux prévus au deuxième alinéa de l’article 388 du
code civil. Ils sont mis en œuvre selon la procédure prévue à cet article. »
IV.- Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L. 223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du code civil.
En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire.

En décembre 2019, un guide de bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes
se déclarant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille a été élaboré dans le cadre d’un groupe de travail pluri-partenarial119, par la direction générale de la cohésion sociale du ministère des Solidarités et de la Santé.

Ce guide indique qu’il « peut être pertinent de permettre à la personne de bénéficier d’un temps de répit lors de son accueil et préalablement au début de la procédure d’évaluation de sa situation. Ce temps peut contribuer à éviter que l’évaluation repose sur des éléments recueillis sur des mineurs en souffrance, épuisés, parfois en errance

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psychique, et donc incapables d’apporter des réponses détaillées et cohérentes, notamment concernant leur parcours de vie. Cette période peut par ailleurs être mise à profit pour que le jeune se repose, soit mis en confiance et soit informé dans une langue comprise et parlée sur les différentes formes de protection dont

il peut bénéficier ainsi que sur les modalités pratiques et les conséquences de la procédure dans laquelle il s’est engagé ».

Selon le Défenseur des droits, pour être conforme aux textes en vigueur, lorsqu’une personne se déclarant mineure non accompagnée se présente, la procédure relative à l’accueil provisoire d’urgence et à l’évaluation devrait donc se dérouler de la manière la suivante :

  • Un entretien d’accueil au cours duquel la procédure lui est expliquée et les premiers éléments d’identification recueillis ;
  • Si la personne se déclare mineure et isolée, elle bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence ;
  • Un bilan de santé est programmé et réalisé durant le temps de l’accueil provisoire d’urgence ;
  • Un entretien d’évaluation intervient quelques jours plus tard, permettant une évaluation par une équipe pluridisciplinaire ;
  • Un second entretien peut intervenir, si nécessaire ;
  • Un rapport d’évaluation portant sur la minorité et l’isolement est ensuite rédigé.
    Si l’évaluation est faite par une association mandatée, le rapport est transmis au conseil départemental ;
  • En cas de doute, des investigations complémentaires peuvent être réalisées (analyses documentaires et examen radiologique osseux dans le respect de l’article 388 du code civil, à la demande de l’autorité judiciaire) ;
  • Au cas où la minorité ne serait pas reconnue par le département, une décision formalisée est notifiée à la personne, sur laquelle figurent les voies de recours.La temporalité de la phase d’évaluation, qui doit conduire les départements à réunir un faisceau d’indices permettant une prise de décision éclairée fondée sur des motivations les plus objectives possibles, s’avère

importante afin de satisfaire à l’exigence constitutionnelle du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de veiller à ce qu’aucun mineur ne soit indument considéré comme majeur120.

Or de manière récurrente, le Défenseur des droits a été alerté de pratiques121 visant à opérer un premier « tri » entre les mineurs qui bénéficient d’une mise à l’abri immédiate avant évaluation, et ceux qui doivent rester dans la rue en attendant leur entretien d’évaluation, sans bénéficier d’un recueil provisoire d’urgence préalable. Cette sélection fondée uniquement sur une appréciation subjective de la minorité, est contraire aux textes et à l’intérêt supérieur des enfants.

Comme le Défenseur des droits a eu l’occasion de le rappeler, le critère de la « majorité manifeste » dans l’évaluation et l’octroi de l’accueil provisoire d’urgence ne peut être utilisé qu’avec une extrême précaution et un grand discernement.

Le Conseil d’État a rappelé, dans trois ordonnances du 25 janvier 2019122, que :
« sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie,
il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil d’urgence pour toute personne se déclarant mineure et
privée temporairement ou définitivement de
la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité en particulier parce qu’elle est sans abri. Lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[…] La délivrance à une personne se disant mineure, privée de la protection de sa famille et sans abri, se présentant aux services du département, d’un rendez-vous à échéance de plusieurs semaines pour qu’il soit procédé à cette évaluation préalablement à son accueil constitue une carence caractérisée dans l’accomplissement de la mission d’accueil
du département, susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Le Conseil d’État n’apporte cependant aucune précision sur ce que recouvre la notion de
« condition de minorité » qui ne serait « à l’évidence pas remplie ». Dans sa décision

du 5 février 2020123, il emploie à nouveau cette notion sans la développer ou la préciser davantage.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision
du 21 mars 2019124, rappelle qu’il résulte de la Constitution, « une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ». Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures.

Cette exigence impose que soit interprétée
de façon extrêmement restrictive la notion de condition de minorité qui ne serait à « l’évidence pas remplie », d’autant plus lorsque les personnes présentent à l’appui de leurs déclarations des actes d’état civil125.

Ainsi, pour éviter l’écueil de l’appréciation subjective de l’apparence physique d’une personne, la Défenseure des droits considère que seules les personnes qui reconnaitraient d’elles- mêmes leur majorité pourraient être considérées comme ne satisfaisant manifestement pas à la condition de minorité requise pour bénéficier d’un accueil provisoire d’urgence, tel qu’il est prévu par l’article R.221-11 du CASF.

Tout en étant consciente des réalités de terrain, la Défenseure des droits ne peut pas souscrire à ce que le principe de réalité conduise à opérer des aménagements contraires aux droits fondamentaux et à l’intérêt supérieur des enfants consacrés par la CIDE.

2. L’évaluation de minorité et d’isolement

L’évaluation est un outil traditionnel de protection de l’enfance, et le fondement même de l’intervention sociale en direction de tous les publics. Pour les mineurs non accompagnés, comme pour tous ceux faisant l’objet d’une information préoccupante, l’évaluation doit avoir pour objet principal, outre de porter une appréciation sur l’âge donné par le jeune, « d’apprécier le danger ou le risque de danger au regard des besoins

et des droits fondamentaux, de l’état de santé, des conditions d’éducation, du développement, du bien-être et des signes de souffrance éventuels du mineur… » et « de proposer les réponses de protection les mieux adaptées… »126.

Les conditions d’évaluation de la situation des mineurs non accompagnés sont encadrées par le décret du 30 janvier 2019, ainsi que par l’arrêté du 20 novembre 2019.

Alors que ces textes fixent un certain nombre de garanties, la Défenseure des droits constate de fortes disparités dans les pratiques et
les moyens mobilisés pour cette phase d’évaluation de la minorité et de l’isolement. C’est la raison pour laquelle, la Défenseure des droits préconise une modification des textes, pour prévoir qu’un administrateur ad hoc soit désigné en faveur de chaque jeune se disant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant.

2-1. L’intervention de l’État : la question des fichiers

Le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 a mis en place le fichier « appui à l’évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » (dit fichier AEM). En application du décret, la personne

se disant mineure peut être orientée dans le cadre de son évaluation vers la préfecture pour le relevé de ses empreintes dans AEM, en vue de sa comparaison avec les fichiers VISABIO127 et AGDREF2128 et, si la personne
est inconnue, de l’enregistrement de ses données personnelles et biométriques dans le fichier AEM. Ce décret prévoit par ailleurs la création systématique d’un dossier permettant le transfert de l’ensemble des données personnelles, qui sont toutes des données sensibles, des personnes évaluées majeures, du fichier AEM vers le fichier AGDREF2.

La mise en œuvre et l’utilisation du fichier AEM par les départements lors de l’évaluation des jeunes exilés est symptomatique d’un

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glissement du droit commun de la protection de l’enfance vers un droit spécial des mineurs non accompagnés, animé par des logiques de gestion des flux migratoires.

Récemment, la Défenseure des droits a pris note avec préoccupation de la publication de l’arrêté du 23 octobre 2020129. Celui-ci prévoit en effet que le montant de la participation forfaitaire de l’Etat à l’évaluation de la minorité, de l’isolement et de la réalisation d’une première évaluation des besoins en santé s’établit à 500 euros par personne évaluée pour les conseils départementaux appliquant les dispositions du décret du 30 janvier

2019 et à 100 euros par personne pour les conseils départementaux ne l’appliquant pas. Il semblerait que ce décret ait pour objectif de contraindre les départements ayant dans un premier temps refusé d’appliquer le décret à mettre celui-ci en œuvre.

Elle relève qu’une telle incitation de la part des services de l’Etat pourrait porter atteinte au caractère subsidiaire de la consultation du fichier AEM dans le processus d’évaluation de la minorité et de l’isolement, déjà fortement mis à mal dans la pratique.

A noter – La rétention administrative des jeunes gens à la minorité contestée

La Défenseure des droits est alertée de manière récurrente de situations dans lesquelles des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés sont placés en centre de rétention administrative (CRA) à la suite d’une interpellation par les services de police puis de la délivrance d’une obligation de quitter

le territoire français sans délai, assortie ou
non d’une interdiction de retour. Dans la majeure partie de ces situations, la minorité et l’isolement de ces jeunes n’ont pas été évalués. Dans d’autres situations, des mesures de protection du juge des enfants souvent au pénal, ont été prononcées mais écartées par l’autorité administrative. Dans d’autres encore, les jeunes ont été évalués majeurs par les départements à l’issue de la phase administrative mais n’ont pas été mis en mesure de saisir le juge des enfants de leur situation.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019130, a reconnu, s’agissant de

l’évaluation de la minorité des jeunes migrants, que « les règles relatives à la détermination de leur âge doivent être entourées des garanties nécessaires afin que les personnes mineures ne soient pas indument considérées comme majeures ». Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé qu’« il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet aux garanties précitées ».

En outre, le Conseil constitutionnel, dans
sa décision du 26 juillet 2019131, a rappelé l’importance des règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, « notamment celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée ».

Selon la jurisprudence constante de la CEDH, pour être effectif, le recours exigé par l’article 13 doit être disponible en droit comme en pratique, ce qui signifie que son exercice ne doit pas être entravé de manière injustifiée par les actes ou omissions des autorités de l’État.

Ainsi, il est nécessaire de mettre en place toutes les garanties permettant de s’assurer que la personne évaluée majeure, ou celle qui n’a pas encore été évaluée, pourra exercer l’ensemble des recours disponibles contre la mesure d’évaluation, déterminante pour sa prise en charge au titre de la protection de l’enfance,

et disposer d’une décision judiciaire définitive, dans le respect des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que de l’effectivité des recours protégés par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et les articles 13 et 3 de la ConvEDH.

À ce titre, le Conseil d’Etat a estimé, dans son ordonnance de référé du 3 avril 2019132, que les règles destinées à assurer la protection effective des étrangers de moins de dix-huit ans contre les mesures d’éloignement qui

ne peuvent légalement être prises à leur encontre, impliquent notamment que, dans le cadre du recours suspensif dont disposent les intéressés à l’encontre de telles mesures, le juge administratif se prononce sur leur minorité lorsqu’elle est alléguée, l’existence d’une instance en cours devant l’autorité judiciaire
au titre de la protection de l’enfance étant de nature à amener ce juge à surseoir à statuer.

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Enfin, le Défenseur des droits a été saisi de situations dans lesquelles les fonctionnaires de police ont modifié les dates de naissance des mineurs interpellés, pour les besoins des procédures de reconduite à la frontière. Ainsi, les différentes situations examinées ont fait apparaître que les fonctionnaires de police avaient arbitrairement considéré que des personnes exilées étaient majeures, malgré leur déclaration de minorité et leur apparence juvénile, et sans prendre attache avec les services départementaux en vue de faire procéder à leur évaluation. Le préfet interrogé, avait reconnu utiliser le placement en centre de rétention administrative comme un moyen de déterminer l’état civil des personnes intéressées et d’envisager, sous le contrôle d’un magistrat, les possibilités d’éloignement. Dans sa décision 2021-029 du 9 février 2021, la Défenseure des droits a fait le constat que les procédures d’éloignement mises

en œuvre à l’encontre de ces mineurs non accompagnés ont poursuivi un objectif
de lutte contre l’immigration clandestine, en l’absence de tout fondement juridique, portant ainsi atteinte à la liberté individuelle et à la sûreté, liberté fondamentale protégée par l’article 37 de la CIDE et l’article 5 de la ConvEDH.

La Défenseure des droits constate que se multiplient sur l’ensemble du territoire, des protocoles conclus entre les préfectures et
les départements et parfois, le parquet. Parmi ceux consultés, figurent souvent les mentions suivantes : « les parties s’engagent à informer les personnes des modalités de la procédure d’évaluation, de la prise d’empreinte et de la photographie du visage, de la collecte d’autres informations à caractère personnel, de l’utilisation qui sera faite de l’ensemble de ces données et de l’impossibilité de refuser de les communiquer ».

Il convient de rappeler que, d’une part, la présentation du mineur en préfecture doit
être réalisée au cours du recueil provisoire d’urgence et non préalablement et que, d’autre part, ce dernier peut refuser de se soumettre à cette procédure133.

Dans sa décision du 26 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci ».

Ainsi, la Défenseure des droits considère que toute mention visant à interdire au mineur de refuser de donner ses empreintes, excède le droit et doit donc être supprimée des protocoles conclus entre les départements et les préfectures.

En outre, la Défenseure des droits met en garde sur la grande précaution à adopter dans l’analyse des antécédents dans le fichier VISABIO. L’institution a eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises que les données contenues dans ce fichier ressortent souvent d’une stratégie de franchissement de frontières pour les mineurs qui ne peuvent obtenir de visas qu’en ayant recours à des passeports d’emprunt ou falsifiés. Elles n’apparaissent ainsi pas toujours pertinentes pour l’évaluation de la minorité réelle134.

En effet, la complexité des parcours migratoires, particulièrement pour des personnes mineures qui ont le projet de
sortir de leur pays d’origine pour se rendre dans un autre pays, et l’insuffisance de voies migratoires sûres et légales, imposent souvent le recours à des passeurs, lesquels donnent aux mineurs, de faux documents portant une date de naissance d’une personne majeure pour tenter d’obtenir des visas afin de rejoindre la France ou un autre pays. De surcroit, les parcours de traite des êtres humains peuvent conduire des personnes mineures à être sous l’emprise de réseaux organisant leur départ vers un pays européen pour différentes raisons (proxénétisme, traite dans le cadre du sport tels les faux recrutements de joueurs de football, etc.), avec des identités de majeurs.

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Saisine

A ce titre, le Défenseur des droits a pris une décision relative à un jeune congolais qui s’était présenté au commissariat de police afin de demander une protection en tant que mineur non accompagné. Ses empreintes ayant été retrouvées sur VISABIO avec une autre identité et une date de naissance majeure, il a été immédiatement placé en rétention administrative. Ce jeune est parvenu à déposer une demande d’asile. L’OFPRA a confirmé sa minorité et lui a reconnu le statut de réfugié135.

A cet égard, dans un courrier adressé au Défenseur des droits en mai 2018, l’OFPRA indiquait que le fait d’écarter la minorité sur la seule foi d’une enquête VISABIO n’était
pas conforme aux modalités d’évaluation
de la minorité prévues par la loi de 2016, précisant plus loin que ces enquêtes VISABIO ne s’imposaient pas à l’Office en matière de détermination de l’âge.

A noter

La Défenseure des droits a suivi les discussions parlementaires sur le projet
de loi relatif à la protection des enfants136
et a formulé à cette occasion deux avis.
Elle s’est inquiétée des dispositions sur les mineurs non accompagnés qui confirment l’existence d’un droit spécifique des mineurs non accompagnés, distinct de celui trouvant à s’appliquer habituellement en matière de protection de l’enfance137.

Elle a notamment considéré que le texte crée un accueil provisoire d’urgence spécifique aux mineurs non accompagnés, en insérant dans la partie législative du CASF un nouvel article L.221-2-3-I et viendrait conforter les pratiques juridiquement contestables des départements qui ne respectent pas l’article L.223-2 du CASF depuis des années.

La Défenseure des droits déplore en outre la disparition, dans cet article, des dispositions du décret du 30 janvier 2019, qui prévoit que le mineur reconnu comme tel reste confié au département jusqu’à l’intervention de l’autorité judiciaire, fragilisant ainsi d’autant plus la

situation des mineurs non accompagnés.

Le renvoi à des dispositions réglementaires ultérieures pour définir les modalités d’application du texte laisse en outre la possibilité au Gouvernement de prévoir des modalités d’accueil spécifiques dérogatoires au droit commun pour les mineurs non accompagnés.

S’agissant du fichier AEM, si l’objectif poursuivi par l’obligation d’inscription des mineurs dans ce fichier est « de dissuader le détournement du dispositif de protection de l’enfance par

de « faux mineurs » et de « lutter contre
le nomadisme entre départements », la Défenseure des droits constate à nouveau que ce phénomène n’est toujours pas objectivé par les pouvoirs publics. Elle déplore par ailleurs l’absence de tout bilan d’application dudit fichier par près de 80 départements,
et l’objectivation d’une amélioration de la situation. Elle réitère son opposition à une procédure relevant bel et bien d’une gestion des flux migratoires dont devraient pourtant être exclus les mineurs non accompagnés.

Elle ne peut que désapprouver la rédaction de l’article 15 qui prévoit l’obligation pour le département d’organiser « la présentation de la personne auprès des services de l’Etat afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement ».

2-2. L’entretien social d’évaluation

Le Comité des droits de l’enfant dans son observation générale n°6 indique que « ce processus d’évaluation devrait être mené dans une atmosphère amicale et sûre par
des professionnels qualifiés, maîtrisant
des techniques d’entretien adaptées à l’âge
et au sexe de l’enfant. » 
Il précise « Cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit en

outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe
et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant;

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cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un

mineur. » Il rappelle enfin que cette évaluation doit permettre de « procéder rapidement
à l’enregistrement de l’enfant à l’issue d’un entretien initial mené dans une langue qu’il comprend selon des modalités appropriées

à son âge et à son sexe − cet entretien étant confié à des professionnels qualifiés chargés de recueillir des données biographiques sur l’enfant et sur son milieu social afin d’établir son identité (…) ».

La circulaire interministérielle relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux138 indique dans son protocole d’évaluation, qu’ « il conviendra de prendre garde aux stéréotypes ». Elle appelle à la vigilance sur la qualité de la formation pluridisciplinaire des évaluateurs et la nécessité de mener, dans les situations complexes, des évaluations plurielles ou de recueillir l’avis de plusieurs évaluateurs.

En application des alinéas 2 et 3 de l’article
4 de l’arrêté du 20 novembre 2019 relatif
aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, « L’évaluation sociale se déroule dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le
recours d’un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation. L’intéressé est informé des objectifs et des enjeux de l’évaluation sociale qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance ».

L’article 6 de ce même arrêté prévoit que l’évaluateur doit veiller au « caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale ». Cette pluridisciplinarité repose sur une des deux modalités suivantes :

• Les entretiens avec la personne évaluée sont menés par au moins deux évaluateurs ayant des qualifications ou des expériences différentes, qui interviennent soit simultanément, soit de façon séquentielle ;

• Le rapport d’évaluation sociale est relu
par une équipe composée de personnes ayant des qualifications ou des expériences différentes avant validation par le responsable d’équipe.

Aux termes de l’article 8 dudit arrêté, l’évaluation sociale porte a minima sur six points d’entretien, à savoir l’état civil de la personne,
la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine, l’exposé des motifs de départ et du parcours migratoire, les conditions de vie depuis l’arrivée en France et le projet de la personne.

Enfin, si l’article 7 de l’arrêté du 20 novembre 2019 prévoit quant à lui qu’à chaque stade de l’évaluation sociale, les évaluateurs « veillent à confronter l’apparence physique de la personne, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées avec l’âge qu’elle allègue », il convient d’être particulièrement prudent quant aux considérations touchant à l’apparence physique de la personne comme à sa prétendue autonomie.

Dans le cadre de ses instructions, le Défenseur des droits a pu prendre connaissance de
très nombreux rapports d’évaluation qui laissent place à des considérations, telles

que « l’apparence physique laisse planer le doute sur la minorité (rides sur le visage) »,
« au regard de son allure d’ensemble, nous ne pensons pas que (ce jeune) possède l’âge qu’il déclare, à savoir 16 ans », ou bien encore « le jeune semble rasé de près », il « présente une calvitie naissante »« les récentes mesures d’hygiène ne nous permettent pas de voir l’intégralité de son visage, X. devant porter un masque dans l’enceinte de nos locaux. Nous ne pouvons apprécier ses caractéristiques physiques dans son ensemble. Néanmoins, elles ne semblent pas correspondre à celle d’un mineur de 15 ans »« le jeune présente une apparence et un discours incompatible avec sa minorité ».

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Il a été constaté à maintes reprises que
les rapports d’évaluation mentionnaient
des commentaires ainsi rédigés : « les déclarations du jeune concernant l’organisation de son départ semblent incohérentes au regard de l’âge allégué »,
« l’itinéraire décrit par le jeune montre un fort degré d’autonomie et de maturité »« ces éléments ne peuvent pas être rattachés

à un adolescent de l’âge déclaré »« les capacités de raisonnement, d’élaboration et la posture d’ensemble du jeune ne semblent pas compatibles avec l’âge déclaré et ressemblent plus à ceux d’un jeune majeur ». Or, bien souvent, ce type d’affirmations n’est ni étayé ni justifié par des motivations ou des constatations objectives139.

Dans une décision rendue le 4 mars 2014,
la cour d’appel de Douai relevait que
« l’apparence physique est un élément subjectif qui ne peut servir à justifier ni de la minorité ni de la majorité »140. Dans un arrêt du 02 avril 2019141, la cour d’appel de Rouen rappelait également que l’apparence physique ne pouvait suffire à disjoindre le faisceau d’indices étayé notamment par un acte de naissance dont l’authenticité n’était pas discutée.

De même, des incohérences ou inévitables imperfections dans le récit migratoire
et autobiographique, considérations éminemment subjectives, ne sauraient suffire à écarter les documents d’état civil et d’identité dont l’authenticité n’est pas contestée142.

Il en est de même des constatations relatives à la maturité ou l’autonomie du mineur qui doivent être entourées de précautions et ne pas conduire à écarter systématiquement la minorité, comme l’a indiqué la cour d’appel de Toulouse143 « la constatation de sa maturité, de son autonomie dans la vie en collectivité qui peuvent également être la conséquence de ses conditions de vie antérieures ou l’appréciation éminemment subjective de son apparence physique, n’ont pas en soi une incidence directe sur l’âge du sujet ».

Par ailleurs, il apparaît que les incohérences relevées dans les parcours des jeunes
exilés conduisent le plus souvent à retenir
un doute sur la minorité, sans explorer si d’autres raisons pourraient expliquer celles-ci (illettrisme, fatigue, troubles psychologiques ou somatiques, état de santé précaire144, manque de repères spatio-temporels…).

A ce titre, il convient de rappeler l’importance de cette étape pour l’identification d’éventuels signes de trouble post-traumatique chez un jeune. L’observation de signaux de confusion, de réactions non adaptées, d’oublis doivent amener les services de protection de l’enfance à s’interroger sur l’existence de traumatismes subis durant le parcours d’exil et à envisager un soutien psychologique et une orientation dans une structure socio-éducative adaptée

à la problématique du mineur145. Les concepts de vérité et donc de mensonge sont utilisés comme des jugements dans certaines conclusions de rapports, alors même que « le mensonge peut aussi cacher, dissimuler une grande souffrance inavouable, qui pèse sur

le bien-être et traduit une confusion avec la réalité ou une peur, une culpabilité etc.»146

Le Défenseur des droits a déjà formulé la recommandation selon laquelle la formulation « X. ne dit pas la vérité » devait être abandonnée dans les rapports d’évaluation socio-éducative, incompatible avec la neutralité et la bienveillance attendues des professionnels en charge de l’évaluation147.

Enfin, il faut rappeler que les observations socio-éducatives durant la phase de mise à l’abri sont de nature à apporter de précieuses informations et un éclairage particulièrement opportun dans le cadre de l’évaluation sociale. Ainsi, le respect des garanties mises en

place par le législateur et la temporalité de la phase d’évaluation, qui doivent conduire les départements à réunir un faisceau d’indices permettant une prise de décision éclairée sont fondamentaux148.

Le Défenseur des droits considère que le non-respect de l’ensemble de ces garanties doit conduire le juge à écarter le rapport d’évaluation149.

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2-3. Les actes d’état civil présentés par le mineur lors de l’évaluation

Si la souveraineté des États étrangers quant
à l’appréciation des actes d’état civil de
leurs ressortissants doit être rappelée, il
peut apparaître nécessaire dans certaines situations de procéder à une première analyse des actes présentés. Ces analyses ne peuvent revêtir un caractère systématique. Elles seront réservées aux cas de doute sur l’âge prétendu par le mineur en application

de l’article 47 du code civil (apparence frauduleuse de l’acte en raison de ratures
ou de surcharges, existence d’incohérences internes à l’acte, différences manifestes entre la réalité et les informations contenues dans l’acte, existence d’autres actes qui remettent en cause l’authenticité de l’acte présenté et des informations qu’il contient)150.

La Défenseure des droits constate pourtant, dans nombre de ses saisines, la quasi systématisation de ces analyses.

Elle est également préoccupée par les disparités de rédaction des rapports d’analyses documentaires sur l’ensemble du territoire. Des actes d’état civil jugés authentiques reçoivent un avis défavorable car le jeune
ne peut produire le jugement supplétif de naissance initial ayant permis son inscription à l’état civil. Certains rapports mentionnent des appréciations sur les modalités d’obtention des actes, ce qui ne relèvent pas de la mission de l’analyste, ou de légalisation des actes.

Il est important de rappeler qu’un avis
« défavorable » portés par l’analyste sur un acte d’état civil ne signifie pas que l’acte est faux ou apocryphe. Par ailleurs, cet avis ne lie pas les magistrats, tant de l’ordre judiciaire qu’administratif. Il est par conséquent impératif de renforcer la formation des analystes et d’harmoniser les contenus des comptes rendus sur la fiabilité des actes analysés. Il
doit en outre être rappelé, que les agents des conseils départementaux ou les personnels des associations en charge de l’évaluation, n’ont aucune compétence pour analyser les documents d’identité ou d’état civil présentés par les mineurs.

Comme l’avait déjà préconisé le Défenseur des droits, il est impératif que l’Etat renforce les

effectifs et les moyens à disposition du bureau de la fraude documentaire (situé à Paris et qui centralise l’ensemble des informations sur la fraude documentaire) et des services d’analyse présents dans les préfectures afin qu’ils soient en mesure d’accomplir les missions qui leur sont dévolues dans les délais les plus brefs possibles, et avec toute la précision nécessaire.

Le temps du recueil provisoire d’urgence peut en outre être mis à profit pour reconstituer l’état civil des jeunes exilés en cours d’évaluation, en particulier lorsque ces derniers indiquent avoir maintenu un contact avec leurs familles ou des proches151.

3. Le refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance

L’article R.221-11 du CASF indique :

« S’il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I prend fin ».

L’attention du Défenseur des droits est régulièrement attirée sur ces décisions
de refus. Il constate qu’elles ne sont pas toujours notifiées aux jeunes exilés et/ou très peu expliquées et ne mentionnent pas nécessairement, ou de manière erronée, les voies de recours possibles.

L’article 10 de l’arrêté du 20 novembre 2019, relatif aux modalités d’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement
de la protection de leur famille, énonce pourtant que « Lorsque la personne n’est pas reconnue mineure privée temporairement

ou définitivement de la protection de sa famille, le président du conseil départemental notifie à l’intéressée une décision motivée
de refus de prise en charge mentionnant
les voies et délais de recours applicables. Il l’informe alors sur les droits reconnus aux personnes majeures notamment en matière d’hébergement d’urgence, d’aide médicale, de protection contre la traite des êtres humains, d’asile ou de séjour. »
.

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S’agissant de la notification de la décision, le Défenseur des droits a constaté à quel point cette étape pouvait être déstabilisante pour les jeunes gens évalués et combien ces derniers demeuraient perdus, parfois en état de sidération et dans l’incompréhension de ce qui leur est expliqué. Bien peu de professionnels des dispositifs ou des services d’évaluation prennent la peine et le temps d’expliquer les décisions aux jeunes gens, de manière claire, en présence d’un interprète le cas échéant.

La Défenseure des droits rappelle que ces notifications doivent indiquer les voies de recours contre cette décision, à savoir un recours gracieux et/ou hiérarchique auprès
du président du conseil départemental, un recours devant le tribunal administratif (qui peut être saisi en référé152), ainsi que la saisine du juge des enfants au titre des articles 375

et suivants du code civil. La notification doit préciser l’adresse du conseil départemental, du tribunal administratif ainsi que du tribunal pour enfants susceptible d’être saisi, étant rappelé que le dépôt d’une requête en assistance éducative n’est encadré par aucun délai.

Par ailleurs, la Défenseure des droits recommande153 que la copie du rapport d’évaluation soit remise au jeune demandeur au moment de la notification du refus administratif d’admission à l’ASE. Certains départements indiquent que le rapport d’évaluation peut être remis au jeune, à sa demande écrite, selon les dispositions légales d’accès aux documents administratifs et l’arrêté du 20 novembre 2019. La Défenseure des droits ne peut que rappeler que cette réponse légaliste est bien éloignée de la réalité du quotidien des jeunes exilés et d’un dispositif réel d’accès aux droits.

La Défenseure des droits estime que la notification de rejet, qui mêle dans un même document, décision administrative et éléments touchant à la vie privée du jeune exilé n’est pas adéquat. En effet, selon plusieurs associations, les jeunes rencontrés éprouvent alors des réticences à montrer ce document pour attester du fait qu’ils ont déjà été évalués, ou bien pour solliciter le dispositif d’hébergement d’urgence réservé aux adultes.

C’est la raison pour laquelle le Défenseur des droits préconise depuis plusieurs années

que la notification du refus d’admission
au bénéfice de la protection de l’enfance fasse l’objet d’une notification matérielle comportant trois volets distincts : la décision administrative, la motivation de cette décision et la copie du rapport d’évaluation.

Enfin, en principe, le jeune faisant l’objet d’une décision de refus d’admission doit être orienté vers des dispositifs d’hébergement d’urgence pour personnes majeures, gérés par l’Etat. Il semble indispensable d’inviter les conseils départementaux à se rapprocher de la société civile et des associations permettant aux jeunes à la minorité contestée de mieux s’orienter vers les dispositifs de droit commun ouverts aux personnes majeures (accès aux repas, vestiaires, suivis et informations juridiques, etc.). Des protocoles pourraient également être envisagés entre les départements et les barreaux ou les dispositifs d’accès aux droits pour établir des outils et favoriser l’accès aux droits de ces jeunes, notamment accompagner ceux qui le souhaitent dans la saisine du juge des enfants, et permettre une domiciliation administrative154, condition de recevabilité de celle-ci.

A noter : le comité des droits de l’enfant et les mesures provisoires

Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies peut être saisi par des enfants (par
leurs conseils ou par des organisations non gouvernementales) au titre de la procédure de communications individuelles prévue par le protocole facultatif n°3. Le Comité peut, dans
ce cadre, ordonner la mise en place de mesures provisoires (art. 6 du protocole) afin de prévenir un préjudice irréparable. Cette demande doit être indiquée dans la saisine155. Les faits à l’origine de la violation des droits doivent être intervenus à compter du 7 avril 2016 (date d’entrée en vigueur pour la France du protocole) – sauf si la violation revêt un caractère continu. D’autre part, l’affaire ne doit pas être pendante devant une autre instance internationale de règlement des différends et le Comité doit être saisi après épuisement des voies de recours internes disponibles et permettant d’obtenir une décision dans un délai raisonnable. Enfin,
le Comité des droits de l’enfant peut être saisi dans le délai d’1 an maximum après avoir épuisé les voies de recours.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Peu à peu le Comité dégage une jurisprudence s’agissant des mineurs non accompagnés et des mesures provisoires. Il considère ainsi qu’en ratifiant le Protocole facultatif, les États parties s’engagent à mettre en œuvre les mesures provisoires demandées en application de l’article 6 du Protocole facultatif, qui visent à prévenir tout préjudice irréparable tant qu’une communication est en cours d’examen et, partant, à assurer l’efficacité de la procédure de présentation de communications émanant de particuliers. S’agissant d’une situation

de mineur non accompagné, en Espagne, le Comité avait pris note de l’argument de l’État partie selon lequel le transfert de l’auteur
de la saisine dans un centre de protection de l’enfance aurait pu faire courir un risque important aux enfants qui se trouvaient dans ce centre. « Il fait toutefois observer que

cet argument est fondé sur l’hypothèse que l’auteur est majeur. Il estime que le risque encouru est bien plus grand lorsqu’un mineur potentiel est envoyé dans un centre accueillant uniquement des personnes reconnues adultes. Il considère par conséquent que la non- application de la mesure provisoire demandée constitue en elle-même une violation de l’article 6 du Protocole facultatif »156.

En France, des mesures provisoires ont été ordonnées par le Comité à propos d’un mineur non accompagné ressortissant pakistanais. Le mineur en possession d’une copie d’acte de naissance s’était présenté le 27 août

2019, auprès de l’organisme mandaté par
le département pour réaliser l’évaluation de minorité et d’isolement. Sans tenir compte
du document d’état civil présenté et à la
suite d’un entretien dans une langue qu’il ne maîtrisait pas, un refus d’admission à l’ASE
lui a été opposé en raison d’incohérences
lors de l’entretien d’évaluation. Le mineur a saisi le juge des enfants et présenté alors les documents originaux (un acte de naissance
et une carte d’identité). Le juge des enfants, sans les analyser, les a écartés et se fondant sur les incohérences relevées par l’évaluateur, a rendu un jugement de non-lieu à assistance éducative le 4 décembre 2019. Le mineur a interjeté appel et saisi le Comité. Ce dernier
a ordonné au département de reprendre le jeune en charge le temps de la procédure.
Il s’est avéré postérieurement que l’analyse documentaire établissait le caractère authentique et sécurisé des documents. Après avoir relevé que les contradictions contenues dans son discours n’étaient pas significatives dès lors que l’entretien s’est fait avec l’aide d’un interprète par téléphone dans une langue que le mineur ne parlait pas, la cour d’appel a conclu que le mineur, devenu majeur à la date d’audience devant la Cour, aurait dû être pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance en raison de sa minorité.

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Demande aux départements que chaque jeune exilé qui se présente, bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence préalable
    à sa présentation en préfecture et à la réalisation d’un entretien social d’évaluation de sa minorité et de son isolement, selon la procédure prévue par les textes ;
  • Recommande aux préfectures et aux départements de mettre en conformité leurs protocoles d’utilisation du fichier « AEM » » en rappelant la possibilité laissée au jeune étranger de refuser de communiquer ses empreintes et ses données personnelles ;
  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de prévoir une modification
    des textes afin qu’un administrateur ad hoc soit désigné en faveur de chaque jeune se disant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant. Cette création devra s’accompagner des moyens nécessaires à sa mise en œuvre effective ;
  • Demande à ce que le mineur bénéficie de la présomption de minorité jusqu’à décision judiciaire définitive le concernant ;
  • Rappelle au Président de l’assemblée des départements de France et aux départements que les pratiques de réévaluation des mineurs confiés par l’autorité judiciaire
    d’un autre département sont contraires
    à l’esprit de la loi et à l’intérêt supérieur
    de l’enfant et contribuent à fragiliser non seulement le principe de solidarité nationale mais également les droits fondamentaux
    des mineurs protégés, et recommande leur proscription.

C. L’intervention de l’autorité judiciaire

Lorsque le jeune reçoit la notification du refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance, il a la possibilité de saisir le juge des enfants de sa situation. Cette saisine (et le cas échéant la saisine de la cour d’appel voire de la Cour de Cassation) n’est pas suspensive de la décision de refus d’admission à l’ASE et les juridictions pour mineurs ne sont tenus par aucun délai pour examiner la requête d’un mineur en assistance éducative. Tout au plus, elles ont, en application de l’article 375-5 du code civil, la faculté d’ordonner des mesures provisoires dans l’attente de leur décision.

Toutefois, le Conseil d’Etat a reconnu
la compétence du juge des référés du tribunal administratif pour intervenir sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, « lorsqu’il apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et
que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité »
157. Le juge administratif peut alors ordonner au département de poursuivre la prise en charge du mineur en protection de l’enfance jusqu’à la décision du juge des enfants158.

Les difficultés d’accès à leurs droits des jeunes gens dont l’âge ou l’isolement est contesté, sont renforcées par les difficultés dans leur accès à la justice. En effet, la Défenseure

des droits constate que de nombreux jeunes qui ont fait l’objet d’une évaluation par le département concluant à leur majorité et qui ont saisi le juge des enfants, ne voient leur situation examinée que très tardivement, alors même qu’ils se trouvent bien souvent dans un état de grande précarité et de vulnérabilité.

La Défenseure des droits rappelle régulièrement que l’accès au juge est un droit fondamental, d’autant plus que c’est par une décision judiciaire définitive qu’un placement pérenne à l’ASE peut se mettre en place, et par conséquent, un accompagnement socio- éducatif durable.

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1. La saisine de l’autorité judiciaire

L’article R.221-11 du CASF indique :

« IV. Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L. 223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du code civil.
En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire ».

La situation du mineur qui bénéficie d’une évaluation favorable (mineur et isolé) de la part du conseil départemental est transmise au parquet compétent, à charge pour ce dernier de prendre une ordonnance de placement provisoire, afin de le confier au département d’origine ou au département de destination sur avis de la cellule nationale d’orientation de la Mission MNA au sein de la sous-direction des missions de protection judiciaire et d’éducation (SDMPJE), de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ).

1-1. Le parquet et la procédure pénale

Lorsqu’il est conclu à la majorité du jeune se disant mineur, le conseil département établit une décision de refus d’admission, sans saisine de l’autorité judiciaire.

Il arrive cependant que le parquet diligente des procédures complémentaires (examens d’âge osseux par exemple) voire des procédures d’enquêtes pénales à l’encontre des jeunes exilés. Le Défenseur des droits a constaté

ces dernières années, la multiplication de procédures pénales à l’encontre de ces jeunes pour faux et usage de faux, suspicion d’escroquerie, fausses déclarations en vue de profiter d’avantages indus, etc.

S’il n’appartient pas au Défenseur des droits de prendre position sur les politiques pénales adoptées par les parquets, il a cependant
pu, en déposant des observations devant les juridictions saisies (tribunaux correctionnels et chambres correctionnelles des cours d’appel), faire part de ses réserves sur les poursuites de jeunes exilés, sur ces fondements, en particulier lorsque la majorité n’est pas

définitivement établie159. Il est permis, en outre, de douter de l’existence de l’élément moral constitutif de l’infraction, à savoir l’intention des jeunes exilés de commettre une fraude aux prestations sociales, ou d’user de faux documents, en particulier pour les adolescents sous l’emprise de réseaux mais aussi du simple fait de leur méconnaissance de l’usage de l’état civil tant dans leur Etat d’origine qu’en France160.

A cet égard, c’est avec beaucoup d’inquiétude que la Défenseure des droits avait pris connaissance du projet de loi relatif à
la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure161, adopté depuis, après commission mixte paritaire du 16 décembre 2021 et transmis au Conseil constitutionnel le 21 décembre 2021 en application de l’article

61 alinéa 2 de la Constitution. Celui contient en effet deux articles particulièrement préoccupants.

Il permet notamment à une juridiction, qui
se déclare incompétente pour juger une personne déférée à raison de son âge, de statuer au préalable sur le placement ou le maintien en détention provisoire de celle-ci.
Il prévoit ainsi que si une personne mineure comparaît devant le tribunal pour enfants comme majeure, le juge des enfants ou le
juge des libertés et de la détention renvoie au procureur de la République le dossier, mais statue au préalable sur la détention provisoire jusqu’à comparution le jour même ou sous 24h (5 jours si la compétence pôle d’instruction n’existe pas dans le tribunal). Il en est de même lorsqu’une personne majeure apparait mineure au tribunal correctionnel.

Il permet également le relevé signalétique sans consentement d’une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou délit puni d’un emprisonnement supérieur ou égal à 3 ans, ou supérieur ou

égal à 5 ans s’agissant d’un mineur, dans le cas où la personne « refuse de justifier de son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement inexacts », lorsque ce relevé est le seul moyen d’identifier celle-ci et

sur autorisation écrite du procureur de la République saisi d’une demande motivée par l’officier de police judiciaire.

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Ces dispositions trouveront à s’appliquer à l’encontre des personnes se disant mineures non accompagnées162.

1-2. Le mineur non accompagné devant le juge des enfants

Tout enfant en danger présent sur le territoire français doit pouvoir faire l’objet d’une mesure de protection quels que soient son statut personnel et sa situation au regard des règles d’entrée et de séjour sur le territoire français. Aux termes de l’article 375 du code civil, le juge des enfants est compétent « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».

La Défenseure des droits n’a de cesse de rappeler qu’un mineur seul et étranger, arrivant en France sans représentant légal sur le territoire et sans proche pour l’accueillir, doit être considéré comme un enfant en danger.

L’article 12 de la CIDE prévoit le droit pour tout enfant capable de discernement de s’exprimer sur toute question l’intéressant et notamment la possibilité pour l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire le concernant.

De même, l’article 6 de la ConvEDH reconnait le droit à un procès équitable, lequel est notamment garanti par l’audition de l’intéressé.

En droit interne, l’article 14 du code de procédure civile énonce que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Concernant les enfants, l’article 388-1 du
code civil prévoit que le mineur capable de discernement peut être entendu dans toute procédure le concernant et que cette audition est de droit dès lors qu’il en fait lui-même la demande. Plus spécifiquement en matière d’assistance éducative, l’article 1182 du code de procédure civile prévoit que le juge « entend le père, la mère, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié et le mineur capable de discernement et porte à leur connaissance les motifs de sa saisine. Il entend toute autre personne dont l’audition lui paraît utile. »

De même, en vertu de l’article 1184 du même code, « Les mesures provisoires prévues au premier alinéa de l’article 375-5 du code civil, ainsi que les mesures d’information prévues à l’article 1183 du présent code, ne peuvent être prises, hors le cas d’urgence spécialement motivée, que s’il a été procédé à l’audition, prescrite par l’article 1182, de chacun des parents, du tuteur, de la personne ou du représentant du service à qui l’enfant a été confié et du mineur capable de discernement ».

A cet égard, le Défenseur des droits a été saisi de la situation d’un mineur non accompagné suite à un jugement de non-lieu à assistance éducative qui indiquait que « l’audition de l’intéressé ne serait pas de nature à apporter davantage d’éléments objectifs quant à l’éventuelle minorité de l’intéressé, audition qui n’est d’ailleurs pas obligatoirement prévue »163.

Or, outre l’interprétation erronée concernant l’obligation légale d’audition du mineur capable de discernement, il convient de rappeler sur ce point que, dans un arrêt du 21 avril 2015164, la cour d’appel de Colmar a annulé un jugement de première instance au motif qu’il ne

pouvait être statué sans audition préalable de l’intéressé. La cour a ainsi précisé que « cette audition, qui est une exigence légale, était de surcroit tout à fait opportune dans la mesure où la minorité de l’intéressé est remise en cause par le conseil départemental, et où les mensonges de l’intéressé sont invoqués, sur lesquels il aurait été intéressant de l’entendre se prononcer, en présence d’un conseil ».

Il conviendra de plus de rappeler qu’en application du droit à un procès équitable, l’article 6 de la ConvEDH prévoit dans son paragraphe 3 que le justiciable « a le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ». Par ailleurs l’article 23 du code de procédure civile précise que « le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connaît la langue dans laquelle s’expriment les parties ». Le Défenseur des droits estime donc, a contrario, que le jeune doit être assisté d’un interprète s’il en fait la demande afin de pouvoir comprendre les débats de l’audience et s’exprimer notamment devant le juge des enfants.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

L’article 388-1 du code civil indique en outre que le mineur « peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix ».

La Défenseure des droits insiste sur la nécessité, pour favoriser l’effectivité du droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès l’ouverture de la procédure conformément aux articles 1184 et 1186 du code de procédure civile, de veiller à ce qu’outre sa mention
dans la convocation adressée par le juge des enfants, ce droit soit oralement rappelé à l’audience, afin que le jeune puisse demander la désignation d’un avocat. En effet, la présence d’un conseil aux côtés du jeune est cruciale pour veiller au respect de ses droits dans toutes les procédures auxquelles il est confronté.

De même les représentants des associations, ou bénévoles, accompagnant les jeunes migrants dans leurs démarches, peuvent demander à les accompagner, d’autant plus que leur connaissance des jeunes peut être utile à une meilleure appréhension de la situation soumise au magistrat.

La Défenseure des droits rappelle par ailleurs que toute requête déposée par le jeune lui-même doit donner lieu à une décision165, valablement notifiée au requérant et à son conseil, et donc susceptible de recours. La notification des décisions de justice, qui ouvre les délais de recours à des jeunes qui sont

en errance sans lieu de prise en charge, peut s’avérer parfois très problématique. Là encore, l’assistance d’un avocat dès l’ouverture de
la procédure permet de garantir le droit à un recours effectif dans la mesure où le jeune pourra être domicilié chez son avocat, où la décision judicaire lui sera notifiée.

Il convient en outre d’indiquer qu’en cas de doute, le juge a toujours la possibilité de confier provisoirement le jeune aux services de l’ASE dans l’attente d’éléments complémentaires qu’il pourra demander au titre de l’article 1183 du code de procédure civile.

Enfin, le Défenseur des droits a pu constater, au travers des dossiers dont il est saisi, des délais d’audiencement excessivement longs, tant devant le juge des enfants que devant
la chambre des mineurs en cas d’appel. Il
est régulièrement saisi de situations dans lesquelles une première audience devant le juge des enfants est organisée plus de six voire dix mois, suivant l’introduction d’une requête, le mineur étant parfois devenu majeur le jour où le juge statue.

Dans ces situations, le Défenseur des
droits a régulièrement appelé l’attention
des tribunaux pour enfants dans le cadre d’observations sur le caractère excessif
des délais d’audiencement, ce qui a permis dans certains cas que des audiences soient organisées et l’accès au juge respecté. Le Défenseur des droits a également rappelé, à plusieurs reprises l’impact de ces délais sur le besoin de protection de ces jeunes166 et la nécessité de statuer rapidement. En effet, lorsque la requête en assistance éducative concerne une personne se disant mineure non accompagnée, cette dernière reste très souvent en errance, sans hébergement ni prise en charge éducative, dans l’attente du prononcé de la décision du juge des enfants. La date de prise en charge des mineurs

non accompagnés a aussi un impact sur leur scolarisation et la régularisation de leur situation administrative à leur majorité.

Si ces délais sont difficilement quantifiables en raison de leur grande hétérogénéité sur le territoire national, la longueur des procédures semble s’aggraver, ne permettant pas d’assurer le respect des droits et la sécurité des mineurs concernés par la procédure.

2. L’état civil devant le juge

La production par les jeunes exilés de leurs documents d’état civil devant le juge constitue l’élément le plus important et le plus objectif du faisceau d’indices lui permettant de statuer sur la minorité .

Le droit à l’identité est posé par l’article 8 de la CIDE, dont l’effet direct a été reconnu par la Cour de cassation167, précise :

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« Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales tels qu’ils sont reconnus par loi, sans ingérence illégale.
Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou
de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et
une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible ».

Le Comité des droits de l’enfant a éclairé les composantes du droit à l’identité protégé par l’article 8 précité. Il considère ainsi que « la date de naissance d’un enfant fait partie de son identité et que les États parties sont tenus de respecter le droit de l’enfant de préserver son identité sans le priver d’aucun des éléments qui la constituent »169.

Le droit à l’identité d’un mineur est également garanti conventionnellement par l’article 8 de la ConvEDH, éclairé par la jurisprudence de la CEDH. La Cour a ainsi rappelé que « le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain »170

S’agissant de la charge de la preuve de son identité, le Comité des droits de l’enfant rappelle qu’elle ne repose pas uniquement sur le mineur. Il a ainsi pu indiquer qu’ « en cas

de doutes quant à la validité de son acte de naissance, l’Etat partie aurait dû s’adresser aux autorités consulaires du Mali pour vérifier son identité, ce qu’il n’a pas fait, et qu’il aurait d’autant plus dû le faire quand l’auteur a entamé des démarches pour obtenir son passeport (…)»171.

L’article 47 du code civil dispose que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui- même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

En matière d’état civil, c’est donc à la loi nationale qu’il convient de se rapporter pour déterminer la forme et le contenu des actes d’état civil172. Par conséquent la forme des actes d’état civil ainsi que le nombre et les catégories de mentions que contiennent ces derniers sont fixés par la loi du pays dans lequel ils sont établis.

Il incombe au juge français, soit d’office soit
à la demande d’une partie qui l’invoque, d’appliquer s’il y a lieu et de manière conforme le droit étranger en matière d’état civil173.

La Cour de cassation a rappelé le pouvoir d’appréciation souverain du juge quant à l’analyse documentaire 174 tout en précisant que le juge ne peut se limiter à l’enquête réalisée par la PAF pour établir que des actes de l’état civil ou documents d’identité seraient faux et conclure à l’absence d’authenticité, sans caractériser la nature exacte des anomalies affectant ces actes175.

Saisine

La Défenseure des droits a été saisie de la situation d’un jeune afghan qui n’était pas parvenu, durant sa minorité, à faire reconnaître devant le juge des enfants sa date de naissance comme étant celle inscrite sur sa taskera (acte d’état civil afghan). Les services de l’ASE n’avaient pas saisi le magistrat durant la prise en charge du jeune, malgré les alertes de ses éducateurs sur les différentes dates de naissance résultant des traductions de son document d’état civil, et avaient considéré

que les premières déclarations de l’adolescent primaient sur l’acte d’état civil obtenu postérieurement à son évaluation sociale. Saisi par le jeune après sa fin de prise en charge, le juge des enfants s’est appuyé sur le rapport simplifié d’analyse documentaire effectué par les services de la police aux frontières. Or ce rapport indiquait qu’il était « impossible de rendre un avis sur un document afghan » sans modèle dans la base de données à disposition de l’analyste. Pourtant, l’analyste donnait un avis « défavorable » et rendait une conclusion de « contrefaçon », sur la base des traductions différentes du document.

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La Défenseure des droits saisie postérieurement aux procédures judiciaires, a rappelé à l’ASE que, s’agissant d’une taskera afghane, la date de naissance du demandeur peut être une estimation approximative, exprimant parfois uniquement l’année et non le mois, indiquant parfois le mois et l’année
de naissance conformément au calendrier solaire perse, la déclaration la plus commune indiquant que le requérant est d’un certain âge à une année donnée (âgé de 2 ans en 2003 par exemple).

Le calendrier islamique commence en 622 après JC. Ainsi, ajouter 621 ans et 3 mois au mois et à l’année de naissance équivaudra à l’anniversaire du demandeur sous notre calendrier solaire grégorien. Bien souvent, l’âge est donné approximativement sur

une apparence physique au moment de la rédaction de l’acte.

Ces données relatives à l’état civil des personnes de nationalité afghane figurent dans la base Refworld du Haut-Commissariat aux réfugiés176.

Il existe une présomption simple d’authenticité des actes d’état civil étrangers produits. En cas de doute, l’article 1 du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d’un acte de l’état civil étranger prévoit que « … l’autorité administrative

saisie d’une demande d’établissement ou de délivrance d’un acte ou de titre procède ou
fait procéder, en application de l’article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l’autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative informe par tout moyen l’intéressé de l’engagement de ces vérifications »
.

La présomption de validité des actes d’état civil étrangers ne peut être renversée qu’en rapportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité de l’acte en question. « La possibilité de contredire la présomption d’authenticité des actes de l’état civil doit s’opérer à travers la mise en œuvre

d’une procédure légale de vérification, avec les garanties qui s’y rattachent », notamment celle pour la personne qui produit l’acte d’état civil d’apporter tout élément complémentaire à l’appui de ses déclarations. C’est ce qu’a rappelé la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel d’Amiens dans un arrêt du
5 février 2015177.

Saisine

La Défenseure des droits a été saisie de la situation de deux jeunes en raison des délais excessifs d’expertise documentaire dans
une préfecture. Dans les deux situations, les jeunes qui avaient fait l’objet d’une évaluation concluant à leur majorité ont saisi le juge

des enfants. Celui-ci a émis un jugement avant-dire-droit ordonnant une expertise documentaire, respectivement dans un délai de deux et trois mois. En raison de défaillances internes au sein des services préfectoraux, les analyses ont été réalisées plus d’un an après le jugement-avant-dire droit. Les documents des jeunes ont été authentifiés mais l’un des jeunes était entre-temps devenu majeur.

Enfin, il est important de préciser que la légalisation n’est que la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité du signataire de l’acte et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont
cet acte est revêtu178. A ce titre, la Cour de cassation rappelle qu’en dépit du défaut
de légalisation, les documents d’état civil produits, établis sur un support authentique, participent d’un faisceau d’indices de minorité179. En outre, l’IGREC 594180 précise que « peuvent être acceptés en France, tant par les administrations publiques que par
les particuliers, les copies ou extraits : soit légalisés, à l’étranger, par un consul de France (voir n° 595) ; soit légalisés, en France, par le consul du pays où ils ont été établis ; […] »
. La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 4 juin 2009, a confirmé la compétence du consul du pays d’origine de l’acte, jurisprudence confirmée par la suite181. Par ailleurs, le Conseil d’Etat a rappelé, dans une ordonnance de référé du 12 février 2021182, à deux reprises que

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« (…) la seule circonstance que le législateur n’ait pas dispensé de légalisation les actes d’état civil produits en justice par des mineurs étrangers dans le cadre d’une demande

de mesure d’assistance éducative ou dans
des contentieux d’urgence les concernant
ne peut, par elle-même, faire obstacle à ce que la protection à laquelle les intéressés
ont droit soit le cas échéant assurée ou à ce qu’ils bénéficient des garanties attachées à leur minorité. (…) l’absence de légalisation ne peut, par elle-même, faire obstacle à ce que la protection à laquelle les mineurs sollicitant une mesure d’assistance éducative ont droit soit le cas échéant assurée ou à ce qu’ils bénéficient des garanties attachées à leur minorité dans les contentieux d’urgence les concernant »
183.

3. L’application de l’article 388 du code civil et l’examen radiologique osseux

3-1. Les conditions d’application de l’article 388 du code civil

L’article 388 du code civil indique que

« Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis.
Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision

de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.
Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.

En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires ».

L’article 388 du code civil autorise, mais uniquement à titre subsidiaire et sous conditions, le recours à un examen radiologique osseux aux fins de contribuer à la détermination de la minorité d’une personne.

Si le Conseil constitutionnel, dans la décision précitée du 21 mars 2019184, a considéré que l’article 388 du code civil était conforme à la Constitution, il a rappelé que : « cet examen ne peut être ordonné que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables et si l’âge qu’elle allègue n’est pas vraisemblable.

Il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du caractère subsidiaire de cet examen. (…) cet examen ne peut intervenir qu’après que
le consentement éclairé de l’intéressé a été recueilli, dans une langue qu’il comprend. »
185.

De même la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que l’expertise médicale d’âge osseux ne peut être ordonnée que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables186 ou que l’âge allégué est non vraisemblable187. Il revient au premier juge de le caractériser au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant188.

Enfin, tel que cela a été souligné par le Conseil constitutionnel189 ainsi que par la Cour de cassation, si et seulement si les deux conditions cumulatives (supra) sont réunies, l’expertise médicale d’âge osseux ne peut intervenir qu’une fois le consentement éclairé de l’intéressé recueilli190.

Afin d’être en mesure de donner son consentement de manière éclairée, l’intérêt supérieur de l’enfant commande que le mineur ait accès, d’une manière adaptée et compréhensible, à une information juridique précise et complète sur l’ensemble des conditions requises selon l’article 388 du code civil pour recourir aux expertises médicales d’âge osseux, les garanties posées par l’article précité et éclairées par la décision du Conseil constitutionnel, ainsi que sur son droit de refuser de se soumettre aux expertises médicales d’âge osseux191.

Le Défenseur des droits qui a eu l’occasion, à de multiples reprises, de se prononcer sur l’application de l’article 388 du code civil par les juridictions192, réitère son opposition à l’utilisation de ces examens médicaux193, et rappelle à nouveau l’obligation pour l’autorité judiciaire de caractériser les conditions cumulatives posées à l’article 388 du code civil194.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

3-2. Les examens radiologiques osseux en question

Le Défenseur des droits s’est, de façon constante, opposé à l’utilisation de ces examens médicaux en vue de la détermination de l’âge d’une personne. Le recours à ces examens, qui sont invasifs et non fiables, constitue selon l’institution, une violation des droits conventionnels de l’enfant, notamment la protection de sa dignité, de sa santé et de son intérêt supérieur.

Dans sa décision du 21 mars 2019 précitée,
le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé que les garanties à apporter à la détermination de l’âge d’un individu sont d’autant plus fondamentales concernant le recours aux expertises médicales d’âge osseux qu’« en l’état des connaissances scientifiques, il est établi que les résultats de ce type d’examen peuvent comporter une marge d’erreur significative ».

La détermination de l’âge par examen radiologique osseux est une expertise
dont la fiabilité est très contestée, dans la mesure où elle comporte une marge d’erreur importante. Cette technique d’expertise a
été établie au début du 20ème siècle à partir des caractéristiques morphologiques d’une population nord-américaine. De surcroît, les méthodes utilisées pour estimer l’âge d’un jeune migrant, que ce soit par référence à l’atlas de Greulich et Pyle, à la maturation dentaire ou même à l’examen physique, n’ont été élaborées qu’à des fins de traitement médical référençant des clichés des caractéristiques moyennes d’une population et non pour estimer l’âge d’un individu.

Il ressort par exemple, de deux études réalisées en Italie195 et en France196 (à Tours), dont les résultats ont été publiés respectivement en 2011 et en 2014, que les écarts constatés

entre l’âge chronologique des individus et leur âge osseux peuvent être dans certains cas extrêmement importants. Ainsi, ces études ont montré qu’un poignet entièrement fusionné, ne permet pas de conclure que la personne a plus de 18 ans. Les études ont en effet détecté que le plus jeune homme, dont les os du poignet étaient fusionnés, avait 15,4 ans, et la plus jeune femme avec un poignet fusionné avait 15,1 ans.

Ces examens devraient, a minima, être réalisés sur la base d’un protocole unique et opposable intégrant des données cliniques, des données dentaires et des données radiologiques de maturité osseuse. Or aujourd’hui, il semble qu’en Europe, seules la France et l’Italie ne bénéficient d’aucun consensus national sur les examens osseux. La France ne dispose

pas en effet de protocole unique national en la matière.

Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) dans un avis relatif à l’évaluation de la minorité d’un jeune étranger isolé rendu le
23 janvier 2014, souligne que « les outils dont disposent actuellement les médecins légistes ne permettent pas d’estimer l’âge avec un degré de certitude à la hauteur des enjeux » et que « la détermination d’un âge osseux ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale. La détermination d’un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire ».

En outre, comme l’a rappelé l’ESPR – European Society of Paediatric Radiology dans un avis de 2018197, les données de l’atlas ou de l’étude de référence, quelle qu’elles soient, ne sont valables que sur la population étudiée. De plus, au sein même de la population étudiée, à ce jour, aucune étude n’a produit de résultats fiables à 100%. La société européenne de radiologie pédiatrique conclut en soulevant que l’étude la plus solide à ce jour réalisée sur 2614 cas en France montre des marges de 4 à 6 ans.

S’agissant en outre de la réalisation même des examens osseux, le Défenseur des droits souligne une rupture d’égalité. Il a en effet constaté que certains médecins recourent
à la radiographie du poignet, d’autres de la clavicule, d’autres à la radiographie dentaire, d’autres à plusieurs d’entre elles.

Saisine

Il s’avère que, depuis 2016, le Défenseur des droits a dû, à plusieurs reprises, rappeler à des établissements hospitaliers, l’interdiction de procéder à des examens du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires, proscrits par le dernier alinéa de l’article 388 du code civil.

62

Les examens radiologiques osseux doivent être ordonnés par l’autorité judiciaire198, et pratiqués dans une unité médico légale, et non, comme le Défenseur des droits l’a parfois constaté, dans un cabinet de radiologie.

Enfin, dès 2007, l’académie de médecine avait préconisé, pour limiter les erreurs possibles, une double lecture des âges osseux, dont une au moins, obligatoirement par un spécialiste de radio ou endocrino-pédiatrique.

Par ailleurs, les examens odontologiques, prêtent eux-aussi à controverse, dans la mesure où selon plusieurs thèses et articles de littérature médicale199, les estimations d’âge des différents stades du développement de

la dent de sagesse, comportent des marges d’erreur très importantes.

S’agissant enfin, du recours au scanner de la clavicule, la méthode consiste à constater l’état de fusion de l’épiphyse. Le manque de recul
ne permet pas de savoir si cette méthode est applicable de façon universelle, notamment

au regard de facteurs importants de variation constatés sur l’ensemble des tests médicaux de détermination de l’âge à savoir, la classe sociale, l’activité physique dès le plus jeune âge, les différences génétiques, la provenance, les origines, etc200. Les premières études qui commencent à paraître dans la littérature médicale font état des mêmes conclusions que pour la technique de Greulich et Pyle, à savoir un manque de fiabilité, la nécessité

de comparer des individus de même origine et de même niveau socio-économique, des variabilités individuelles pouvant fortement influer sur les résultats, des marges d’erreur importantes et surtout un grand risque d’erreurs de lecture201 et de difficultés techniques liées à la manipulation202.

4. La répartition nationale et l’intérêt supérieur de l’enfant203

La loi n° 2016-297 relative à la protection de l’enfant du 14 mars 2016, est venue encadrer le principe de répartition nationale auparavant prévu par la circulaire du 31 mai 2013204.

Ainsi, l’article 375-5 alinéa 3 et 4 du code civil prévoit :

« Lorsqu’un service de l’aide sociale à l’enfance signale la situation d’un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné.

Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant, qu’il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d’accueil adaptées ».

L’article L.221-2-2 du CASF quant à lui indique :

« Pour permettre l’application du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil,
le président du conseil départemental transmet au ministre de la justice les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans le département. Le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements, en fonction de critères démographiques et d’éloignement géographique ».

Dans son avis du 25 juin 2021 sur le projet
de loi relatif à la protection des enfants, la Défenseure des droits a approuvé la disposition prévoyant la prise en compte des réalités socio-économiques des territoires et du nombre de mesures d’accompagnement jeunes majeurs dans le calcul de la clé de répartition, recommandation émise depuis 2017, notamment auprès de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non accompagnés.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Cependant, la Défenseure des droits regrette que le système de répartition nationale ne tienne toujours pas compte du nombre de jeunes qui se présentent spontanément pour un accueil et une évaluation dans les départements afin d’éviter de pénaliser ceux dans lesquels arrivent un grand nombre de jeunes exilés primo-arrivant.

Pour l’heure, l’arrêté du 19 décembre 2019 prévoit le calcul de la clé de répartition uniquement sur la base de la population totale dans le département, rapportée à la population totale de l’ensemble des départements concernés.

Or, la Défenseure des droits souhaite rappeler que les préconisations d’orientation sur le territoire français de la MMNA, placée auprès du ministère de la justice et les décisions d’orientation prises par les magistrats (procureur de la République ou juge des enfants) doivent s’opérer dans le strict respect de l’intérêt supérieur des enfants. Ainsi, il doit être tenu compte de la situation individuelle du mineur, mais également des capacités effectives des départements. En effet, orienter un mineur vers un département dans lequel il risque de se retrouver à la rue faute de places disponibles pendant plusieurs semaines est susceptible de porter gravement atteinte à ses droits fondamentaux.

La Défenseure des droits est par ailleurs régulièrement alertée sur la situation de mineurs confrontés à des réévaluations opérées par les départements auxquels
ils sont confiés après application de la clé
de répartition nationale. Dans ses avis au parlement, ou au cours de ses auditions par les missions parlementaires ou les corps d’inspection (IGAS, IGJ, IGA…), la Défenseure des droits a de nouveau demandé de mettre un terme aux réévaluations de mineurs non accompagnés orientés sur décision judiciaire, après une première évaluation dans un département d’accueil205.

En effet, les garanties procédurales prévues s’agissant de l’évaluation visent à faire respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et à éviter que des personnes mineures ne soient indûment considérées comme majeures. Il appartient donc aux autorités administratives

et judiciaires compétentes de donner leur plein effet à ces garanties206.

La cour d’appel de Rennes207, saisie de
la situation d’une évaluation diligentée à l’initiative d’un conseil départemental alors que le mineur lui était confié sur décision
de justice, a estimé que cette évaluation n’avait pas « été fournie dans le cadre de la péréquation mais initiée par le département pour les besoins de la cause et pour remettre en question la minorité du jeune qui bénéficiait déjà d’un placement » et en a déduit que le conseil départemental « était irrecevable en sa demande en mainlevée du placement ».

Toutefois, en réponse aux interpellations du Défenseur des droits, les départements mis
en cause pour de telles pratiques, contraires
à l’intérêt supérieur des enfants, se défendent de pratiquer des réévaluations de minorité, en indiquant qu’ils « transmettent des éléments nouveaux » (incohérence du récit, apparence physique, prise d’empreintes) au magistrat sur la situation de la personne accueillie, remettant ainsi en cause la première évaluation réalisée et la décision judiciaire. Les départements s’abritent ainsi derrière le magistrat auquel

il reviendra de prendre une décision au vu de ces éléments présumés « nouveaux », de maintien ou de mainlevée de placement ou même de tutelle.

Saisine

La Défenseure des droits a été saisie de la situation d’un jeune de nationalité afghane évalué mineur par un premier département et confié par l’autorité judiciaire à un second département après avis de la Mission MNA dans le cadre de la péréquation nationale.

A son arrivée dans le second département, le procureur de la République territorialement compétent a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande d’ouverture de tutelle et le juge des enfants, qui a confirmé son placement

à l’aide sociale à l’enfance. Dans l’attente de
la décision du juge aux affaires familiales,
le juge des enfants a délégué l’autorité parentale au conseil départemental afin
que celui-ci accomplisse « l’ensemble des démarches administratives indispensables à la régularisation du statut de ce mineur ».

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Or, le département a procédé à une nouvelle évaluation de minorité et d’isolement remettant en cause la minorité du jeune au motif de l’incohérences du récit et de son apparence physique.

Parallèlement, l’adolescent, en lien avec sa famille dans son pays, a pu obtenir, seul, une tazkira originale (acte d’état civil afghan).
Le conseil départemental a transmis pour analyse le document, sans le faire traduire, aux services de la police aux frontières. L’analyse documentaire ainsi diligentée a conclu à un simple avis défavorable en raison de l’absence de traduction du document par un traducteur assermenté auprès du ressort de la cour d’appel compétente.

Le département a alors saisi le juge aux affaires familiales d’une demande de non-lieu à ouverture de mesure de tutelle.

Parallèlement, le mineur a introduit une demande d’asile.

Suite aux éléments transmis par le département, le juge aux affaires familiales
a prononcé une ordonnance de non-lieu à ouverture de tutelle. Le mineur a interjeté appel de cette ordonnance et s’est vu signifier une fin de prise en charge par le département.

Or, l’OFPRA a octroyé la protection subsidiaire au mineur, confirmant sa minorité, en conséquence a reconstitué son état civil
et lui a délivré de nouveaux actes à valeur authentique en application de l’article L 121-9 du CESEDA.

Malgré cela, le mineur non accompagné placé sous protection de l’OFPRA est demeuré sans prise en charge et a dû saisir la CEDH qui a prononcé une mesure provisoire en vertu

de l’article 39 de son règlement, demandant à l’Etat français d’assurer un hébergement adéquat à la situation du mineur.

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de poursuivre les efforts entrepris quant à la création de nouveaux postes de juges des enfants et de doter les chambres des mineurs des effectifs requis afin que chaque magistrat soit en mesure de traiter les saisines et suivre les dossiers qui lui sont confiés dans des délais raisonnables au vu notamment des situations de danger des enfants inhérentes à la procédure en assistance éducative ;
  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de veiller à ce que tout jeune exilé se disant mineur soit systématiquement assisté d’un avocat dans toutes les procédures judicaires qui le concernent, ainsi que d’un interprète dans sa langue maternelle s’il ne maitrise pas le français ;
  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de modifier et clarifier la rédaction de l’article 388 du code civil en interdisant dans la loi, les examens d’âge osseux.

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Partie IV

La prise en charge des mineurs non accompagnés

A. L’accompagnement socio-éducatif des mineurs non accompagnés

1. Le statut juridique des mineurs confiés en protection de l’enfance

A travers ses saisines, la Défenseure des droits constate que certains départements sont peu enclins à engager, au profit des mineurs non accompagnés confiés, les démarches relatives à l’ouverture de mesures de tutelle.

A l’appui de ses réserves, certains font état de l’exigence, par les juges aux affaires familiales chargés des tutelles mineurs de certaines pièces, telles que des pièces d’identité authentifiées avec photo et des actes de décès des parents, ou prouvant leur incapacité à exercer leur autorité parentale208.

Il convient cependant de souligner que de telles exigences ne sont pas légalement fondées, et peuvent faire l’objet d’un recours auprès des juridictions compétentes.

Par ailleurs, s’agissant de mineurs non accompagnés, l’autorité parentale doit pouvoir être exercée et une mesure de tutelle ou
une délégation d’autorité parentale doit être prononcée en fonction de l’impossibilité de joindre les parents.

Il sera rappelé que le juge des enfants reste
le juge de l’enfance en danger et le juge aux affaires familiales exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs, celui de l’autorité parentale.

Le juge des enfants intervient face à une situation de danger, souvent dans l’urgence, pour assurer la protection de la personne de

l’enfant et ses conditions d’éducation. Ainsi, l’article 375-5 du code civil prévoit qu’ « en cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure ». Si le procureur

de la République est bien compétent en cas d’urgence pour ordonner le placement d’un mineur en danger, seul le juge des enfants, passé un délai de 8 jours, peut prolonger le placement. Si aucune décision du juge des enfants n’est intervenue, le placement est caduc et le statut de l’enfant accueilli par les services de l’aide sociale à l’enfance devient incertain.

En revanche, l’assistance éducative n’assure qu’imparfaitement la protection juridique du mineur, notamment en ce qu’elle ne permet pas au service auquel le mineur est confié,
de prendre des décisions relatives aux actes non usuels de l’autorité parentale (soins médicaux importants, orientation scolaire, formation professionnelle, signature de contrat d’apprentissage, ouverture de compte bancaire etc.).

Si le juge des enfants peut autoriser ponctuellement le service gardien à exercer des actes relevant de l’autorité parentale, l’article 373-2-6 du code civil donne compétence au juge aux affaires familiales pour régler les questions relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Ainsi, notamment, le mineur dont la tutelle est déférée au président du conseil départemental n’aura pas besoin d’être représenté par un administrateur ad hoc dans sa procédure de demande d’asile.

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A cet égard, l’article 390 du code civil indique que « la tutelle s’ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ou se trouvent privés de l’exercice de l’autorité parentale ».

Selon l’article 373 du code civil « est privé de l’exercice de l’autorité parentale le père ou la mère qui est hors d’État de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ».

En conséquence, lorsque le mineur est privé de tout parent en capacité effective d’exercer son autorité parentale, les services de l’ASE auxquels le mineur est confié doivent solliciter du procureur de la République, la saisine du juge aux affaires familiales en charge des tutelles mineurs, afin que soit envisagé le déferement de la tutelle du mineur à l’ASE, au titre de l’article 411 du code civil.

Il convient de plus de relever que l’article
1217 du code de procédure civile exclut expressément tout formalisme s’agissant de la saisine du juge aux fins d’ouvrir une tutelle sur le fondement de l’article 390 du code civil précité. Ces dispositions permettent même au juge des tutelles des mineurs, informé

par tout intéressé, au premier chef desquels le département, le mineur lui-même ou son avocat, d’une situation dans laquelle une tutelle doit s’ouvrir de plein droit, de se saisir d’office de la situation, faisant ainsi usage d’une prérogative discrétionnaire209.

Saisine

Le Défenseur des droits a été saisi le 20 février 2018, par un mineur non accompagné, né le 13 septembre 2000, de ses conditions de prise en charge par l’ASE210.

L’adolescent s’était présenté dans un commissariat de police, le 30 mai 2017 comme étant mineur et isolé sur le territoire français, et avait sollicité une mesure de protection de l’enfance. Il avait accepté de se soumettre à la vérification du fichier Visabio, qui a fait apparaître ses empreintes digitales et sa photographie avec une autre identité et une date de naissance majeure à l’occasion d’une demande de visa auprès des autorités consulaires grecques à Kinshasa.

Le jour même, au regard de ces éléments, le mineur avait été placé en garde à vue pour fraude aux prestations sociales. En raison de la décision de la préfecture de prendre une mesure de reconduite à la frontière

et de placement en centre de rétention administrative à l’issue de sa garde à vue, le parquet avait décidé de classer sans suite la procédure pénale. Le 23 juin 2017, l’adolescent avait été reconnu réfugié et mineur par l’OFPRA, alors qu’il se trouvait en centre de rétention administrative.

Libéré de rétention, il avait été accueilli au centre départemental de l’enfance, le 24 juin 2017 au titre du recueil provisoire d’urgence, sans bénéficier d’une mesure judiciaire de placement ou d’une mesure de tutelle.

Après une procédure contradictoire, le Défenseur des droits a conclu que l’absence, pendant près d’un an, de décision judicaire garantissant le statut juridique du mineur, résultant de la prolongation excessive de son recueil administratif au titre de l’article L.223-2 du CASF, avait porté atteinte à ses droits et à son intérêt supérieur.

Le Défenseur des droits a par ailleurs conclu que l’absence de diligence des services de l’ASE à saisir le juge des enfants ou le JAF exerçant les fonctions de juge des tutelles
des mineurs de la situation de cet adolescent, avait porté atteinte à ses droits et à son intérêt supérieur, et il a rappelé que s’agissant de mineurs non accompagnés, l’autorité parentale doit pouvoir s’exercer.

Enfin, il convient de rappeler qu’en application de l’article 411-1 du code civil210, il appartient au juge des tutelles des mineurs, exerçant une surveillance générale des mesures de tutelle dans son ressort, de s’assurer que la prise en charge du mineur dans le cadre de l’exercice de la fonction tutélaire sera effective et respectueuse de l’intégralité de ses droits.

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Aussi, en cas de conflit d’intérêt entre le mineur sous tutelle et son tuteur, en l’espèce le conseil départemental (ce qui peut être le cas lorsqu’il y a contestation de minorité, de réévaluation, ou d’absence par le tuteur de démarches relatives à la reconstitution de l’État civil du mineur…), l’article 388-2 du code civil prévoit la désignation d’un AAH, par le juge saisi de l’instance.

2. l’hébergement et l’accompagnement éducatif

2-1. L’hébergement

L’article 20 de la CIDE, dont l’effet direct a
été reconnu par le Conseil d’Etat212, dispose que : « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’Etat ».

Selon les dispositions de l’article L.221-1 du CASF, le service de l’ASE est un service non personnalisé du département chargé, notamment, des missions suivantes :

  • Apporter un soutien matériel, éducatif etpsychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation
    ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ;
  • Mener en urgence des actions de protection en faveur de ces mineurs ;
  • Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ;
  • Veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme.S’agissant des modalités d’hébergement des mineurs confiés en protection de l’enfance, la qualité de la prise en charge, de l’accueil et de

l’accompagnement socio-éducatif doit être la même pour tous les enfants pris en charge en protection de l’enfance, qu’ils soient non accompagnés ou non.

La Défenseure des droits rappelle également que les jeunes recueillis provisoirement durant la phase d’évaluation doivent bénéficier de mêmes conditions d’accueil que les mineurs confiés par décision de justice. En effet, accueillis au titre de l’article L.223-2 du CASF, les présumés mineurs sont placés, durant la phase d’évaluation, sous la responsabilité du conseil départemental. Les mineurs reconnus comme tels par le département à l’issue de l’évaluation sont confiés provisoirement par

le procureur de la République, en attente de la décision du juge des enfants.

La Défenseure des droits constate et regrette la multiplication des prises en charge hôtelières, y compris lorsque le dispositif prévoit des accompagnements éducatifs,

qui s’avèrent souvent lacunaires et peu protectrices des mineurs présumés et reconnus. De plus, l’accueil en hôtel suppose que les personnes se disant mineures cohabitent avec des majeurs, clients de l’hôtel, ce qui n’est pas adapté dans le cadre d’un dispositif en protection de l’enfance.

Or, les parcours migratoires s’avèrent de plus en plus périlleux, violents et sources de nombreux traumatismes. L’accueil provisoire d’urgence doit nécessairement se faire dans un contexte rassurant, dans lequel les jeunes exilés devraient être accompagnés par des travailleurs sociaux formés à la protection de l’enfance.

L’accueil en dispositif hôtelier est en outre largement utilisé postérieurement à la phase d’évaluation, pour l’accueil des mineurs
non accompagnés reconnus comme tels, particulièrement quand ceux-ci sont des garçons âgés de plus de 16 ans. Le Défenseur des droits demande à ce que ce type d’accueil soit proscrit213. Elle a à ce titre récemment manifesté son inquiétude face aux exceptions prévues par le projet de loi relatif à la protection des enfants. En effet ce projet dispose que « hors périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs », le recours aux structures hôtelières

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reste possible pour des accueils en urgence ou des « mises à l’abri » de mineurs alors même que l’étude d’impact indique que « Le recours à l’hôtel porte une atteinte grave aux droits

et aux besoins fondamentaux des enfants confiés à l’ASE […] ».

Les récents rapports de l’IGAS ainsi que de la Cour des Comptes214, montrent, de façon particulièrement saillante, les atteintes aux droits fondamentaux et à l’intérêt supérieur des enfants. D’après l’IGAS, « selon les résultats des travaux menés, et même si cette pratique est là encore très inégalement répandue selon les départements, 95 % des mineurs hébergés à l’hôtel seraient des MNA et 28 % des MNA admis à l’ASE seraient

pris en charge à l’hôtel ». A titre d’exemple, l’IGAS précise que dans les Hauts-de-Seine, 624 jeunes étaient hébergés dans des hôtels prestataires du département, soit 25% des jeunes confiés à l’ASE, dont 89,4 % de MNA. Pour 60% des enfants placés en hôtel, la durée de séjour excédait 4 mois (27 % plus d’une année).

A l’heure actuelle, l’hébergement hôtelier n’est pas proscrit par le CASF, l’article L.221-2 de ce code prévoyant en effet que le département
« organise sur une base territoriale les moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement des enfants confiés au service ».

Ainsi, il appartient au président du conseil général, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service de l’ASE placé sous son autorité, et, à cet effet, d’organiser les moyens nécessaires à l’accueil et

à l’hébergement de ces mineurs et de déterminer les conditions de leur prise en charge, conformément à ses obligations.

Les hôtels ne sont pas des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens de l’article L.312-1 du CASF et ne sont ainsi pas soumis au régime de l’autorisation et

de l’habilitation prévu par les articles L.313-
10 et suivants du CASF. Ils font l’objet d’une simple déclaration (article L321-1 du CASF). La surveillance de ces hôtels en termes d’hygiène et de sécurité, de la satisfaction des besoins

fondamentaux des adolescents protégés, et de leur accompagnement éducatif ne peut, dès lors, être garantie alors même qu’y sont accueillies les personnes qui font partie de
« la catégorie des personnes vulnérables de la société215 ».

Si ces établissements peuvent faire l’objet
de contrôles a posteriori en ce qui concerne
le respect des normes d’hygiène et de sécurité par des autorités préfectorales, ou de contrôles de la part du département, ceux-ci s’avèrent exceptionnels. La surveillance par les agents de l‘ASE en charge du suivi des mineurs accueillis, quant à elle, ne semble pas suffisamment effective.

Saisine

Le 5 juillet 2019, le Défenseur des droits s’est saisi d’office après avoir appris par voie de presse le décès d’un adolescent, mineur
non accompagné de nationalité guinéenne, pris en charge dans un département. Après instruction contradictoire, il a constaté

que l’adolescent avait été pris en charge durant un an et demi, sans bénéficier d’un accompagnement socio-éducatif adapté
à son âge et à ses besoins. Il a mis ainsi en exergue « l’abandon social » des mineurs placés à l’hôtel, relevant dans sa décision, que la nuit du décès de l’adolescent, aucun adulte, auquel les jeunes auraient pu demander de l’aide, n’était présent à ce moment-là, et qu’ils n’avaient même pas, à l’époque des faits, à leur disposition un numéro de téléphone d’astreinte leur permettant d’appeler le service à l’aide en cas de difficulté216.

A plusieurs reprises la Défenseure des droits a été alertée des conditions d’hébergement particulièrement préoccupantes de mineurs dans les hôtels, notamment en terme de sécurité. Les conditions d’hygiène sont elles aussi souvent dénoncées, notamment la présence récurrente de puces de lits, de sanitaires sales, de linges de lit douteux et de chambres vétustes.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Le rapport de l’IGAS précité indique que

« Dans l’un des établissements visités, prestataire du département (…) les conditions d’accueil sont apparues totalement inacceptables (état général dégradé,
saleté, restauration assurée par un unique
« restaurant grec », absence d’adulte pour assurer la surveillance, consommation ostensible de cannabis dans l’établissement, professionnels de l’hôtel expliquant mettre une pression physique sur les mineurs, défaut d’informations de l’ASE suite au malaise d’un jeune ayant consommé du cannabis lors du passage de la mission). » 
Le rapport indique que le département, averti de la situation par la mission IGAS, a alors décidé de retirer les jeunes hébergés dans cet établissement,
ce qui témoigne de l’absence totale de suivi éducatif des jeunes accueillis.

Il ajoute « l’hôtel parait donc être un lieu fondamentalement inadapté pour l’accueil et l’accompagnement de mineurs. » en concluant « que l’hébergement à l’hôtel ne saurait être considéré comme une option parmi d’autres. Sans aller jusqu’à son interdiction totale, l’hôtel ne devra, à moyen terme, être utilisé qu’à titre exceptionnel, en tant que solution de dernier recours et pour une durée très limitée »217.

Par ailleurs, la Défenseure des droits a constaté avec inquiétude, la création de nombreux dispositifs de prise en charge pérenne des mineurs non accompagnés, souvent à bas coût avec des prix de journée qui ne paraissent pas garantir la qualité du suivi éducatif dont peuvent bénéficier les jeunes personnes accueillies (parfois moins de 50 euros par jour).

Le choix de la prise en charge d’un adolescent au titre de l’ASE doit être dicté par son seul intérêt supérieur et résulter d’une évaluation de ses besoins fondamentaux et des modalités d’accompagnement pouvant y répondre. La prise en charge socio-éducative doit être individualisée. Une personne ne devrait

pas être orientée vers un tel dispositif du seul fait de son « statut » de mineur non accompagné218.

Le Défenseur des droits a été saisi de plusieurs situations de mineurs non accompagnés accueillis dans des dispositifs dédiés,

créés souvent à la hâte sans préparation ni anticipation, non sans rappeler la situation de l’hiver 2016, lorsqu’à la suite de l’évacuation du bidonville de la Lande à Calais, l’Etat avait décidé de la création des CAOMI219. Ainsi

il a constaté, à travers ses saisines, que si certains départements ont été confrontés
à l’augmentation du nombre de mineurs
non accompagnés, le type des structures créées dans la précipitation, parfois dans des centres de vacances ou des bases de loisirs, parfois dans des anciens EPHAD, ou dans des structures assez éloignées des agglomérations, était souvent inadapté. L’isolement perçu par certains jeunes comme une mise à l’écart volontaire, entraînant incompréhension

voire des mouvements d’opposition ou
des fugues, ne favorise pas non plus le respect du droit à l’éducation des jeunes,
les structures scolaires, d’apprentissage ou
de formations professionnelles s’avérant éloignées et difficilement accessibles. En outre, la mobilisation d’équipes peu formées, peu aguerries à l’accueil d’adolescents, parfois recrutées en quelques jours, a parfois entrainé une rotation importante des professionnels, fragilisant la prise en charge des mineurs.

2-2. L’accompagnement éducatif

Le dernier alinéa de l’article 375 du code civil prévoit qu’en cas de mesure d’assistance éducative judiciairement ordonnée, un rapport concernant la situation de l’enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants.

L’article L.223-5 du CASF précise la temporalité et le contenu des rapports, quel que soit le cadre juridique du placement (administratif ou judiciaire). Dorénavant, le service de l’ASE devra élaborer un rapport de situation :
• au moins une fois par an et, pour les enfants

âgés de moins de deux ans, tous les six mois ; • portant sur la santé physique et psychique de

l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille et les tiers intervenant dans sa vie ;

• et permettant de vérifier non seulement la bonne mise en œuvre du projet pour l’enfant et l’adéquation de ce projet aux besoins de l’enfant mais aussi l’accomplissement des objectifs fixés par la décision de justice.

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Par ailleurs, l’article L. 223-1-1 du CASF rappelle l’obligation d’établir le « projet pour l’enfant », document qui accompagne le mineur tout au long de son parcours au titre de la protection de l’enfance » dont le référentiel en fixant le contenu est prévu par décret

n° 2016-1283 du 28 septembre 2016.

Le fait que les mineurs non accompagnés soient étrangers et isolés ne dispense pas les départements d’appliquer ces dispositions.

La Défenseure des droits constate que les mineurs non accompagnés ne bénéficient pas le plus souvent d’un suivi individualisé
de la part des services de l’ASE. Les équipes ou services souvent dédiés au sein des départements, sont généralement trop peu étoffés pour assurer une vigilance à l’égard
de ces mineurs, et élaborer les projets pour l’enfant, ou accomplir l’ensemble des missions qui sont pourtant nécessaires à leur prise en charge effective.

Les équipes des structures d’accueil se voient alors déléguer l’ensemble du travail éducatif, mais se heurtent parfois à un manque de formation et d’information sur leurs missions, sur les procédures à conduire concernant les mineurs non accompagnés, sur les parcours de vie de ces jeunes et les chemins d’exils qu’ils ont empruntés. Quant à ceux qui sont accueillis en hôtel, la solitude et l’isolement qu’ils subissent au quotidien affectent non seulement leur santé mentale mais aussi, leur construction et l’élaboration de leur projet de vie.

L’accès à l’histoire de vie de ces adolescents ne peut se résumer à un seul entretien mené durant l’évaluation de minorité, dans des conditions peu propices à la création d’un lien de confiance. Seule la relation éducative et l’accompagnement peuvent permettre à l’adolescent de se confier. Cette relation ne peut se construire que dans un travail engagé avec l’éducateur sur l’histoire personnelle de l’adolescent et ce qu’il en a compris, la reconstitution de son état civil, l’élaboration d’un projet de vie, la scolarité, le projet professionnel, autant de supports qui permettent la création d’un lien éducatif favorisant le développement du mineur.

Or, plusieurs départements interrogés
par le Défenseur des droits au cours de
ses instructions, indiquent que le type d’accompagnement nécessaire aux mineurs non accompagnés n’est pas le même que celui des autres enfants pris en charge en protection de l’enfance, citant pour certains à l’appui de leur positions, les rapports de l’ODAS et de l’ONPE220.

La Défenseure des droits ne partage
pas cette position et recommande que l’accompagnement éducatif des personnes se déclarant mineures non accompagnées puis reconnues comme telles soit adapté et ajusté en fonction de leurs besoins fondamentaux, ces derniers devant être finement et individuellement évalués.

Ainsi, pour les mineurs pris en charge, les éducateurs doivent les accompagner dans leur projet scolaire ou de formation, dans
leur accès aux soins, dans les démarches administratives et judiciaires dont la demande de contrat jeune majeur. Ils devraient en outre rédiger des rapports pour chaque jeune tous les ans et avant chaque audience. Ces tâches nécessitent des effectifs en nombre suffisant.

Saisine

Dans sa décision n° 2019-058, le Défenseur des droits avait pu mettre en évidence l’insuffisance de l’équipe éducative de la structure au sein de laquelle était pris en charge un jeune en cours d’évaluation, décédé des suites d’une chute du 8ème étage de son foyer. Les effectifs ne permettaient pas aux éducateurs de bien connaître les jeunes gens dont ils s’occupaient. La cheffe de service avait ainsi indiqué s’agissant des jeunes gens en général, « pour le reste, nous n’avons aucune vue sur ce qu’ils font de leur journée ». Seule l’éducatrice référente du jeune se souvenait avoir eu un réel contact avec lui. Les autres éducateurs ne parvenaient pas à l’identifier, affirmaient ne jamais lui avoir réellement

parlé ou de manière anecdotique. Le cadre d’astreinte quant à lui avait indiqué ne pas le connaitre. Il a dû, pour pouvoir l’identifier le soir de son décès, prendre une photo et la transmettre à une autre personne de la structure221.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Rappelle aux départements que l’accompagnement éducatif des personnes se déclarant mineures non accompagnées puis reconnues comme telles, doit être adapté et ajusté en fonction de leurs besoins fondamentaux ;
  • Rappelle aux départements que l’établissement du projet pour l’enfant est une obligation pour tout mineur accueilli en protection de l’enfance, et les invite dans
    ce cadre à planifier et réaliser sans délai la reconstitution de l’état civil des mineurs non accompagnés qui leur sont confiés ;
  • Rappelle que, s’agissant de mineurs non accompagnés, l’autorité parentale doit pouvoir être exercée et qu’une mesure de tutelle doit être prononcée en fonction de l’impossibilité de joindre les parents, le juge des enfants restant le juge de l’enfanceen danger et le juge aux affaires familiales exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs, celui de l’autorité parentale ;
  • Recommande aux départements d’informer sans délai les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » de la vacance de l’autorité parentale et de la nécessité de prononcer une ouverture de tutelle à l’égard des mineurs qui leur sont confiés, ou de saisir les parquets en vue d’une saisine de ces derniers, chaque fois que nécessaire, afin que l’autorité parentale des mineursnon accompagnés puisse être pleinement exercée ;
  • Recommande aux départements en lien avec les chefs des juridictions judicaires d’initier des rencontres avec les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » et les juges des enfants afin d’améliorer et de fluidifier le traitement des requêtes aux fins d’ouverture de tutelles « mineurs » dans l’intérêt supérieur des enfants protégés.

A cet égard, de nombreux témoignages de mineurs non accompagnés, rencontrés
au cours des déplacements des agents
du Défenseur des droits ou reçus dans les saisines, attestent de leur manque de relations, regrettant le manque de disponibilité des éducateurs, et déplorent souvent leur absence le soir, moment souvent propice aux angoisses, mais aussi aux confidences et à la création d’un lien de confiance. En outre, dans certaines structures, le manque de lieux collectifs et de convivialité peut être également dommageable pour le suivi éducatif des adolescents.

Toutefois, la Défenseure des droits tient
à rappeler que si elle n’est saisie que des défaillances dans la prise en charge de
ces mineurs, ses équipes ont également
pu constater au cours de visites et de rencontres, des mobilisations de travailleurs sociaux auprès de ce public. Il est ici nécessaire de saluer l’engagement fort

des équipes et structures aux côtés de ces mineurs, la pugnacité de certains travailleurs sociaux pour parvenir à dégager des solutions à long terme en faveur des jeunes qu’ils accompagnent et les relations de qualité, profondes et souvent durables entre les professionnels et les jeunes.

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B. Le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

La Défenseure des droits considère que
les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés doivent être garantis, y compris durant la période d’évaluation, pendant laquelle ils bénéficient d’une présomption de minorité.

1. Le droit à l’identité : la reconstitution des actes d’état civil

La Défenseure des droits a pu constater dans le cadre de l’instruction des réclamations
dont elle est saisie, que les services de l’ASE décident rarement d’engager des démarches afin de reconstituer les états civils des mineurs qui leur sont confiés. Il s’agit pourtant d’une obligation au titre de l’article 8-2 de la CIDE

qui indique que « Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les Etats parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible ».

En outre, en application de l’article 8 de la ConvEDH :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et
de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de

la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Selon une jurisprudence constante, la CEDH rappelle que la question de l’état civil relève du champ d’application de l’article 8 de la Convention, dans ses volets « vie privée »,

« vie sociale » et / ou « vie familiale »222, et met à la charge de l’Etat des obligations positives223. La CEDH considère ainsi que le droit au respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain224.

Or, la Défenseure des droits constate régulièrement que la question de l’état civil des mineurs non accompagnés est souvent traitée de façon expéditive au cours de la période d’évaluation et travaillée trop tardivement
lors de la prise en charge, à l’approche de la majorité.

A toutes fins utiles, la Défenseure des droits rappelle que dans le monde, des centaines
de millions d’enfants ne sont pas enregistrés lors de leur naissance et n’ont pas d’état
civil. Ainsi, en 2019, l’UNICEF estimait que
166 millions d’enfants de moins de cinq ans dans le monde n’avaient pas été enregistrés
à la naissance225. Dans ce même rapport, l’UNICEF soulignait pour autant que le chiffre de naissances enregistrées au niveau mondial est en nette augmentation depuis une vingtaine d’années. Cela signifie que parmi les personnes se présentant comme mineurs non accompagnés, certains n’ont pu bénéficier du droit à une identité dès leur naissance et que cet élément doit être pris en compte.

Cette mise en perspective des lourdes difficultés relatives à l’état civil dans les pays d’origine conduit parfois certaines autorités
à relativiser la portée des actes en France.
Or les mineurs ne peuvent être pénalisés
par les dysfonctionnements de leur pays au niveau de leur état civil226. En outre, du droit à l’identité découle l’ensemble des autres droits fondamentaux des personnes. Les annexes
2 et 3 de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016227 indiquent aux départements les interlocuteurs utiles pour contacter les autorités étrangères afin de reconstituer l’état civil des mineurs. Le Service social international228 peut aussi être une ressource utile dans ce type de procédures.

Il convient en outre de rappeler qu’il est d’intérêt public que toute personne vivant habituellement en France, même si elle est née à l’étranger et possède une nationalité étrangère, soit pourvue d’un état civil229, et qu’en conséquence le tribunal français est compétent pour déclarer sa naissance au titre de l’article 46 du code civil230.

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Il est ainsi nécessaire, concernant des jeunes qui n’auraient pas d’état civil ou en possèderaient un qu’il serait impossible de reconstituer, qu’une procédure auprès du tribunal judiciaire puisse être rapidement envisagée, soit à l’initiative des parquets saisis par les conseils départementaux, soit sur requête d’un avocat, pour que soient prononcés des jugements déclaratifs ou supplétifs d’état civil. Après avoir contrôlé l’inexistence des registres ou le fait qu’ils sont perdus, détruits ou inaccessibles, le juge reconstruit l’acte avec les preuves qu’il peut recueillir. Le jugement supplétif de naissance établit de façon certaine la date de naissance et la filiation231.

Il convient de rappeler que s’agissant des mineurs demandeurs d’asile, ces derniers ne peuvent se rapprocher des autorités de leur pays d’origine sauf à mettre en péril la procédure en cours ou leur statut de réfugié.

Ces questions doivent donc être abordées au plus tôt de la prise en charge des mineurs, afin de ne pas hypothéquer leur avenir sur le territoire français.

A noter : La déclaration de nationalité française – l’article 21-12 du code civil

La déclaration de nationalité française est une procédure qui doit être enclenchée avant les
18 ans du mineur. Différente de la demande de naturalisation qui se dépose en préfecture, la déclaration de nationalité française prévue à l’article 21-12 du code civil se dépose devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire du lieu de domicile du mineur.

L’article 21-12 du code civil dispose que l’enfant qui est confié au service de l’ASE depuis au moins trois années peut, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu’il réclame la qualité de français, s’il réside à la date de sa déclaration en France.

Par dérogation prévue à l’article 17-3 du code civil, les déclarations de nationalité peuvent être faites sans autorisation dès l’âge de seize ans. Le mineur âgé de moins de seize ans doit quant à lui être représenté par celui ou ceux qui exercent à son égard l’autorité parentale.

Ainsi, au regard des textes susvisés, seule l’autorité judiciaire est compétente pour recevoir les déclarations de nationalité souscrites par un mineur qui justifierait être confié au service de l’ASE depuis au moins trois années, et non l’autorité administrative.

Les documents à fournir pour une déclaration de nationalité française souscrite par un mineur justifiant de trois années de prise en charge à l’ASE sont depuis le 1er janvier 2020, les suivants232 :

• un acte de naissance original ;
• un document officiel d’identité ainsi qu’une

photographie d’identité récente ;
• tous documents justifiant que le mineur

réside en France ;
• les décisions de justice, en cas de mesure

judiciaire, ou tous documents administratifs, en cas de mesure extra-judiciaire, indiquant qu’il a été confié à l’ASE depuis au moins trois années ;

• et lorsque l’enfant est âgé de moins de seize ans, les documents pouvant que son ou ses représentants exercent à son égard l’autorité parentale ainsi que leur document officiel d’identité.

L’acte de naissance doit être légalisé ou apostillé sauf dispense prévue par une convention internationale233.

L’ensemble des documents en langue étrangère doivent être traduits par un interprète assermenté du ressort de la cour d’appel compétente.

Lorsque la déclaration est souscrite en France, l’autorité judiciaire compétente remet au déclarant le récépissé prévu à l’article
26 du code civil dès qu’elle a reçu la totalité des pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration234.

Le directeur des services de greffes judiciaires du tribunal judiciaire dispose de 6 mois pour refuser l’enregistrement de la déclaration235.

En l’absence de réponse à l’expiration de ce délai, la déclaration est réputée enregistrée et donc, la nationalité française reconnue. Il convient alors de se rendre aux services de greffe du tribunal judiciaire afin d’obtenir une copie de la déclaration revêtue de la mention de l’enregistrement, en application de l’article 26-4 du code civil.

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2. Le droit à l’éducation et à la formation professionnelle

Le droit à l’instruction pour tous est consacré au niveau constitutionnel. En effet, le 13ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ».

Le droit à l’instruction est ainsi un droit humain à la portée générale et universelle, indépendant de la minorité/majorité de la personne.

Le protocole additionnel à la ConvEDH affirme dans son article 2 que « nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction ». L’article
14 de cette même Convention garantit la jouissance de ce droit sans distinction aucune, fondée notamment sur l’origine nationale, l’appartenance à une minorité nationale ou toute autre situation236.

La CourEDH a eu l’occasion de rappeler
le caractère fondamental de ce droit dans plusieurs arrêts237. La Cour considère que
les titulaires de ce droit sont les enfants
mais aussi les adultes, soit toute personne voulant bénéficier du droit à l’instruction.238 Elle a notamment précisé que le droit à l’instruction ne doit pas être limité par les Etats à l’instruction primaire mais concerne aussi l’instruction secondaire239, et supérieure240.

De ce droit découlent des obligations positives pour les Etats, que la Cour a l’occasion de rappeler régulièrement dans sa jurisprudence.

Ainsi, ils doivent s’assurer de l’effectivité de
ce droit pour chacun. Dans l’arrêt Leyla Şahin contre Turquie, la Cour estime que, si le droit à l’instruction peut donner lieu à des limitations « implicitement admises », telles que la langue d’enseignement par exemple241, celles-ci doivent cependant répondre à un but légitime et être proportionnées, chaque Etat ayant le devoir de s’assurer que « [de telles] limitations ne réduisent pas le droit à l’instruction au point de l’atteindre dans sa substance même et de le priver de son effectivité »242.

De surcroit, l’article 28.1 de la CIDE prévoit
que « les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier,
en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : […] b – ils encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l’offre d’une aide financière en cas de besoin […] »
.

Dans le même esprit, l’article 17 de la Charte sociale européenne vise aussi à renforcer la portée du droit à l’instruction s’agissant des mineurs.

Le droit à l’instruction est pleinement applicable aux enfants migrants, qu’ils soient accompagnés ou non comme l’énonce le Comité des droits de l’enfant de l’ONU dans son observation générale n°6 précitée, relative au traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

2-1. L’accès à la scolarité

En droit interne, l’article L.111-1 du code de l’éducation prévoit que « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre
de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté »
.

La Défenseure des droits considère que l’obligation de protection de l’Etat implique de permettre aux mineurs non accompagnés sur le territoire d’accéder à l’instruction dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible, conformément au droit français et aux engagements internationaux contraignants pris par la France, et ce y compris lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge de l’obligation scolaire. Si l’article L.131-1 du code de l’éducation prévoit que « L’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans », la Défenseure des droits estime que rien dans cette disposition ne fait obstacle à une scolarité entre 16 et 18 ans si le mineur la demande.

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Elle considère, en effet, que l’obligation scolaire s’adresse aux familles afin de veiller à ce que tout enfant reçoive une éducation scolaire adéquate. En revanche, cet article ne peut

être interprété comme restreignant le droit fondamental à l’instruction et à l’éducation pour tout enfant qui en manifesterait la volonté au-delà de l’âge de l’obligation scolaire, fixé par le législateur.

En effet, l’article L.131-1 doit être lu au prisme de l’article L.122-2 du même code qui précise que « tout mineur non émancipé dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de seize ans ». De surcroît, la scolarisation des enfants âgés de 16 à 18 ans répond pleinement aux engagements internationaux pris par la France, et notamment aux exigences de l’article 28.1 de la CIDE.

La circulaire n° 2012-141 en date du 2 octobre 2012 relative à l’organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés précise que « l’école est un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national quels que soient leur nationalité, leur statut migratoire

ou leur parcours antérieur comme le précise le code de l’éducation qui a inscrit dans ses articles L. 111-1, L. 122-1 et L. 131-1 l’obligation d’instruction pour tous les enfants ».

Le juge administratif veille au respect de ces dispositions. Dans une décision du 15 février 2017 par exemple, le juge des référés du Conseil d’Etat a estimé que « la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’isolement sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale »243.

Ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a estimé que le refus pour un département d’inscrire un mineur isolé de 17 ans dans un établissement scolaire était constitutif d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale244.

Par ailleurs, la Défenseure des droits recommande que le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés soit mis à profit pour engager immédiatement les procédures d’accès à l’éducation en envisageant les tests au centre d’information et d’orientation (CIO) ou au centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV), puis des demandes d’affectation dans des établissements scolaires. En effet, la décision administrative de refus de prise en charge elle-même n’est pas une décision définitive dans la mesure où la personne évaluée majeure conserve la possibilité de saisir le juge des enfants de sa situation245.

A ce titre, la Défenseure des droits rappelle que plusieurs décisions des juridictions administratives confirment le droit fondamental de l’accès à l’instruction pour
les personnes se disant mineures non accompagnées, quelle que soit leur situation au regard de la procédure de reconnaissance de minorité. Ainsi, le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d’appel de Paris ont jugé que « si l’intimé s’était vu refuser (…) le bénéfice de l’aide sociale à l’enfance (ASE) au motif qu’il existait des doutes sur

son âge, cette seule circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le recteur procède à l’affectation de Monsieur X »246.

Saisine

La Défenseure des droits a été saisie à la rentrée 2020 des difficultés relatives à l’inscription en ligne des mineurs non accompagnés aux tests de positionnement scolaire organisés par un CASNAV. L’instruction a mis en évidence l’existence
de créneaux « prioritaires » pour les mineurs accompagnés de leur famille, au détriment des mineurs non accompagnés. Après analyse des éléments du dossier, la Défenseure des droits a rappelé que l’organisation de ces créneaux ne devait pas entraîner un traitement défavorable des mineurs non accompagnés dans l’accès

à la prise de rendez-vous. Elle a recommandé que les créneaux ne soient pas ouverts en fonction de la situation de famille du mineur (isolé ou accompagné) mais davantage en fonction de l’âge, sous peine de discrimination

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en raison de la situation de famille de l’enfant247. En réponse l’académie a assuré à la Défenseure des droits que la priorité dans l’attribution de créneaux de rendez-vous était donnée aux mineurs, accompagnés ou non, âgés de moins de seize ans et donc soumis à l’obligation scolaire.

Au cours de ses instructions, la Défenseure des droits a pu constater en outre l’existence de dispositifs dérogatoires de scolarisation,
en dehors du système général de l’éducation nationale. Cette « scolarisation » souvent à temps partiel, voire très réduit, ne pourrait être acceptable que si elle restait brève et provisoire et visait à faciliter l’intégration du mineur dans le système de droit commun. Elle s’avère, en revanche, souvent problématique lorsqu’elle dure.

Les départements sont tributaires des académies s’agissant des affectations scolaires des adolescents, et sont malheureusement confrontés souvent
à l’engorgement des dispositifs, lorsque
les classes sont pleines et lorsque les établissements refusent l’admission, une fois l’année scolaire entamée. Il est de la responsabilité des services académiques de l’éducation nationale de renforcer de façon substantielle les effectifs et les moyens

des CASNAV, des CIO et des dispositifs d’enseignement, de formation et d’insertion afin qu’ils soient en mesure de remplir
leurs objectifs et garantir à l’ensemble des mineurs non accompagnés leur plein accès à l’éducation.

Enfin, certains départements ont indiqué à
la Défenseure des droits que la scolarisation d’un mineur non accompagné ne pouvait être effective qu’à la réception de l’ordonnance de placement provisoire du juge des enfants dans laquelle doit figurer une délégation partielle et ponctuelle d’autorité parentale, ou lorsque le département est désigné tuteur du jeune.

Il convient de rappeler que selon l’article L.131-4 du code de l’éducation, « sont personnes responsables, pour l’application
du présent chapitre, les parents, le tuteur ou ceux qui ont la charge de l’enfant, soit qu’ils en

assument la charge à la demande des parents, du tuteur ou d’une autorité compétente, soit qu’ils exercent sur lui, de façon continue,
une autorité de fait »
, ce qui est le cas du département sur un mineur non accompagné, qu’il soit délégataire de l’autorité parentale ou non. Ainsi, le département se doit, dès lors qu’un mineur est accueilli, de respecter et de mettre en œuvre de façon effective son droit fondamental à l’éducation. En outre, l’article L. 131-7 du même code précise que « l’autorité

de l’Etat compétente en matière d’éducation invite les personnes responsables de l’enfant à se conformer à la loi et leur fait connaître les sanctions pénales encourues ». Ainsi,

un département qui aurait un mineur non accompagné sous sa responsabilité et qui ne procéderait pas aux diligences nécessaires afin de garantir son accès à l’éducation pourrait encourir des sanctions pénales.

C’est dans ce sens que le tribunal administratif de Nancy a rappelé à deux reprises qu’un mineur non accompagné que le conseil départemental n’avait pas scolarisé, alors même qu’il exerçait de façon continue sur

le mineur, une autorité de fait se trouvait
« en situation de non-droit », situation constitutive « d’une atteinte grave à une liberté fondamentale »248. Le département a ainsi été enjoint de procéder aux démarches nécessaires pour scolariser les jeunes requérants.

Enfin, la Défenseure des droits tient à rappeler que certains mineurs pourraient prétendre
à entreprendre des études universitaires. Cette question se pose d’ailleurs pour les enfants confiés à l’ASE de manière générale. Considérant que ces jeunes doivent être autonomes le plus rapidement possible,

leurs désirs, notamment pour les plus jeunes d’entre eux, de poursuivre dans des cursus d’enseignement général au lycée pour envisager des études universitaires sont encore bien trop souvent bridés par les services de l’ASE.

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Saisine

La Défenseure des droits a été saisie de la situation d’un jeune mineur non accompagné, scolarisé en classe de troisième qui souhaitait faire une carrière dans la politique et intégrer une seconde générale pour pouvoir poursuivre des études supérieures. Compte tenu de ses résultats scolaires, les équipes éducatives du collège étaient favorables à cette orientation. Or, l’ASE avait indiqué au jeune que cette orientation en seconde générale s’avérait impossible dans la mesure où, compte

tenu de la fin de sa prise en charge à sa majorité, il devait pouvoir être indépendant financièrement dès ses 18 ans ; ce qui ne permettait pas d’envisager l’engagement d’études longues. Le jeune avait été orienté dans un cursus en BAC professionnel dans une section administrative ce qui permettait, d’après l’ASE, d’aller au bout de son projet professionnel tout en tenant compte d’une part de la situation administrative du jeune et lui permettre d’autre part d’avoir « une orientation professionnelle réaliste ».

Or, il est important de rappeler que,
s’agissant en premier lieu de la « situation administrative » de l’adolescent, les mineurs non accompagnés pris en charge par les services de l’ASE avant leurs 16 ans, reçoivent de plein droit, sous certaines conditions,
un titre de séjour vie privée et familiale. S’il existe en effet, une condition d’octroi liée
« au caractère réel et sérieux du suivi de la formation », celle-ci ne nécessite pas que le mineur effectue un cursus professionnel ou alternant. Le suivi d’une formation scolaire générale est très largement acceptée.

S’agissant de la sécurisation liée à la prise
en charge socio-éducative et financière
de l’adolescent, il convient de relever qu’un contrat jeune majeur peut être conclu entre le département et le jeune pris en charge.
La poursuite d’études dans la voie générale, puis éventuellement en faculté, ne s’oppose nullement à la conclusion d’un tel contrat.
Au contraire, ce dispositif doit permettre d’accompagner le jeune dans ses démarches pour obtenir les aides de droit commun

lui permettant de mener à bien son projet professionnel, telles que les bourses, mais

également les allocations et aides financières proposées par la CAF, ainsi que la recherche d’un logement dans une résidence étudiante par exemple. En outre, comme tout jeune ayant des difficultés financières, l’accompagnement jusqu’aux 21 ans peut également permettre la recherche d’un emploi étudiant en parallèle des études choisies.

2-2. L’accès à la formation professionnelle

On a coutume de distinguer les formations professionnelles sous statut scolaire, effectuées au sein de lycées professionnels, à travers des cours théoriques, ponctués

de quelques stages ne nécessitant pas d’autorisation de travail, de celles qui s’opèrent sous un statut particulier (statut d’apprentis par exemple). Les mineurs étrangers qui souhaitent conclure un contrat d’apprentissage ou un contrat de professionnalisation doivent en effet obtenir une autorisation de travail.

Depuis l’adoption de la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018, l’article L.5221-5 du code
du travail prévoit que cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’ASE sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Cette modification résulte d’un arrêt du Conseil d’Etat du

15 février 2017249 qui a rappelé, au visa de l’exigence constitutionnelle d’égal accès
à l’instruction, que les mineurs étrangers devaient être regardés comme autorisés à séjourner en France et que, par conséquent, une autorisation de travail sollicitée dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation devait leur être accordée de plein droit. Le Conseil d’Etat a ainsi distingué la délivrance d’une autorisation de travail pour un mineur de la question de l’accès au séjour à la majorité (infra).

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Ainsi, l’article R.5221-22250 du code du travail précise désormais que le mineur étranger
qui est confié à l’ASE à la date à laquelle il est statué sur sa demande d’autorisation de travail dans le cadre d’un contrat d’apprentissage

ou un contrat de professionnalisation, visé
par le service compétent – l’opérateur de compétences (OPCO) -, est bénéficiaire d’une autorisation de travail de droit. La condition de la nature de l’emploi exercé ne peut lui être opposée.

Une note du 12 juillet 2021255 précise que,
pour les mineurs étrangers, le contrat d’apprentissage ou de professionnalisation signé et visé par l’organisme compétent (OPCO), autorise à travailler pendant toute sa durée. Le contrat ainsi visé par l’OPCO suffit en tant que tel, et constitue l’autorisation de travail, sans demande d’autorisation de travail distincte à effectuer, y compris lors du passage à la majorité du mineur concerné253.

Concernant les mineurs pris en charge avant l’âge de 16 ans par les services de l’ASE, ces derniers peuvent accéder, de plein droit, à
une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale qui autorise à travailler et qui peut être demandée de manière anticipée, c’est-à-dire avant les 18 ans du mineur254, s’ils déclarent vouloir exercer une autre activité professionnelle. Cette carte de séjour vaut autorisation de travail. Néanmoins, la demande anticipée n’est pas toujours dans l’intérêt

du mineur, notamment lorsque son état civil n’est pas encore consolidé (infra). Dans ce cas, la procédure de demande d’autorisation de travail, telle que détaillée ci-dessus, s’appliquera.

En revanche, s’agissant des jeunes majeurs souhaitant conclure un contrat d’apprentissage après leur 18ème anniversaire, une demande d’autorisation de travail doit être formulée par l’employeur sur la plateforme en ligne dédiée.

Depuis le décret du 31 mars 2021, les préfectures sont désormais en charge de l’examen des demandes d’autorisations de travail, plus spécifiquement les directions départementales « emploi, travail, solidarités (et de la protection des populations), les DREETS (PP). A cet égard, il ne peut qu’être conseillé aux départements de se rapprocher

des préfectures afin de convenir de modalités de fonctionnement facilitées et simplifiées pour que l’accès aux formations qualifiantes des mineurs non accompagnés devenus majeurs via l’apprentissage notamment, soient le plus clair possible.

2-3. L’ouverture d’un compte bancaire

Enfin, la Défenseure des droits a été alertée
à plusieurs reprises sur les difficultés récurrentes des mineurs non accompagnés pour ouvrir un compte bancaire, indispensable pour les apprentis qui sans cela ne peuvent toucher leurs salaires, mais aussi pour accéder à l’autonomie. Les établissements bancaires semblent multiplier les obstacles

à l’ouverture des comptes en demandant
que les mineurs présentent des documents d’identité particulièrement difficiles à produire, refusant les cartes d’identité consulaires ou
les récépissés, etc. Certains établissements exigent en outre la présence physique du tuteur, sans tenir compte de la situation particulière des mineurs confiés à l’ASE, lorsque le tuteur désigné est le président
du conseil départemental. Dans une telle configuration en effet, le Défenseur des
droits rappelle que le président du conseil départemental peut mandater, par délégation de signature, une personne de l’ASE à cette fin.

Il convient de rappeler que « Toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, a
droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix ou auprès des services » 
comme l’indique l’article L.312-1 du code monétaire et financier255. Le Défenseur des droits a eu l’occasion d’intervenir à plusieurs reprises auprès d’établissements bancaires afin de leur rappeler leurs obligations et de favoriser l’ouverture de comptes bancaires en faveur de mineurs non accompagnés.

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Rappelle que le droit à l’éducation et à l’instruction est un droit fondamental de l’enfant et de l’adulte ;
  • Recommande aux départements de mettre
    à profit le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnées pour entamer des démarches auprès des CIO ou des Centres d’information et d’orientation (CIO) ou des centres académiques pourla scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus
    de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) afin que les tests de niveau scolaire soient programmés, et les jeunes gens affectés dans un cursus de formation scolaire ou professionnelle le plus rapidement possible ;
  • Recommande au ministre de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre des Solidarités et de la Santé de favoriser la fluidité des procédures et des échanges entre les différents partenaires afin que le droit à l’éducation et à la formation des mineurs leur soit garanti ;
  • Recommande au ministre de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports d’augmenter substantiellement chaque fois que de besoin les offres de formation et les places en dispositifs adaptés de premier accueil des élèves allophones.

3. Le droit à la santé

L’article 24 §1 de la CIDE prévoit que « les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible
et de bénéficier de services médicaux et
de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services »
.

Il précise ensuite que « les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour… : b) Assurer
à tous les enfants l’assistance médicale et
les soins de santé nécessaires, l’accent étant mis sur le développement des soins de santé primaires »
.

Enfin, l’article 26 dispose que « Les Etats parties reconnaissent à tout enfant le droit de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, et prennent les mesures nécessaires pour assurer la pleine réalisation de ce droit en conformité avec leur législation nationale ».

L’arrêté du 28 juin 2019256 prévoit en son article 1 :

« Au titre de l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement, ainsi que de
la réalisation d’une première évaluation des besoins en santé des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, la participation forfaitaire de l’Etat s’établit à 500 € par personne évaluée, dès lors que le président du conseil départemental atteste que
sont remplies les conditions cumulatives suivantes:
– il n’a pas connaissance d’une évaluation sociale antérieure de la minorité et de l’isolement de la personne par un autre conseil départemental ;
– l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement de la personne a été réalisée conformément à l’article R. 221-11 du
code de l’action sociale et des familles
et à l’arrêté interministériel pris pour son application ;

80

– la personne a bénéficié d’une première évaluation de ses besoins en santé et, le cas échéant, d’une orientation en vue d’une prise en charge. Toutefois, si la personne s’est vue proposer une telle évaluation

ou une telle orientation, et l’a refusée, la condition est considérée comme remplie. »

Dans son avis du 7 novembre 2019, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préconise, conformément à l’instruction du 8 juin 2018257 relative à la mise en place du parcours

de santé des migrants primo-arrivants, l’organisation d’un « rendez-vous santé »
des jeunes exilés dès la phase d’accueil provisoire d’urgence, permettant d’identifier les personnes qui nécessitent une consultation médicale sans délai, et celles pour lesquelles un rendez-vous peut être organisé sans urgence.

Selon lui, il est souhaitable que ce rendez-vous santé se fasse en deux étapes :

« Un premier entretien avec un référent infirmier formé doit être organisé dans les 48 heures à partir de l’admission à la mise à l’abri » ;

« La seconde rencontre du bilan de santé devra, si possible, être conduite par la même personne, dans des conditions similaires à l’entretien initial, après un délai d’au moins 3 jours. Dans l’intervalle, l’enfant aura bénéficié d’un régime alimentaire équilibré en quantité et qualité (conformément aux recommandations du programme national nutritionnel santé dit PNNS), et d’un hébergement continu. »

Cette évaluation des besoins en santé doit être détachée du processus d’évaluation. Ainsi, « afin que soit assuré le respect du secret professionnel, l’entretien d’orientation ne devra pas être confondu avec la procédure administrative ou socio-éducative. Il en sera distingué matériellement grâce à des locaux, un personnel et une hiérarchie distincts ». Elle doit être suivie, selon le Haut conseil,

« d’un avis médical validant le bilan, après avoir pris connaissance des résultats des examens biologiques, et qui confirme ou modifie l’orientation décidée : suivi simple avec orientation vers un médecin traitant, suivi

spécialisé a priori hospitalier, demande d’avis psychiatrique, obstacle médical à la réalisation d’une évaluation socio-éducative au regard
de l’état de santé de l’enfant (potentiellement assorti d’un signalement au procureur, voire d’une hospitalisation) »
.

Ainsi seules les données de santé susceptibles de faire obstacle à la réalisation d’une évaluation socio-éducative doivent être communiquées au service évaluateur.

La réalisation des divers actes médicaux nécessaires, tels que les radiographies pulmonaires et les prises de sang peuvent cependant s’avérer très anxiogènes pour
les jeunes, s’ils ne sont pas suffisamment expliqués. L’accompagnement des mineurs par un éducateur lors de ces bilans médicaux peut alors apparaitre important. Le Défenseur des droits considère qu’il est impératif de renforcer les modalités d’information à destination

des adolescents sur les bilans de santé. A cet égard, il convient de noter que certaines associations ont édité des infographies à l’attention des mineurs non accompagnés, lesquelles pourraient être utilisées et distribuées aux jeunes gens258.

Les observations faites lors de l’entretien d’évaluation doivent aussi servir au repérage de signes de fragilités psychiques ainsi que de troubles physiologiques et au déclenchement sans délai d’un suivi adapté à la problématique du jeune.

De manière générale, tout au long de la
prise en charge du mineur, il convient d’être particulièrement attentif aux signes de mal être exprimés, afin d’ajuster le suivi au plus près des besoins de l’enfant. Au cours de
ses instructions, le Défenseur des droits a notamment constaté que certains mineurs manifestaient dans leur prise en charge
des périodes d’agressivité, de menaces et
de passages à l’acte violents. Des notes d’incidents témoignent de difficultés à gérer la frustration, de grande colère et d’une défiance évidente de l’adulte. Il est fait état en outre
de consommation inquiétante d’alcool, de stupéfiants et de situation de mise en danger.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Si les éducateurs victimes de violences ou de menaces ont toujours et légitimement la possibilité de déposer plainte, afin que la loi puisse être signifiée aux adolescents qui transgressent les règles, le Défenseur des droits tient à rappeler qu’il est en revanche hâtif et contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant de conclure qu’un comportement agressif et irrespectueux chez un mineur non accompagné ne permet pas « d’établir la minorité ni la vulnérabilité ». Ces manifestations doivent être mises en lien avec leur passé, leur parcours d’exil, et les conditions de leur arrivée en France. Ce travail d’élaboration socio-éducative est indispensable afin d’assurer une vigilance extrême sur ce que ces signes donnent à voir de l’adolescent et de ses troubles, pour l’amener si nécessaire, vers une prise en charge psychothérapeutique.

Un fascicule édité par l’association InfoMIE259 relatif au repérage des signes de souffrance chez les mineurs non accompagnés260, peut être utile aux équipes ASE ainsi qu’aux équipes éducatives qui accompagnent ces mineurs

au quotidien. De même, comme le rappelle fréquemment le Défenseur des droits, il est opportun que soient recrutés dans les services ASE ou les structures, des psychologues formés à la clinique du traumatisme de l’exil

et aux situations interculturelles et aux enjeux cliniques associés261.

Les addictions, qui ont une fonction sédative qui apaise momentanément les angoisses, doivent également faire l’objet d’une prise
en charge spécifique, comme pour tout adolescent accueilli en protection de l’enfance.

Enfin, la réalisation des bilans de santé, vaccinations et radiographies pulmonaires peut être interrompue du fait du départ
de la personne du dispositif de protection de l’enfance, si elle est évaluée majeure. C’est notamment la raison pour laquelle

le Défenseur des droits considère que l’inscription à la protection universelle maladie (PUMA) des mineurs non accompagnés devrait se faire dès le recueil provisoire d’urgence afin que les personnes se disant mineures puissent bénéficier de l’ouverture de leurs droits et, le cas échéant, continuer à

en bénéficier pendant un an après leur départ du dispositif en cas de reconnaissance de majorité, notamment le temps du recours devant le juge des enfants et la cour d’appel.

Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Rappelle aux départements que l’inscription à la protection universelle maladie (PUMA) des mineurs non accompagnés peut se faire dès le recueil provisoire d’urgence afin que les personnes se disant mineures puissent bénéficier de l’ouverture de leurs droits et,le cas échéant, continuer à en bénéficier pendant un an après leur départ du dispositif en cas de reconnaissance de majorité, notamment le temps du recours devant le juge des enfants et la cour d’appel ;
  • Recommande aux départements que soit assurée, au moment où la personne quitte le dispositif, une orientation vers le système de santé adulte, ainsi que la remise du dossier médical et d’un carnet de vaccination à la personne réorientée ;
  • Recommande aux départements de solliciter les agences régionales de santé et l’ensemble des partenaires de l’offre de soins pour mettre en œuvre l’organisation d’un bilan de santé conforme aux préconisations du Haut conseil de la santé publique pour tout jeune exilé en phase d’évaluation ;
  • Recommande aux départements de renforcer la formation des équipes en charge des évaluations et du suivi des mineurs non accompagnés, à l’appréhension des troubles psychiques et au repérage des symptômes de stress post-traumatique, et d’envisagerle recrutement de psychologues formés à l’interculturalité et au traitement précoce et spécifique des troubles et symptômes psycho-traumatiques.

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4. Le droit aux loisirs et à la culture

Selon l’article 31 de la CIDE « les Etats parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique ». Ainsi, les Etats parties doivent respecter et favoriser « le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encourager[nt] l’organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité ».

La Convention insiste sur l’importance de l’accès aux activités de loisirs dans des conditions d’égalité et de manière adaptée à l’âge de l’enfant.

Les jeux et les loisirs permettent aux enfants de s’amuser, de s’exprimer et de créer. Ils contribuent à leur développement et à leur épanouissement. Ils renforcent leur confiance en eux. En jouant, les enfants laissent libre cours à leur imagination et développent leur créativité. L’accès aux activités de loisirs

et à la culture permet d’apprendre à vivre
en société, à partager, à écouter les autres
et à être solidaire. Le sport rassemble et efface les différences. Comme le souligne l’UNICEF, « le sport, les loisirs et le jeu, comme l’école, permettent alors de soulager leurs souffrances. Ils redonnent aux enfants et aux jeunes de l’espoir et le sentiment d’un retour à une vie normale »262.

Les activités de loisirs, le sport et l’accès à la culture sont dès lors indispensables pour aider les mineurs non accompagnés non seulement à s’insérer dans leur société d’accueil mais aussi à retrouver leur place d’adolescent souvent perdue au cours de leur exil. Or, nombreux sont les jeunes pris en charge qui n’ont aucun accès aux activités culturelles, sorties récréatives, séjours de vacances

ou transferts. C’est le cas notamment des mineurs accueillis en hôtel.

En outre les taux d’encadrement des mineurs dans certains dispositifs dédiés, et les prix
de journée ne permettent pas l’accès des adolescents à ce type d’activités ni de les inscrire dans une dynamique propice à la découverte d’activités de culture et à la pratique du sport, qui pourtant favoriseraient la création d’un lien de confiance et d’une vraie relation éducative, ce qui est très regrettable263.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Rappelle que le droit aux loisirs et à la culture est consacré par le CIDE;
  • Recommande aux départements de garantir aux mineurs non accompagnés l’accès aux loisirs et à la culture en les inscrivant dans des activités extra-scolaires ou sportives chaque fois qu’ils en expriment l’envie ;
  • Recommande aux départements de multiplier en faveur des mineurs non accompagnés les sorties sportives, culturelles, les séjours de transferts ou séjours de vacances.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

A. L’accompagnement éducatif vers l’autonomie et les mesures d’aide aux jeunes majeurs

1. La protection jeune majeur

L’article L. 222-5-1 du CASF prévoit qu’un entretien est organisé par le président
du conseil départemental un an avant la majorité du jeune, pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie. Dans le cadre du projet pour l’enfant, un projet d’accès à l’autonomie est par ailleurs élaboré.

Selon le dernier alinéa de cet article, l’entretien peut être exceptionnellement renouvelé afin de tenir compte de l’évolution des besoins du jeune concerné.

Cet accompagnement vers l’autonomie est une obligation qui pèse sur le président du conseil départemental. Il doit permettre à l’adolescent qui approche de sa majorité d’envisager cette étape en ayant connaissance de l’ensemble des dispositifs pouvant répondre à ses besoins et lui permettant de se projeter dans un avenir plus serein. Le rôle de l’équipe éducative

est de préparer, avec le mineur, son projet professionnel et personnel lorsqu’il sera majeur.

A cet égard, la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016264 rappelle que « les mineurs isolés étrangers, comme tous les jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, doivent faire l’objet d’un accompagnement éducatif, social et sanitaire en amont

de leur sortie des dispositifs, en vue de l’élaboration d’un projet d’insertion sociale et professionnelle. La mobilisation des dispositifs et ressources du droit commun, articulée
aux dispositifs spécifiques mis en place par les départements comme les protections de jeunes majeurs, est favorisée par la conclusion de protocoles locaux. »

Or, la Défenseure des droits constate dans
les dossiers dont elle est saisie que les mineurs non accompagnés, dans certains départements, ne bénéficient pas durant
leur minorité d’un tel accompagnement. Il ressort notamment que la mobilisation des
« institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à
ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources » 
telle que prévue par l’article L 222-5-1 n’est pas effective265.

A ce titre, le Conseil d’Etat a précisé
que la carence du département dans l’accompagnement d’un jeune étranger isolé vers l’autonomie, en omettant de réaliser l’entretien prévu à l’article L. 222-5-1 portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale266.

Saisine

Le Défenseur des droits a été saisi de la situation d’un jeune majeur auquel a été signifié l’arrêt brutal de sa prise en charge par les services de l’ASE, alors même que le jeune homme était engagé dans des démarches d’accès à une formation professionnelle, démarches qu’il avait faites seul.

Des informations portées à la connaissance du Défenseur des droits, il ressortait que l’accompagnement par l’ASE se résumait alors à la perception, au service, de la somme de 94 euros par mois pour se nourrir et acheter ses produits d’hygiène (le transport et la cantine étant cependant, directement pris en charge par l’ASE). Or, le plan destiné à améliorer la prise en charge des mineurs isolés étrangers dans ce département, prévoyait bien la mise en place d’une équipe spécialisée chargée

de mettre en œuvre les orientations du département en matière d’attribution des contrats jeunes majeurs, au sein de l’ASE.

Partie V

La majorité

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Cette équipe aurait dû permettre notamment de favoriser le développement des réseaux avec les acteurs de l’insertion.

Selon ce plan, cette équipe spécialisée
devait « développer des compétences spécifiques » en particulier en ce qui concerne l’apprentissage du français, l’accès aux formations diplômantes reconnues par l’État et l’accompagnement des jeunes vers l’emploi. De manière générale, l’objectif en était que
les jeunes puissent « co-construire avec
les professionnels qui les accompagnent un projet professionnel garant du respect de leurs aspirations et de leur insertion professionnelle future ». Ce dispositif devait être complété
par la création d’une plateforme d’insertion sociale et professionnelle pour les jeunes de moins de 26 ans ayant bénéficié d’une prise en charge au titre de l’ASE et bénéficiant d’un titre de séjour. Il ressortait des éléments dont disposait le Défenseur des droits, qu’un tel accompagnement n’avait pas été proposé au jeune homme depuis le début de sa prise en charge par les services de l’ASE.

Compte-tenu de ces éléments, le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations devant le tribunal administratif saisi du refus d’accueil provisoire jeune majeur opposé au jeune par le département267. Suite au dépôt des observations le département est revenu sur sa décision initiale, en proposant un contrat jeune majeur au jeune quelques jours avant l’audience de référé devant le tribunal administratif.

S’agissant maintenant des jeunes majeurs, l’article L.112-3 du CASF prévoit que les interventions au titre de la protection de l’enfance « peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. »

Le CASF prévoit à cet égard plusieurs types
de prestations d’aide sociale à l’enfance susceptibles d’être fournies, sur décision du président du conseil départemental, aux jeunes majeurs afin de leur venir en aide.

Ainsi, l’article L.222-2 du CASF prévoit qu’une aide à domicile « peut être accordée aux

mineurs émancipés et aux jeunes âgés de moins de vingt et un an, confrontés à des difficultés sociales ».

L’article L.222-5 4° du CASF précise quant
à lui, en son alinéa 2, que « Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans
qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. »
. A ce titre, le majeur peut bénéficier d’un accueil provisoire, d’un soutien financier, d’un accompagnement éducatif, sanitaire et social. En outre, cet article précise au dernier alinéa que « Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1°

du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée ».

L’octroi de ces prestations, qui relève
d’une décision du président du conseil départemental en vertu de l’article L.222-1
du CASF, est généralement formalisé sous
la forme d’un « contrat » avec le jeune bénéficiaire qui a pour objectif de préciser l’aide proposée et les conditions dans lesquelles elle est accordée. Cette pratique conduit à l’utilisation, dans le langage courant, du terme « contrat jeune majeur ».

Les départements ne sont pas légalement tenus d’accorder un accompagnement à tous les jeunes de moins de 21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré qu’il résulte des dispositions du CASF, qu’alors même
que l’intéressé remplit les conditions d’âge
et de situation sociale susmentionnées, « le président du conseil général n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir le bénéfice de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation ; qu’il peut fonder sa décision, sous le contrôle du juge administratif, sur d’autres critères que ceux indiqués dans les dispositions précitées ».268

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Saisi fréquemment, et de manière récurrente s’agissant de quelques départements, la Défenseure des droits constate et déplore de nombreuses difficultés relatives aux mesures d’aide aux jeunes majeurs qui nourrissent un contentieux administratif important.

Ainsi, alors que l’article R 223-2 du CASF indique que : « Les décisions d’attribution, de refus d’attribution, de modification de la nature ou des modalités d’attribution d’une prestation doivent être motivées. Leur notification doit mentionner les délais et modalités de mise en œuvre des voies de recours ». La Défenseure des droits constate régulièrement l’absence
de notification de refus, ou des décisions non motivées ni par des considérations de droit ni par des considérations de fait. Parfois même les départements ne procèdent à aucune information relative à la possibilité offerte
aux jeunes gens de demander à bénéficier
de mesure d’accueil provisoire jeune majeur (APJM), évitant ainsi d’avoir à traiter des demandes.

Ainsi un service ASE affirmait aux mineurs avant leur majorité qu’ils ne bénéficieraient pas de contrat jeune majeur, de sorte que les jeunes gens ne formulaient pas de demande écrite, ignorant ainsi leur droit de contester le refus qui aurait pu leur être éventuellement opposé. Le Défenseur des droits a analysé cette pratique, qui selon le département viserait à éviter que les mineurs ne se fassent des illusions quant à leur prise en charge à la majorité, comme manifestement attentatoire à leurs droits, puisqu’elle les prive de tout recours devant le tribunal administratif269.

La cour administrative d’appel de Paris a considéré que la motivation obligatoire des refus d’attribution de prestation implique une motivation en droit et en fait portée à la connaissance de son destinataire270.

Par ailleurs, en 2017, le Défenseur des droits a eu connaissance d’une note d’un département adressée à l’ensemble des directeurs d’établissements et de services sociaux locaux, relative à la « saturation dispositif d’accueil — mesures spécifiques MNA » qui indique :

« …le Président du Conseil départemental (…) a demandé à ce que des mesures exceptionnelles soient mises en œuvre

notamment pour les majeurs accueillis : Faire sortir des dispositifs ASE les jeunes majeurs non accompagnés pour les orienter vers les structures d’hébergement d’urgence de l’Etat.

Suspendre les nouveaux CJM pour les MNA qui auront 18 ans en 2017.
[…] »
Pour garantir la mise en œuvre effective des orientations fixées par l’exécutif départemental, je demande à ce que les services d’aide sociale à l’enfance, en

lien avec les inspecteurs, fassent aboutir
le travail engagé sur la sortie des MNA majeurs du dispositif (…) (fin de CJM,
pas de nouvelle contractualisation). Les propositions de CJM ou de renouvellement sont désormais une exceptio
n à ce principe de réalité, et feront l’objet d’un examen d’opportunité au sein d’une commission d’instruction bientôt opérationnelle… ».

Ainsi cette note prévoyait que les demandes de contrat jeune majeur présentées par des mineurs non accompagnés à l’approche
de leur majorité, ne feraient pas l’objet d’un examen individualisé de la situation du mineur mais bien celle d’un examen d’opportunité, tenant compte de considérations d’ordre financier, visant à faire sortir les jeunes majeurs isolés étrangers du dispositif de l’aide sociale à l’enfance, sans considération de la situation individuelle de ces jeunes gens.

Saisine

Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à la situation d’un jeune majeur soudanais, dans le cadre de ses difficultés à obtenir un APJM.

Le jeune Y. a été pris en charge par l’ASE de A. du 4 décembre 2015 au 16 avril 2018, date de sa majorité. Il était à la date de fin de sa majorité, en classe de première année de certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) « ouvrages électriques ».

Durant sa minorité, il avait formulé la demande de pouvoir bénéficier d’un accompagnement jeune majeur, afin de poursuivre sa formation, d’être accompagné par un éducateur pour parfaire son autonomie et d’être épaulé

dans ses démarches d’insertion sociale et professionnelle.

86

Par courrier du 29 mars 2018, le président du conseil départemental lui a signifié un refus d’octroi de contrat jeune majeur. Le jeune s’est retrouvé à la rue, sans ressources ni hébergement. Le 12 avril 2018, Y., par l’intermédiaire de son avocate, a déposé un recours pour excès de pouvoir ainsi qu’un recours en référé-suspension contre la décision de refus d’octroi du contrat jeune majeur, opposé par le conseil départemental.

C’est dans ce cadre que le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations devant le juge des référés du tribunal administratif.

Le Défenseur des droits a évoqué dans
ses observations, un doute sérieux quant
à la légalité de la décision de refus du Département, qui n’est ni motivée en fait, ni motivée en droit, et qui de surcroit mettait fin à l’accueil du jeune au milieu de l’année scolaire, ce qui était contraire aux dispositions de l’article L 222-5 du CASF.

Enfin, le Défenseur des droits a considéré que les éléments concernant la situation actuelle du jeune majeur, à la rue, sans soutien familial ni ressource, sont de nature à caractériser une situation d’urgence.

Le conseil départemental a décidé d’octroyer, deux jours avant l’audience, une prise en charge jeune majeur au requérant, jusqu’à la fin de l’année scolaire271.

Au-delà de l’inquiétude que peuvent susciter de telles orientations, le Défenseur des droits a eu l’occasion de se positionner sur la discrimination indirecte dont peuvent être ainsi victimes

les mineurs non accompagnés lorsqu’ils demandent à bénéficier de mesures d’APJM.

Saisine

Le Défenseur des droits a été saisi de
la situation des jeunes majeurs dans
un département suite à l’adoption d’une délibération qui, en modifiant le règlement départemental d’aide sociale, a limité l’accès aux prestations prévues par le CASF en faveur des jeunes majeurs à ceux pris en charge par l’ASE avant leurs seize ans.

Le Défenseur des droits a rappelé au conseil

départemental que le pouvoir d’appréciation dont il dispose dans l’octroi d’une prestation d’aide sociale à l’enfance à un jeune majeur ne s’exerce, sous le contrôle du juge administratif, que dans le cadre de l’examen concret d’une demande individuelle de prise en charge qui lui est présentée.

Il a dès lors conclu que la limitation des possibilités d’octroi des prestations d’aide sociale à l’enfance prévues en faveur des jeunes majeurs à ceux pris en charge par l’ASE avant leurs seize ans constitue une discrimination indirecte fondée sur les critères de l’origine et de la non-appartenance à la nation française.

Il a par ailleurs rappelé au conseil départemental d’accorder une attention particulière aux demandes de prestations d’aide sociale à l’enfance déposées par des jeunes majeurs pris en charge par l’ASE après leurs seize ans, la brève durée de leur prise en charge pouvant constituer un élément

de vulnérabilité accrue et une difficulté supplémentaire d’insertion272.

De plus en plus souvent, il est constaté
des mesures d’APJM très courtes, non renouvelées, ce qui place les jeunes gens en grande difficulté concernant la poursuite de leur parcours d’insertion.

S’il faut saluer l’alinéa 5 de l’article L.222-5
4°, introduit par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, qui prévoit qu’« Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au
1° du présent article devenus majeurs et
aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure,
pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. »
, cette disposition s’avère nettement insuffisante. Il est de surcroit, très regrettable que certains départements persistent à ne pas appliquer la loi, ou de manière minimaliste en proposant des prises en charge très courtes à l’hôtel
et sans accompagnement socio-éducatif, uniquement lorsqu’ils y sont contraints par le juge administratif.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

A ce titre, la Défenseure des droits a pu émettre dans son avis sur le projet de loi relatif à la protection des enfants273, ses réserves quant à la disposition du projet (alors article 3 bis D) qui, selon elle, ne garantit aucunement un accompagnement aux jeunes majeurs. Elle a souligné que ces nouvelles dispositions ne rendent pas obligatoire

pour les départements la prolongation des mesures de protection des enfants placés durant leur minorité, jusqu’à leurs 21 ans. La Défenseure des droits considère que selon le projet de loi, la décision de prise en charge relèvera toujours du pouvoir d’appréciation du président du conseil départemental quant à l’existence des « difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants ». En outre l’article précise que cette prise en charge s’effectue « à titre temporaire ».

De plus, cette modification du texte marque
un recul par rapport au droit actuel puisqu’elle exclut des mesures d’accompagnement jeunes majeurs, tous les jeunes adultes de 18 à 21 ans qui n’auraient pas été pris en charge, du temps de leur minorité, par l’ASE. Or, la Défenseure des droits est fréquemment sollicitée dans des situations de mineurs qui, du fait des multiples obstacles à leur prise en charge durant leur minorité, ne parviennent que très tardivement à faire reconnaitre leur âge et leur identité avant leurs 18 ans, mais peuvent prétendre à un accompagnement en qualité des jeunes majeurs.

En outre, les jeunes pris en charge par les services de la PJJ dans le cadre de mesures pénales qui se trouvent dans une situation difficile à 18 ans, sans bénéficier d’un accompagnement à la majorité, peuvent aujourd’hui se tourner vers les services du département pour être accompagnés vers l’autonomie.

Ainsi, la Défenseure des droits a déploré cette modification de texte insérant une nouvelle condition à l’accompagnement des jeunes majeurs qui conduira, en pratique, non pas

à protéger davantage les jeunes majeurs vulnérables, mais à exclure certains d’entre eux.

2. La garantie jeunes

L’article L. 5131-3 du code du travail, prévoit que « Tout jeune de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confronté à un risque d’exclusion professionnelle a droit à un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, organisé par l’Etat ».

L’article L.5131-6 du code du travail indique que « la garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier

de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu’ils s’engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ». La garantie jeune « comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu’une allocation dégressive en fonction de ses ressources d’activité, dont le montant est défini par décret. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat ».

Selon le Défenseur des droits, ce dispositif n’apparait pas être dans l’intérêt du mineur confié à l’ASE, au regard des conditions de son accès au séjour à 18 ans qui nécessitent de justifier du suivi réel et sérieux d’une formation dans le cadre du droit commun274. En outre,

la garantie jeunes ne saurait en aucun cas remplacer une prise en charge à l’ASE pour un jeune majeur vulnérable de moins de 21 ans prévue à l’article L 222-5 du CASF.

Cela avait été rappelé par la Défenseure des droits dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants
qui ajoutait un alinéa à l’article L. 222-5-

1 prévoyant que « la garantie jeunes est systématiquement proposée aux jeunes majeurs mentionnés au 5° de l’article L. 222-5 confiés à l’aide sociale à l’enfance qui ont besoin d’un accompagnement, ne poursuivent pas leurs études et remplissent les conditions d’accès définies à l’article L. 5131-6 du code du travail. ».

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Recommandations

La Défenseure des droits :

  • Rappelle aux départements que le projet d’accès à l’autonomie est une composante obligatoire du projet pour l’enfant ;
  • Recommande aux départements de prévoir,
    au cours de l’entretien obligatoire devant être prévu avant la majorité des jeunes pris en charge, l’information du mineur sur son droit de demander à bénéficier d’un accompagnement jeune majeur et d’associer, lors de cet entretien, les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources ;
  • Rappelle qu’à cette demande, qui doit être formalisée par écrit, doit être apportée une réponse sous la forme d’une décision écrite
    du département, notifiée à la personne individuellement motivée, dans laquelle figure les voies de recours ouvertes au jeune majeur ;
  • La Défenseure des droits recommande au ministre de la santé et des solidarités de modifier la loi pour prévoir une obligation de prise en charge des jeunes majeurs par les départements jusqu’à la fin de leur cursus de formation scolaire ou professionnelle, et non plus jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours ;
  • Recommande aux départements et
    aux représentants de l’Etat dans les départements, d’initier toutes démarches utiles en vue de l’élaboration de protocoles locaux, avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.

En outre, la garantie jeune est ouverte aux jeunes de seize à vingt-cinq ans « qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi ». Or, la plupart des mineurs non accompagnés sortant de l’ASE sont en cours de formation (lycée professionnel, apprentissages, formations qualifiantes, étudiants…). Ces jeunes adultes n’ont pas seulement besoin d’un accompagnement intensif vers l’emploi et d’une allocation (dégressive qui plus est,
et d’un montant équivalent à celui d’un
RSA) mais d’un accompagnement réel,
social et éducatif, vers l’autonomie. Cet accompagnement doit notamment permettre d’apprendre au jeune à gérer seul sa vie et

à faire des démarches auprès des divers organismes sociaux, professionnels, sanitaires, etc. En conséquence, si les jeunes majeurs peuvent en effet prétendre à la garantie jeune, cette possibilité s’avère largement insuffisante pour accompagner les jeunes étrangers isolés dans leur accès à l’autonomie.

Ces mesures s’avèrent d’autant plus insuffisantes que les jeunes majeurs étrangers se trouvent à 18 ans, face à l’épineuse question de l’admission au séjour.

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

B. L’admission au séjour

L’accès à un titre de séjour à 18 ans demeure une préoccupation constante pour les jeunes étrangers comme pour les équipes éducatives les accompagnant dans leurs projets d’insertion.

En dehors des mineurs pouvant souscrire une déclaration de nationalité française (supra), les mineurs peuvent être admis au séjour à 18 ans à plusieurs titres.

L’article L. 423-22 du CESEDA275 prévoit que
« Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s’il entre dans les prévisions de l’article L. 421-35, l’étranger qui a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1276.

Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. »

Selon l’article L. 435-3 du CESEDA277« à titre exceptionnel, l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention  » salarié  » ou  » travailleur temporaire « , sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable ».

Dans la circulaire du 28 novembre 2012278, le ministre de l’Intérieur a rappelé aux préfets qu’ils disposaient d’une base légale de régularisation des jeunes majeurs isolés pris en charge par l’ASE entre l’âge de 16 et

18 ans. A cet égard, il leur a demandé de « faire un usage bienveillant de ces dispositions » lorsque le mineur satisfait à l’ensemble des conditions posées par la loi et « que la qualité de son parcours de formation est de nature

à lui permettre une insertion durable dans la société française ».

Un titre de séjour portant la mention étudiant peut aussi être délivré aux mineurs devenus majeurs dans certaines circonstances, selon l’article L. 422-1 du CESEDA.

Par ailleurs, il convient de mentionner l’article L. 423-23 qui prévoit que l’étranger « qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » d’une durée d’un an ».

Enfin, l’article L. 435-1 prévoit que « l’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie
au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention  » salarié « ,

 » travailleur temporaire  » ou  » vie privée et familiale  » ».

Depuis plusieurs années, le Défenseur des droits préconise la simplification et l’octroi de plein droit, d’un titre de séjour vie privée et familiale pour les mineurs non accompagnés pris en charge par les services de l’ASE quel que soit leur âge (avant ou après 16 ans).

Or, il constate de plus en plus de saisines de mineurs devenus majeurs, qui au terme de plusieurs années de prise en charge ASE et de formation se voient délivrer des obligations de quitter le territoire, ruinant ainsi les efforts d’intégration tant des jeunes eux-mêmes que des travailleurs sociaux qui les accompagnent.

A noter

Le 21 septembre 2020, le ministre de l’Intérieur a adressé, à l’ensemble des préfets de départements et au préfet de police de Paris une Instruction relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’ASE (NOR: INTV2012657J)

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Cette instruction a pour objet de généraliser l’examen anticipé du droit au séjour des mineurs non accompagnés confiés à l’ASE,
de manière à éviter des ruptures de droits à leur majorité alors qu’ils sont engagés dans un parcours professionnalisant.

Cette circulaire met aussi l’accent sur le contrôle documentaire devant être opéré par les préfectures et les risques de fraudes279. S’agissant des vérifications des antécédents, la circulaire rappelle opportunément que s’agissant de l’interrogation de « Visabio à partir des empreintes digitales du mineur
en vue de vérifier s’il est déjà connu de ce traitement au titre d’une demande de visa »,
« le constat de son enregistrement dans ce fichier ne peut suffire, à lui seul, à conclure à la majorité du jeune »
.

Il convient de noter par ailleurs que la demande d’admission au séjour peut être présentée par les mineurs devenus majeurs durant toute l’année de leurs 18 ans, ce qui peut s’avérer nécessaire, notamment pour
les jeunes pris en charge tardivement par
les services ASE qui n’auraient pas, au jour
de leurs 18 ans, les 6 mois de formation demandés, ou qui durant les premiers mois de leur majorité sont en cours d’intégration dans des formations qualifiantes. Ainsi, si la circulaire préconise un examen anticipé des situations des jeunes en deux temps (au jour du dépôt pour les vérifications documentaires puis 6 mois plus tard pour les conditions à remplir pour obtenir un titre), il convient de s’assurer que le dépôt de la demande de titre de séjour anticipé est dans l’intérêt du jeune et qu’il ne sera pas voué à l’échec, notamment si le mineur n’a pas ses 6 mois de formation qualifiante dans le cadre de l’article L. 435-3 du CESEDA.

Enfin, la circulaire évoque les jeunes accompagnés par les services de la PJJ dont le régime s’aligne sur ceux pris en charge par l’ASE, puisque s’agissant de l’appréciation globale sur la situation de l’intéressé, la circulaire indique « A cet égard, pour les mineurs ayant fait l’objet d’une prise en charge éducative par la protection judiciaire de la jeunesse, vous tiendrez compte de l’avis de cette dernière ».

S’agissant de l’admission au séjour des mineurs non accompagnés pris en charge par l’ASE et devenus majeurs, les départements ont été encouragés à conclure des protocoles précisant les procédures et les interlocuteurs privilégiés pour le suivi des dossiers concernant la situation administrative des mineurs et des jeunes majeurs au sein de chacune des administrations concernées.

Les mineurs non accompagnés peuvent toutefois se trouver confrontés, dans leurs démarches de régularisation de leur situation administrative, à certains freins, dont ceux liés à la dématérialisation des demandes de titre de séjour sur laquelle la Défenseure des droits reviendra prochainement dans un nouveau rapport280.

1. La justification de l’identité du demandeur

Alors que la plupart des mineurs non accompagnés ont été pris en charge avant leur majorité à la suite d’une évaluation et confiés au département par une décision judiciaire, nombreux sont ceux qui se trouvent à nouveau confrontés à des difficultés relatives à leur état civil au moment des demandes d’admission au séjour. Leurs actes et leurs documents
sont fréquemment soumis, parfois pour la deuxième fois, à des analyses documentaires.

En effet, lorsqu’elle examine la demande de titre de séjour d’un étranger, l’autorité administrative doit s’assurer que l’intéressé justifie de son identité, afin de vérifier que la personne présente lors du dépôt de la demande est bien celle qui sollicite un titre de séjour et partant, se prévaut d’un droit au séjour.

Toutefois, cette exigence ne saurait être interprétée par les préfectures comme privant l’étranger d’un droit au séjour et encore moins de l’examen circonstancié de sa situation
au seul motif que l’un des actes d’état civil présenté serait présumé inauthentique.

Conformément à l’article R.431-10 du CESEDA281 « L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande :

1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (…) ».

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Interrogé à l’occasion d’une saisine, le ministère de l’Intérieur a précisé au Défenseur des droits, par courrier du 11 décembre 2019, que « Le nouvel article R.311-2-2 du CESEDA282 vise à garantir que l’état civil et la nationalité des étrangers demandant des titres de séjour et résidant en France soient établis de manière rigoureuse, sur la base de documents fiables. Il s’agit là d’un objectif d’intérêt général, la Cour de cassation rappelant que « la constatation régulière de l’état civil des personnes est une base essentielle de l’ordre social » s’agissant tant des nationaux que des étrangers (…) Dans le cas précis des accompagnants de mineurs malades, l’exigence d’un acte de naissance
du ou des parents demandeurs ainsi que celui de l’enfant permet d’établir la filiation entre eux, condition indispensable à la justification du droit au séjour et ultérieurement, au consentement aux soins, au titre desquels est sollicité le titre de séjour »
.

S’agissant des mineurs non accompagnés, les documents qu’ils présentent à cette occasion ont bien souvent déjà été présentés et examinés par l’autorité judiciaire qui a prononcé, sur cette base, le placement du jeune à l’ASE. La possible remise en cause de ces documents par le préfet, fragilise les parcours des jeunes confiés et porte atteinte au principe de sécurité juridique.

Ainsi, dans le silence des textes réglementaires du CESEDA sur la nature des justificatifs à produire dans le cadre des demandes de titres de séjour, les préfectures doivent permettre aux demandeurs de prouver leur état civil par tout moyen, en prenant en compte l’état civil retenu par le juge judiciaire, et le cas échéant, lorsque l’ASE a reconstitué l’état civil du mineur, des documents complémentaires alors reconstitués. Telle est la position, résultant d’une jurisprudence administrative constante et du ministère de l’Intérieur dans le courrier susmentionné adressé au Défenseur des droits283.

En outre, une lecture conforme de l’article R. 431-10 du CESEDA ne fait pas apparaître qu’en présence d’un document d’état civil ou de nationalité inauthentique, la demande de titre de séjour doit être nécessairement rejetée au motif qu’elle est frauduleuse.

Aux termes de l’article L.111-6 du CESEDA :

« La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil (…) ».

Comme évoqué supra dans ce rapport,
l’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par
une autorité étrangère dans les formes
usitées dans ce pays. Il incombe donc
à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il appartient en effet à l’autorité préfectorale de caractériser la fraude, laquelle ne saurait systématiquement se déduire d’un doute sur l’authenticité d’un acte ou d’un simple avis défavorable de la PAF.

Récemment, le Conseil d’Etat a ainsi été appelé à se prononcer sur la portée d’une note d’actualité284 émise par la division de l’expertise de la fraude documentaire et de l’identité de
la direction centrale de la PAF, préconisant
de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen. La
haute juridiction précise que cette note ne saurait dispenser les autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y
sont tenues, à un examen au cas par cas des demandes, au regard des différentes pièces produites à leur soutien285.

Un examen individuel et global du dossier doit ainsi être effectué par l’autorité préfectorale dans le cadre de la vérification de l’état civil et de la nationalité de l’intéressé. En cas

de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier286.

Ainsi, il a été jugé que le préfet ne peut
pas rejeter une demande de titre au motif que l’acte de naissance produit serait apocryphe sans prendre en considération
un acte de naissance établi postérieurement par les autorités consulaires, dans les formes prescrites, qui se substituait à
l’acte irrégulier287. Plus récemment, la cour administrative d’appel de Nantes a considéré qu’un nouveau jugement supplétif et la copie intégrale d’acte de naissance légalisés, dont

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les mentions d’état civil concordent avec celles figurant sur les documents fournis à l’appui d’une demande de titre de séjour, produits pour la première fois en appel et dont le préfet ne conteste pas l’authenticité, doivent être regardés comme établissant avec une force probante suffisante l’état civil de l’intéressé288.

Le Défenseur des droits a eu l’occasion de rappeler ces éléments à plusieurs reprises devant les juridictions administratives saisies de ce contentieux.289

2. La question de la fraude

Il arrive que pour refuser l’admission au séjour, certaines préfectures invoquent la fraude des jeunes majeurs faisant obstacle à la délivrance du titre de séjour sollicité.

S’il n’appartient pas au Défenseur des droits de se prononcer sur le caractère authentique ou non d’un acte d’état civil étranger, il a pu en revanche constater que l’intention frauduleuse ne ressortait pas toujours des éléments qui figurait dans ses saisines.

En effet, aux termes de l’article 441-1 du code pénal, le délit de faux et d’usage de faux est caractérisé par :

« Toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice
et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ».

En outre, l’article 441-6 du code pénal sanctionne :

« Le fait de fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir, de faire obtenir ou de tenter de faire obtenir d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ».

Il résulte de ces dispositions que pour être qualifié de manœuvre frauduleuse, l’acte doit emporter des conséquences juridiques ou, à tout le moins, poursuivre l’objectif de produire

un effet juridique qui n’aurait pas existé sans cela.

Parallèlement au dispositif pénal, le code des relations entre le public et l’administration (CRPA)290, sous réserve de la bonne foi de l’administré, prévoit un droit à la régularisation en cas d’erreur. Ainsi l’article L.123-1 de ce code dispose que :

« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout

ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci
lui a indiqué. La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. »

Est alors considérée de mauvaise foi par l’article L.123-2 du CRPA :

« Toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation. En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l’administration. »

Or, le plus souvent les jeunes majeurs ont été évalués mineurs au moment de leur arrivée en France par les services de l’ASE puis par les autorités judiciaires, et toujours considérés comme mineurs par l’administration et les différentes autorités judicaires qui ont eu

à les connaitre durant leurs parcours, avec les documents d’état civil et de nationalité produits dans ce cadre et dans celui d’une demande de titre de séjour.

Dans l’hypothèse où comme le prévoit
l’article L.123-1 du CRPA, les jeunes gens produiraient un premier document apocryphe, les démarches postérieures relatives à la consolidation de leur état civil permettent
le plus souvent de régulariser leur situation, notamment en obtenant des attestations d’authenticité de la part de leurs autorités consulaires.

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Par conséquent, ils ne peuvent bien souvent, de l’avis du Défenseur des droits, faire l’objet d’une sanction administrative de la part de l’administration, sauf à démontrer par cette dernière l’existence d’une fraude ou de la mauvaise foi.

Dans tous les cas, la volonté frauduleuse
ne saurait être déduite automatiquement
du simple avis défavorable émis par la PAF, comme semblent pourtant l’analyser certaines préfectures.

Par ailleurs, en vertu de la supériorité de la loi sur le règlement, les conditions procédurales fixées dans la partie réglementaire du CESEDA – au titre desquelles figure la condition de justifier de son état civil – ne sauraient primer sur les conditions de fond du droit au séjour fixées dans la partie législative du même code.

3. Les liens avec la famille restée au pays d’origine

La question des liens gardés avec le pays d’origine des jeunes demandeurs peut être l’un des motifs de refus de séjour opposés aux jeunes exilés par les services des préfectures. Les articles L. 423-22 et 435-3 du CESEDA prévoient en effet que ces titres de séjour sont délivrés « sous réserve (…), de la nature de
ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine (…) »
.

Les lignes directrices contenues dans la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016291 précisent que « conformément à la circulaire
du 28 novembre 2012, il ne sera pas opposé systématiquement le critère tiré de la nature des liens avec le pays d’origine dès lors que ceux-ci semblent ténus ou profondément dégradés »
.

Dans un arrêt de principe, le Conseil d’Etat est venu éclaircir ce point et a considéré qu’en faisant « du critère de l’isolement familial
un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15
292, alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays

d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française », la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit293. Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que les dispositions de cet article n’exigeaient pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine.

Or, malgré cette jurisprudence établie s’agissant de la notion de liens avec le pays d’origine, appliquée également dans le cadre de l’examen d’une demande de carte de séjour mention vie privée et familiale294, la Défenseure des droits constate toujours que certaines préfectures utilisent les contacts entre les adolescents et leur pays d’origine, ou la présence de membres de leur famille pour refuser la délivrance des titres de séjour.

La cour administrative d’appel de Nancy a jugé, quant à elle, que la seule circonstance qu’un jeune majeur ait été dans l’impossibilité de produire les actes de décès de ses parents alors qu’il avait pu obtenir les actes d’état civil le concernant ne pouvait démontrer qu’il avait gardé des liens avec sa famille restée dans son pays d’origine, en précisant que de tels liens ne pouvaient, à eux seuls, justifier le refus de titre de séjour sur le fondement de l’art. L. 313-15 CESEDA, « la nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine ne constituant qu’un élément d’appréciation de la situation de l’intéressé »295.

Dans une décision, le tribunal administratif de Lille a considéré qu’il ne pouvait être déduit du seul fait, pour le requérant, de ne pas contester être encore en contact avec sa sœur restée dans son pays, qu’il entretiendrait avec cette dernière ou avec tout autre membre de sa famille résidant dans son pays d’origine, des contacts soutenus296.

Le tribunal administratif de Lyon a considéré quant à lui que « Si l’intéressé a conservé des liens familiaux dans son pays d’origine, rien
au dossier ne permet de dire que, depuis son arrivée en France, il aurait continué à entretenir des contacts réguliers avec ses plus proches parents. Dans ces circonstances et alors que,

à la date de l’arrêté contesté, l’intéressé avait entamé son cycle de formation depuis plusieurs mois, le refus de séjour contesté procède d’une erreur d’appréciation »297.

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Ainsi, c’est bien la nature des liens avec les membres de la famille restés dans le pays d’origine, et non l’existence de liens dans ce pays, que le préfet doit examiner dans le cadre d’une demande de titre de séjour.

De manière générale, la Défenseure des droits estime qu’il est regrettable que la délivrance des titres de séjour de jeunes exilés arrivés mineurs en France et pris en charge au titre de la protection de l’enfance soit conditionnée à la considération de liens avec la famille restée dans le pays d’origine. Il convient en effet de rappeler que les services en charge de l’accompagnement de ces jeunes tentent de reprendre des liens ou maintiennent le contact avec les familles dans l’intérêt des jeunes accueillis, pour les aider dans leurs démarches, mais aussi pour ne pas aggraver leur solitude et les traumatismes de l’exil. Il

est un fait qu’en protection de l’enfance, il est nécessaire de travailler avec la famille du mineur confié ; or s’agissant des mineurs non accompagnés cette modalité de travail peut être de manière paradoxale reprochée au jeune majeur de 18 ans, alors même que son insertion dans la société française est manifeste.

4. La formation professionnelle, l’insertion du jeune majeur dans la société française et l’article 8 de la ConvEDH298

La loi soumet l’admission au séjour du jeune à « l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française ».

Il convient à ce titre de préciser que la loi fait référence à un simple avis de la structure d’accueil sur l’insertion du jeune étranger dans la société française et non un rapport socio- éducatif complet, encore moins la copie du rapport d’évaluation de minorité et d’isolement initial, pièces parfois réclamées, à tort, par les autorités préfectorales.

La circulaire du 25 janvier 2016 indique par ailleurs que la formation professionnelle du mineur isolé est l’un des gages d’insertion sur le territoire français. Cette formation professionnelle peut revêtir plusieurs formes, du stage en entreprise à l’inscription dans une formation professionnelle qualifiante. Toutefois, elle n’est pas l’unique gage d’une

bonne insertion, le jeune majeur ayant pu développer de multiples activités durant sa prise en charge (associatives, sportives etc.) pouvant attester de celle-ci.

Le juge administratif opère son contrôle de proportionnalité pour s’assurer de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation299.

Ainsi, la cour administrative d’appel de Paris
a considéré que la seule circonstance qu’un jeune majeur ne réside sur le territoire que depuis très peu de temps – en l’espèce moins de trois ans – ne saurait justifier un refus de séjour sur le fondement de l’article L.313-11
7° (devenu L.423-23) dès lors que, depuis sa prise en charge par les services sociaux, il a démontré une réelle volonté d’intégration en menant à bien, notamment, des études et une formation professionnelle.

Par ailleurs, une décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne saurait méconnaitre les dispositions de l’article 8 de la ConvEDH. Ainsi, la cour administrative d’appel de Bordeaux – devant laquelle le Défenseur des droits avait présenté des observations – au terme d’un contrôle de proportionnalité, a enjoint à la préfecture de délivrer un titre de séjour à un jeune majeur300.

L’autorité administrative apprécie la stabilité et l’intensité des liens développés sur le territoire français en tenant compte, au cas par cas,
de la situation personnelle et familiale des intéressés. C’est ainsi que lorsqu’il a été établi que le jeune n’avait plus de contact avec les membres de sa famille et qu’il prouvait avoir accompli des efforts d’insertion, notamment au regard de ses résultats scolaires ainsi que des notes sociales du service de l’ASE, la décision du préfet devait être regardée comme entachée d’une erreur de droit301.

L’intégration s’apprécie tant au regard de
son apprentissage de la langue française, de la réussite des études entreprises que des contacts sociaux qu’il a noués au cours de ses années de présence sur le territoire302.

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Recommandations

La Défenseure des droits ;

• Recommande au ministre de l’Intérieur la modification du CESEDA afin de reconnaitre l’admission au séjour de plein droit des mineurs non accompagnés à leur majorité quel que soit l’âge auquel ils ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et quels que soient leurs liens avec leur famille dans leur pays d’origine.

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Conclusion : Recommandations
du Défenseur des droits

I. Mieux garantir les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés lors de l’entrée sur le territoire

Garantir les droits en zone d’attente

Faisant le constat d’atteintes réitérées aux droits et à l’intérêt supérieur des mineurs non accompagnés en zone d’attente, la Défenseure des droits :

  • Réitère son opposition de principe à l’enfermement des enfants du seul fait de leur statut d’enfant migrants ;
  • Recommande au ministre de l’Intérieur d’initier une modification du CESEDA aux fins de prévoir la présence systématique d’un avocat pour le mineur non accompagné dès son placement en zone d’attente, afin que la parole de l’enfant puisse être mieux prise en compte, et ses intérêts défendus ;
  • Recommande au ministre de l’Intérieur, au garde des Sceaux, ministre de la Justice, et au président de l’Assemblée des départements de France que la situation personnelle des mineurs non accompagnés présents en zone d’attente fassent systématiquement l’objet d’une évaluation au regard des éléments de danger au sens de l’article 375 du code civil, tant par le parquet des mineurs que par le juge des enfants lorsqu’il est saisi, pour que toute mesure utile de protection puisse être prise ;
  • Rappelle aux administrateurs ad hoc, leur possibilité de signaler la situation des mineurs non accompagnés maintenus en zone d’attente, au parquet ou de saisir le juge des enfants en vue d’obtenir une mesure de protection dès qu’ils ont connaissance d’un risque pour l’enfant ;

• Réitère auprès du ministre de l’Intérieur ses recommandations tendant à ce que soit modifiée la définition de la « demande d’asile manifestement infondée » permettant de refuser l’admission d’un étranger, a fortiori celle d’un mineur non accompagné sur le territoire français en reprenant la définition proposée par le Haut-commissariat aux réfugiés, selon laquelle est manifestement infondée « la demande qui ne se rattache pas aux critères pour la reconnaissance d’une protection internationale ».

Garantir les droits aux frontières terrestres

Ayant constaté des pratiques contraires à
la Convention internationale des droits de l’enfant, qui ne respectent pas les garanties procédurales prévues par le droit européen et le droit français, la Défenseure des droits :

• Considère que toute personne se déclarant mineure non accompagnée interceptée à
un point de passage autorisé, à la frontière franco-italienne, ou interpellée sur un territoire français à proximité de la frontière espagnole, doit être immédiatement signalée aux services de l’aide sociale à l’enfance compétents, mise à l’abri dans des conditions appropriées à son statut de mineure présumée et évaluée conformément aux textes en vigueur.

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II. Mieux préserver le droit fondamental de l’asile des mineurs non accompagnés

Garantir l’accès à la procédure de demande d’asile sur le territoire

Au vu de l ’importance fondamentale du droit d’asile qui doit être respecté en toute circonstance en faveur des mineurs non accompagnés, la Défenseure des droits :

  • Recommande aux préfectures de procéder au premier enregistrement du demandeur d’asile mineur non accompagné dans les fichiers correspondants, dès qu’il se présente, y compris lorsqu’il n’est pas accompagnépar un administrateur ad hoc afin de lui faire bénéficier des dispositions favorables telles que définies par la jurisprudence de la CJUE ;
  • Appelle de manière urgente le ministre de l’Intérieur à harmoniser, par adoption d’une nouvelle circulaire, l’accès aux GUDA et à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés ;
  • Rappelle aux préfectures et aux parquets que la désignation d’un administrateur ad hoc doit avoir lieu quelle que soit la situation de la personne se disant MNA à l’égard du dispositif de protection de l’enfance ;
  • Recommande aux préfectures et aux départements, en lien avec les parquets d’impulser des dynamiques proactives auprès des associations qui œuvrent dans le domaine des droits de l’enfant ou des demandeurs d’asile pour leur offrir la possibilité de se proposer comme administrateur ad hoc.

Garantir des voies sûres de migrations vers le Royaume-Uni et en Europe

Extrêmement préoccupée par les conditions de passages des exilés vers le Royaume-Uni qui provoquent de multiples drames, et par les conditions dans lesquelles les mineurs non accompagnés évoluent dans certains pays européens, la Défenseure des droits :

• Invite instamment le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères à faire aboutir, en lien avec les autorités britanniques, les négociations engagées en vue de conclure un accord bilatéral relatif au maintien de voies légales de réunification familiale pour les mineurs non accompagnés, dans l’intérêt supérieur des enfants ;

• Estime que les décisions du ministère de l’Intérieur français qui rejetteraient des demandes de prise en charge de mineurs non accompagnés, présentées par un
Etat membre, au titre de l’application de l’article 8 du Règlement Dublin III, font incontestablement grief aux mineurs et à leur famille, et doivent ainsi pouvoir faire l’objet d’un recours effectif et être soumises au contrôle du juge administratif ;

• Tient à saluer l’existence d’un programme
de relocalisation en faveur des mineurs non accompagnés et appelle de ses vœux la multiplication de mécanismes, créant des voies sûres et légales de migration pour ces enfants ;

• Invite le ministre de l’Intérieur, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, et le ministre des Solidarités et de la Santé, à mettre en place rapidement les modalités de suivi

de la situation de mineurs relocalisés, afin de pallier les éventuelles difficultés et de sécuriser les parcours des mineurs, pour améliorer et le cas échéant, envisager de reproduire cette expérience.

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III. mieux garantir l’accès des mineurs non accompagnés au dispositif de protection de l’enfance

Adapter les dispositifs de protection de l’enfance aux mineurs en errance

Déplorant le peu d’évolution dans l’approche des mineurs dits « éloignés de la protection de l’enfance », la Défenseure des droits :

  • Demande au garde des Sceaux, ministre
    de la Justice, au ministre des Solidarités et de la Santé et au président de l’Assemblée des départements de France de mettre
    en œuvre les mesures nécessaires pour
    un recueil fiable de données s’agissant du nombre de personnes se disant mineures non accompagnées évaluées chaque année par les départements, de celles faisant
    l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance par les départements, et, parmi ces dernières, celles ayant été confiés par décisions judiciaires (juge des enfants et cour d’appel) à l’aide sociale à l’enfance ;
  • Recommande aux départements de multiplier les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et de former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains ;
  • Réitère aux départements ses recommandations visant à mettre en place des lieux d’accueil de jour à proximité des lieux de vie des adolescents, doublés d’une possibilité de mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate pour les mineurs non accompagnés en transit ;
  • Invite le garde des Sceaux, ministre de la Justice à tenir compte, dans le système
    de répartition nationale, du nombre de personnes se disant mineures et non accompagnées et qui doivent être mises à l’abri dans chaque département, pour ne pas surcharger et pénaliser les départements déjà fortement mobilisés par la mise en place de dispositifs de maraudes, de mise à l’abri et d’accueil de jour à destination des mineurs étrangers en transit ;

• Demande au garde des Sceaux, ministre
de la Justice de diffuser largement aux professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, et en particulier ceux présents dans les établissements pénitentiaires pour mineur (EPM) et les quartiers mineurs des maisons d’arrêt et centres de détention, la note du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales.

Garantir les droits des mineurs non accompagnés durant la période d’évaluation de la minorité et de l’isolement

Profondément préoccupée par les atteintes aux droits des mineurs durant la phase administrative de prise en charge des mineurs non accompagnés, la Défenseure des droits :

• Demande aux départements que chaque jeune exilé qui se présente, bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence préalable
à sa présentation en préfecture et à la réalisation d’un entretien social d’évaluation de sa minorité et de son isolement, selon la procédure prévue par les textes ;

• Recommande aux préfectures et aux départements de mettre en conformité leurs protocoles d’utilisation du fichier « AEM » » en rappelant la possibilité laissée au jeune étranger de refuser de communiquer ses empreintes et ses données personnelles ;

• Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de prévoir une modification
des textes afin qu’un administrateur ad hoc soit désigné en faveur de chaque jeune se disant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant. Cette création devra s’accompagner des moyens nécessaires à sa mise en œuvre effective ;

• Demande à ce que le mineur bénéficie de la présomption de minorité jusqu’à décision judiciaire définitive le concernant ;

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

• Rappelle au Président de l’assemblée des départements de France et aux départements que les pratiques de réévaluation des mineurs confiés par l’autorité judiciaire
d’un autre département sont contraires
à l’esprit de la loi et à l’intérêt supérieur
de l’enfant et contribuent à fragiliser non seulement le principe de solidarité nationale mais également les droits fondamentaux
des mineurs protégés, et recommande leur proscription.

Mieux garantir l’effectivité des droits des mineurs non accompagnés devant l’autorité judiciaire

Alertée de manière récurrente sur les atteintes aux droits des mineurs non accompagnés
à l’occasion de leur saisine de l’autorité judicaires, la Défenseure des droits :

  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de poursuivre les efforts entrepris quant à la création de nouveaux postes de juges des enfants et de doter les chambres des mineurs des effectifs requis afin que chaque magistrat soit en mesure de traiter les saisines et suivre les dossiers qui lui sont confiés dans des délais raisonnables au vu notamment des situations de danger des enfants inhérentes à la procédure en assistance éducative ;
  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de veiller à ce que tout jeune exilé se disant mineur soit systématiquement assisté d’un avocat dans toutes les procédures judicaires qui le concernent, ainsi que d’un interprète dans sa langue maternelle s’il ne maitrise pas le français ;
  • Recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de modifier et clarifier la rédaction de l’article 388 du code civil en interdisant dans la loi, les examens d’âge osseux.

IV. veiller au respect des droits fondamentaux de tous les mineurs pris en charge en protection de l’enfance

Assurer aux mineurs non accompagnés un accompagnement éducatif réel et adapté à leurs besoins

Saisie de situations dans lesquelles le
type d’accompagnement des mineurs non accompagnés n’est pas le même que celui des autres enfants pris en charge en protection de l’enfance, la Défenseure des droits :

  • Rappelle aux départements que l’accompagnement éducatif des personnes se déclarant mineures non accompagnées puis reconnues comme telles doit être adapté et ajusté en fonction de leurs besoins fondamentaux ;
  • Rappelle aux départements que l’établissement du projet pour l’enfant est une obligation pour tout mineur accueilli en protection de l’enfance, et les invite dans
    ce cadre à planifier et réaliser sans délai la reconstitution de l’état civil des mineurs non accompagnés qui leur sont confiés.Assurer aux mineurs non accompagnés un statut juridique pérenneSaisie de situations dans lesquelles les mineurs non accompagnés n’ont pas de représentant légal désigné durant leur prise en charge, la Défenseure des droits :

• Rappelle que, s’agissant de mineurs non accompagnés, l’autorité parentale doit pouvoir être exercée et qu’une mesure de tutelle doit être prononcée en fonction de l’impossibilité de joindre les parents, le juge des enfants restant le juge de l’enfance

en danger et le juge aux affaires familiales exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs, celui de l’autorité parentale ;

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  • Recommande aux départements d’informer sans délai les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » de la vacance de l’autorité parentale et de la nécessité de prononcer une ouverture de tutelle à l’égard des mineurs qui leur sont confiés, ou de saisir les parquets en vue d’une saisine de ces derniers, chaque fois que nécessaire, afin que l’autorité parentale des mineursnon accompagnés puisse être pleinement exercée ;
  • Recommande aux départements en lien avec les chefs des juridictions judicaires d’initier des rencontres avec les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » et les juges des enfants afin d’améliorer et de fluidifier le traitement des requêtes aux fins d’ouverture de tutelles « mineurs » dans l’intérêt supérieur des enfants protégés.Garantir aux mineurs non accompagnés le respect de leur droit fondamental à l’éducationToujours saisie de multiples atteintes au droit à l’éducation des mineurs non accompagnés, la Défenseure des droits :
  • Rappelle que le droit à l’éducation et à l’instruction est un droit fondamental de l’enfant et de l’adulte ;
  • Recommande aux départements de mettre
    à profit le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnées pour entamer des démarches auprès des CIO ou des Centres d’information et d’orientation (CIO) ou des centres académiques pourla scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus
    de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) afin que les tests de niveau scolaire soient programmés, et les jeunes gens affectés dans un cursus de formation scolaire ou professionnelle le plus rapidement possible ;
  • Recommande au ministre de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre des Solidarités et de la Santé de favoriser la fluidité des procédures et des échanges entre les différents partenaires afin que le droit à l’éducation et à la formation des mineurs leur soit garanti ;

• Recommande au ministre de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports d’augmenter substantiellement chaque fois que de besoin les offres de formation et les places en dispositifs adaptés de premier accueil des élèves allophones.

Mieux assurer le respect du droit à la santé des mineurs non accompagnés

Préoccupée par l’état de santé souvent dégradé des mineurs non accompagnés confrontés à des parcours d’exil de plus en plus difficiles, la Défenseure des droits :

• Rappelle aux départements que l’inscription à la protection universelle maladie (PUMA) des mineurs non accompagnés peut se faire dès le recueil provisoire d’urgence afin que les personnes se disant mineures puissent bénéficier de l’ouverture de leurs droits et,

le cas échéant, continuer à en bénéficier pendant un an après leur départ du dispositif en cas de reconnaissance de majorité, notamment le temps du recours devant le juge des enfants et la cour d’appel ;

• Recommande aux départements que soit assurée, au moment où la personne quitte le dispositif, une orientation vers le système de santé adulte, ainsi que la remise du dossier médical et d’un carnet de vaccination à la personne réorientée ;

• Recommande aux départements de solliciter les agences régionales de santé et l’ensemble des partenaires de l’offre de soins pour mettre en œuvre l’organisation d’un bilan de santé conforme aux préconisations du Haut conseil de la santé publique pour tout jeune exilé en phase d’évaluation ;

• Recommande aux départements de renforcer la formation des équipes en charge des évaluations et du suivi des mineurs non accompagnés, à l’appréhension des troubles psychiques et au repérage des symptômes de stress post-traumatique, et d’envisager

le recrutement de psychologues formés à l’interculturalité et au traitement précoce et spécifique des troubles et symptômes psycho-traumatiques.

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Respecter le droit aux loisirs et à la culture des mineurs non accompagnés

Alertée par de nombreux adolescents qui
ont fait part de leur ennui, et leur sentiment d’isolement et de mise à l’écart, la Défenseure des droits :

  • Rappelle que le droit aux loisirs et à la culture est consacré par le CIDE ;
  • Recommande aux départements de garantir aux mineurs non accompagnés l’accès aux loisirs et à la culture en les inscrivant dans des activités extra-scolaires ou sportives chaque fois qu’ils en expriment l’envie ;
  • Recommande aux départements de multiplier en faveur des mineurs non accompagnés les sorties sportives, culturelles, les séjours de transferts ou séjours de vacances.V. assurer la continuité des droits lors du passage à la majoritéEviter les ruptures et mieux garantir l’accès à l’autonomie des mineurs non accompagnésProfondément préoccupée par la situation des jeunes majeurs en rupture de prise en charge lors de leur accès à la majorité, la Défenseure des droits :
  • Rappelle aux départements que le projet d’accès à l’autonomie est une composante obligatoire du projet pour l’enfant ;
  • Recommande aux départements de prévoir, au cours de l’entretien obligatoire devant
    être prévu avant la majorité des jeunes
    pris en charge, l’information du mineur sur son droit de demander à bénéficier d’un accompagnement jeune majeur et d’associer, lors de cet entretien, les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoinsen matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources ;
  • Rappelle qu’à cette demande, qui doit être formalisée par écrit, doit être apportée une réponse sous la forme d’une décision écrite du département, notifiée à la personne individuellement motivée, dans laquelle figure les voies de recours ouvertes au jeune majeur ;

• La Défenseure des droits recommande au ministre de la santé et des solidarités de modifier la loi pour prévoir une obligation de prise en charge des jeunes majeurs par les départements jusqu’à la fin de leur cursus de formation scolaire ou professionnelle, et non plus jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.

• Recommande aux départements et
aux représentants de l’Etat dans les départements, d’initier toutes démarches utiles en vue de l’élaboration de protocoles locaux, avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.

Faciliter l’accès au séjour des mineurs non accompagnés

Alertée par les situations de jeunes majeurs qui se heurtent à des refus d’admission au séjour venant mettre à mal leurs efforts d’intégration et décourager les équipes éducatives qui les ont accompagnés, la Défenseure des droits ;

• Recommande au ministre de l’Intérieur la modification du CESEDA afin de reconnaitre l’admission au séjour de plein droit des mineurs non accompagnés à leur majorité quel que soit l’âge auquel ils ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et quels que soient leurs liens avec leur famille dans leur pays d’origine.

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Annexes
Tableau décision et jurisprudence MNA

• CIDE Art. 3-1L’article 3 de la CIDE protégeant l’intérêt supérieur de l’enfant est reconnu d’effet direct par le Conseil d’Etat (CE, 22 septembre 1997, n°161364 ; 9 janv. 2015, n°386865) et par la Cour de Cassation (Cass., 1ère civ., 18 mai 2005, n°02-20613 ; ass. plén., 3 juin 2011, n°09-69052 ; 1ère civ., n°260 du 20 mars 2019)
I. L’entrée sur le territoire
A. La zone d’attente des aéroports
1. Le maintien en zone d’attente et l’administrateur ad hoc
• CIDE, art. 3, 22, 37
• CESEDA, art. L. 351-2, L. 342-3, art. L. 352-1
• Conseil constitutionnel, décision n°2019-797 QPC 26 juillet 2019 – figurent parmi les protections attachées à la qualité du mineur celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée.• Cour de cassationCass, 1e. civ. 22 mai 2007, no 06-17238 – un délai de trente-neuf heures entre la révélation de la minorité et la désignation de l’administrateur ad hoc fait nécessairement grief au mineurCass, 1e civ. 6 mai 2009, no 08-14519 – tout retard dans la mise en œuvre de l’obligation de nomination d’un administrateur ad hoc, en absence de justification de circonstances particulières, porte nécessairement atteinte aux intérêts du mineur.Cass, 1e civ., 25 mars 2009, 08-14.125 – compétence du juge des enfants pour statuer sur la situation de danger d’un mineur en zone d’attente, la zone d’attente se trouvant sous contrôle administration et juridictionnel national• Cour d’appel de Toulouse, chambre de la famille protection juridique, arrêt du 28 janvier 2020 n°18, n°RG 19/00192 – le juge aux affaires familiales en charge de la protection des mineurs, saisi d’une demande d’ouverture de tutelle d’un mineur isolé se trouvant en zone d’attente située sur une commune de son ressort, est territorialement compétent pour statuer sur cette demande lorsqu’il constate la vacance de l’autorité parentale• Défenseur des droitsDécision n°2017-144 du 26 juin 2017
2. L’asile à la frontière
• CIDE, art. 3, 22
• CESEDA, L. 343-2, L. 351-3, L. 352-1 et L.521-9, R. 531-16• Circ. n° CIV/01/05 du 14 avril 2005, prise
en application du décret n° 2003-841 du
2 septembre 2003 relatif aux modalités
de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par l’article 17 de la loi n° 2002- 305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale [DACS 2005-01 C1/14-04-2005 NOR : JUSC0520090 C]
• CEDHCEDH, 26 juil. 2007, Gebremedhin c. France, n°25389/05• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 27 novembre 2020, n°428178 – l’entretien entre le demandeur et les services de l’OFPRA doit a minima se dérouler par un moyen de visioconférence.• Tribunal administratif de Paris, 29 juin 2021, n° N°2113440/8 – l’administrateur ad hoc étant absent et l’entretien s’étant déroulé par téléphone, le requérant mineur n’a pas été entendu par l’OFPRA dans des conditions décentes alors qu’il était dans une situation de grande vulnérabilité.

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B. Les frontières terrestres
• CIDE, art. 20 – les Etats doivent prendre des mesures adéquates (protection et aide spéciale) afin de protéger l’enfant de son milieu familial• Règlement (UE) 2016/399 du 9 mars
2016 du Parlement européen et du Conseil concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit code frontières Schengen (CFS), art. 22, 23, 24 25, 26, 27• CESEDA, art. L. 331-1, L. 332-3
• Code de procédure pénale, art. 78-2
• Comité droits de l’enfantObservation générale n°6, CRC/GC/2005/6, 1er septembre 2005 – les Etats doivent pleinement respecter leurs obligations en matière de non-refoulement. Les obligations qui incombent à un État en vertu de
la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire
Observation générale conjointe n° 4 du Comité pour la protection
des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n° 23 du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte
des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, CMW/C/GC/4−CRC/C/GC/23, 16 novembre 2017• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 5 février 2020, n°428478 et 428826 – effet direct de l’article 20 de la CIDE reconnu• Défenseur des droitsAvis n° 18-14 du 17 mai 2018, pp. 29 et suivantes
1. La frontière italienne
• CIDE, art. 3, 20, 22• Règlement (UE) 2016/399 du 9 mars
2016 du Parlement européen et du Conseil concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit code frontières Schengen (CFS), art. 6, 14, 32• CESEDA, art. L. 332-2, L. 343-2
• Tribunal administratif de Nice, n°1800699, 23 février 2018 – le mineur présumé non accompagné d’un représentant légal ne peut être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc. Il doit donc être conduit en zone d’attente• Tribunal administratif de Nice, n° 1904929 du 18 octobre 2019 ; n° 2000570 du 7 février 2020, n° 2000856 du 24 février 2020, n° 2000858 du 28 février 2020, n° 2000948 du 28 février 2020 – condamnation des pratiques de renvois en Italie de mineurs non accompagnés interceptés à la frontière italienne• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits MDE 2012-179
Décision du Défenseur des droits n° 2018-100 du 25 avril 2018 • Contrôleur général des lieux de privation de libertéCGLPL, Rapport de la deuxième visite des services de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes) du 4 au 8 septembre 2017
2. Les réadmissions vers l’Espagne
• CIDE, art. 3, 20, 22• Accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002 – not. art. 5, art. 7• Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, not. art. 4 et 10• Décret n° 2004-226 du 9 mars 2004 portant publication de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à
la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002.• CESEDA, art. L. 411-1, L.611-3 et L. 631-4
• Cour de justice de l’Union européenneCJUE, arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C-163/17 – applicabilité de la directive 2008/115/CE aux ressortissants des Etats tiers se trouvant à proximité d’une frontière, sauf dispositions bilatérales plus favorables, y compris lorsque l’Etat a rétabli ses frontières intérieures• Conseil constitutionnelConseil constitutionnel, décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019, §7 – Impossibilité d’éloigner des mineurs non accompagnés qsui ne sont jamais en situation irrégulière sur le territoire• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 5 février 2020, n°428478 et 428826 – effet direct de l’article 20 de la CIDE reconnu

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II. Les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile
• CIDE, art. 3, 20, 22
• Convention de Genève de 1951 relative austatut des réfugiés• Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut d’apatride• CESEDA, art. L. 121-9, art. L. 511-1 (réfugié), L 512-1 (protection subsidiaire), L.582-2 (apatride)
• Conseil constitutionnelConseil constitutionnel, décision DC 93-325 du 13 août 1993 – droit d’asile protégé constitutionnellement• Défenseur des droitsDéfenseur des droits, décisions n°2021-269 et 2021-260 – les actes d’état civil délivrés par l’Office postérieurement à l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, qui ont valeur d’actes authentiques, ne peuvent être remis en cause que devant le tribunal judiciaire de Paris statuant en matière d’état civil
A. L’accès à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés
1. Le premier enregistrement
• CESEDA, art. L521-9• Circulaire N° NOR: INT/D/05/00051/C à l’attention des préfets du 22 avril 2005• Cour de justice de l’Union européenneCJUE – 18 juillet 2013, MA, BT, DA – Affaire C-648/11 – l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile d’un mineur non accompagné qui a présenté des demandes dans plus d’un État membre, sera le dernier Etat dans lequel se trouve ce mineur après y avoir déposé sa demandeCJUE, NS, 21 décembre 2011 et CEDH, 21 janvier 2011 MSS c./Belgique et Grèce• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH, Gde Ch., 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, req. n°29217112• Tribunal administratif de Lyon, 19 avril 2018, n°1802611 – le refus persistant d’enregistrement d’une demande d’asile d’un mineur non accompagné, alors qu’un tel enregistrement n’apparait pas soumis, inconditionnellement, à la désignation préalable d’un administrateur ad hoc porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile
2. L’intervention de l’administrateur ad hoc
• CESEDA, art. L. 561-2, R.111-13 à R.111-23
B.La réunification familiale pour un mineur demandeur d’asile
• CIDE, art. 9 et 10
• Directive européenne 2003/86
• Cour de justice de l’Union européenneCJUE – 12 avril 2018, A et S, affaire C-550/16 – dans le cadre de l’examen du droit à la réunification familiale d’un mineur demandeur d’asile, la date déterminante pour apprécier la qualité de “mineur” de l’intéressé est celle de son entrée sur le territoire d’un État membre et de l’introduction de sa demande d’asile dans cet État
1. De la France vers un autre Etat membre de l’Union européenne
• Règlement 604/2013/UE dit « Dublin III », not. art. 6 et 8• Commission européenneCommunication de la commission au parlement européen et au Conseil – La protection des enfants migrants – Bruxelles – 12.4.2017• Défenseur des droitsDécision n°2016-113 du 20 avril 2016
2. Le cas du Royaume Uni
• Règlement 604/2013/UE dit « Dublin III » (jusqu’au 31 décembre 2020)

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3. D’un Etat membre de l’Union européenne vers la France
• CIDE, art. 3, 9 et 10
• ConvEDH, art. 7, 8, 13• Règlement 604/2013/UE dit « Dublin III », art. 18 et 27• Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du 12 décembre 2007, not. art. 24et47
• Cour de justice de l’Union européenneCJUE, Brahim Samba Diouf v Ministre du Travail, 28 juillet 2011 – les garanties du droit à un recours effectif ne sont pas limitées uniquement à certaines décisions prises par les États membres, mais doivent être assurées dans toutes les situations où une violation d’un droit protégé par le droit de l’Union est alléguée, dont le droit au respect de la vie familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH, De Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, § 83 – L’article
13 de la CEDH garantit lui aussi le droit au recours effectif à l’encontre d’une mesure qui porterait atteinte aux droits et libertés protégés par la Convention, tel que le droit au respect de la vie familiale
CEDH, Moustahi c. France, n°9347/14, 25 juin 2020, § 110 – être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale et des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par cette disposition. Pareille ingérence méconnaît cet articleà moins qu’elle ne soit « prévue par la loi », ne vise un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 de l’article 8 et ne puisse passer pour « nécessaire dans une société démocratique• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 4 mai 2011, Ministère des Affaires étrangères, req. n 348778 ; Conseil d’Etat, Section, 30 octobre 2001, n° 238211 – l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale constituent une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative• Tribunal supérieur de l’immigration du Royaume Uni, R (on the application of MS &MAD) v Secretary of State for the Home Department [2018] JR 9682, para 188, a considéré qu’une interprétation étroite
du terme « décision de transfert » de l’article 27 du règlement était incorrecte et qu’autoriser un recours uniquement à l’égard des critères d’application conduisant à la décision de transfert serait « arbitraire et (…) injustifié »
• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n° 2016-113 du 20 avril 2016 –appel à faire une application dynamique du règlement Dublin III, en considération de l’intérêt supérieur des enfants non accompagnés, afin d’assurer pleinement leur droit fondamental à une vie privée et familiale normale
C. La relocalisation des mineurs non accompagnés depuis la Grèce
• CIDE, art. 3• Règlement 604/2013/UE dit « Dublin III », art. 17

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III. L’accès des mineurs non accompagnés au dispositif de protection de l’enfance
• CIDE, art. 3, 8, 20• Code civil, art. 375, 375-3, 375-5, 388• Comité des droits de l’enfantDécisions concernant l’Espagne CRC/C/81/D/22/2017, CRC/C/81/D/16/2017, CRC/C/82/D/27/2017 §9.3; CRC/C/79/D/11/2017 §12.3; CRC/C/83/D/21/2017 §10.9; CRC/C/83/D/24/2017 §10.3; CRC/C/85/D26/2017 §9.8; CRC/C/85/D/28/2017 §9.8; CRC/ C/82/D/17/2017 §13.3 – pendant que le processus de détermination de l’âge, incluant les voies de recours judiciaires, est en cours, la personne doit être présumée et traitée comme un enfant• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH – Requête n° 14356/129 – mesures provisoires en date du 15 mars 2019 en faveur d’une mineure évaluée majeure par un département et en attente d’une décision du juge des enfants• Conseil constitutionnelConseil Constitutionnel – Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 – considérant n°6 –l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant implique d’entourer le processus de détermination de la minorité de garanties afin que les personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeuresConseil Constitutionnel – Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019 – considérant n°7 – la présomption de minorité garantit en outre les mineurs « contre les mesures d’éloignement » et leur permet de « contester devant un juge l’évaluation réalisée• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 1er juill. 2015, n° 386769 – compétence du juge des enfants suite au refus du département de saisir l’autorité judiciaire rend irrecevale le recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif contre la décision du départementConseil d’Etat, 13 mars 2019, n°427708Conseil d’Etat, 4 juin 2020, N° 440686 ; 12 juin 2020 n°440922 ; 3 novembre 2020 n°445714 ; 10 novembre 2021 n°457995 – compétence du juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, pour ordonner la poursuite de l’accueil provisoire d’urgence dans l’attente de la décision judiciaire lorsqu’il apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n°2021-049 du 22 février 2021
A. Les mineurs éloignés de la protection
1. Les mineurs dits “en transit”
• CIDE, art. 3, 20 • ConvEDH, art. 3• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH, Khan contre France, 28 février 2019, requête n°12267/16 – condamnation de la France par la CEDH, pour violation de l’article 3 de la ConvEDH en raison de l’environnement totalement inadapté du bidonville pour un enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins. Rappel des obligations de l’Etat à l’égard des mineurs non accompagnés migrants, dont la situation d’extrême vulnérabilité doit prévaloir sur la qualité d’étranger et a souligné que ces obligations pèsent sur ce dernier, y compris quand les mineurs ne sont pas demandeurs de protectionSurveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne, Décision du 2 décembre 2021, CM/ Del/Dec(2021)1419/H46-13• Défenseur des droitsDécision n°MDE- 2016-113 du 20 avril 2016Rapport du Défenseur des droits « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais », juillet 2018Décision n°2018-281 du 7 décembre 2018Décision du Défenseur des droits n°2018-003 du 19 janvier 2018 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l’hommeDécision n°2021-029 du 9 février 2021

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2. Les mineurs en errance, en conflit avec la loi : le phénomène de la traite en question
• ConvEDH, art. 4 et 6
• Convention de La Haye du 19 octobre 1996,not. art. 33
• Code pénal, art. 225-4-1• Note JUSF1821612N du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales
• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH – 16 février 2021, affaire V.C.L. et A.N. c. Royaume-Uni, n°77587/12 et 74603/12 – la cour rappelle l’obligation de prendre des mesures concrètes pour protéger les victimes de la traite et estime que l’absence de toute évaluation visant à déterminer si les mineurs avaient été victimes de traite les a potentiellement empêchés d’obtenir des éléments de preuve importants susceptibles d’aider leur défense. En tant que telle, la procédure n’a donc pas été équitable, ce qui a emporté violation de l’article 6§1 de la convention.
B. L’intervention administrative
1. Le recueil provisoire d’urgence
• CIDE, art. 3, 20
• CASF, art. L 223-2, R. 221-11
• Conseil constitutionnelConseil Constitutionnel, 21 mars 2019, Décision n°2018-768 QPC –l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant implique de veiller à ce qu’aucun mineur ne soit indûment considéré comme majeur• Conseil d’EtatConseil d’État, 25 janvier 2019, ordonnances n° 427169 / n° 427170 / n° 427167 – il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil d’urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La délivrance d’un rendez-vous à échéance de plusieurs semainespour qu’il soit procédé à cette évaluation préalablement à son accueil constitue une carence caractérisée susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentaleConseil d’Etat du 4 juin 2020 n°440686 – Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire• Défenseur des droitsDécisions du Défenseur des droits n° 2020-140, n° 2020-110 et n°2020-166
2. L’évaluation de minorité et d’isolement
• CIDE, art. 3, 8, 20
• ConvEDH, art. 3, 13
• CASF, art. L. 222-5, R. 221-11, R. 223-2• Décret n° 2016-1476 du 28 octobre 2016 pris en application de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’évaluation de la situation de mineurs à partir d’une information préoccupante, réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels – art. 1• Décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019
• Comité des droits de l’enfantObservation générale n°6, CRC/GC/2005/6, 1er septembre 2005 – « ce processus d’évaluation devrait être mené dans une atmosphère amicale et sûre par des professionnels qualifiés, maîtrisant des techniques d’entretien adaptées à l’âge et au sexe de l’enfant. » Il précise « Cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec toutle respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude persistante,
le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur. » Il rappelle enfin que cette évaluation doit permettre
de « procéder rapidement à l’enregistrement de l’enfant à l’issue d’un entretien initial mené dans une langue qu’il comprend selon des modalités appropriées à son âge et à son sexe − cet entretien étant confié à des professionnels qualifiés chargés de recueillir des données biographiques sur l’enfant et sur son milieu social afin d’établir son identité (…) ».

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• Arrêté du 20 novembre 2019• Circulaire interministérielle relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C) du 25 janvier 2016• Conseil constitutionnelConseil Constitutionnel, 21 mars 2019, Décision n°2018-768 QPC –l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant implique de veiller à ce qu’aucun mineur ne soit indûment considéré comme majeurConseil Constitutionnel – Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019 –rappelle l’importance des règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée. La majorité d’un individu ne serait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni dela seule constatation qu’il est déjà enregistrer dans le fichier AEM ou un autre fichier alimenté par les données de celui-ci.• Conseil d’EtatConseil d’Etat, ordonnances du 3 avril 2019, n°428477 et 428831 – les règles destinées à assurer la protection effective des étrangers de moins de dix-huit ans contre les mesures d’éloignement qui ne peuvent légalement être prises à leur encontre, impliquent notamment que, dans le cadre du recours suspensif dont disposent les intéressés à l’encontre de telles mesures, le juge administratif se prononce sur leur minorité lorsqu’elle est alléguée, l’existence d’une instance en cours devant l’autorité judiciaire au titre de la protection de l’enfance étant de nature à amener ce juge à surseoir à statuer.Conseil d’Etat, juge des référés, 4 juin 2020 N° 440686 , 03 novembre 2020, n°445714 – lorsqu’il apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé
est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un
risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, le
juge administratif peut alors ordonner au département de poursuivre l’accueil provisoire d’urgence du mineur jusqu’à la décision du juge des enfants 
(Voir aussi Tribunal administratif de Paris, n°2006746, 2006563, 20 avril 2020 n°2006406/9, 17 avril 2020 n°2006177/9, 15 avril 2020 n°2006223/9et n°2006241/9; tribunal administratif de Lyon, 22 septembre 2020 n°2006543; 17 avril 2020 n°2002719, n°2002702, 10 avril 2020 n°2002586, 11 avril 2020 n°2002621 ; tribunal administratif de Bordeaux, 24 avril 2020 n°2001841, n°24042020, 06 août 2020 n°2003421)• Cours d’appelCour d’appel de Douai, 4 mars 2014, n°13/05775 – l’apparence physique est un élément subjectif qui ne peut servir à justifier ni de la minorité ni de la majoritéCour d’appel de Rouen, 02 avril 2019, n°RG18/04400; 28 mai 2019 n°RG19/00221. – l’apparence physique ne pouvait suffire à disjoindre le faisceau d’indices étayé notamment par un acte de naissance dont l’authenticité n’était pas discutéeCour d’appel de Lyon, 04 juillet 2017 n°171216 ; cour d’appel de Rouen,16 janvier 2018, n°1701725 ; cour d’appel de Toulouse, 14 décembre
2018, n°2018/260, RG 18/00231 ; cour d’appel de Toulouse, 07 juin
2019 n°2019/137, n°RG 19/00057 – des incohérences ou inévitables imperfections dans le récit migratoire et autobiographique, considérations éminemment subjectives, ne sauraient suffire à écarter des documents d’état civil et d’identité dont l’authenticité n’est pas contestéeCour d’appel de Toulouse, chambre de la famille, 31 mars 2020, arrêt n°18, RG 19/00192 – des constatations relatives à la maturité ou l’autonomie du mineur doivent être entourées de précautions et ne doivent pas conduire à écarter systématiquement la minorité

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• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n°2019-067 du 15 mars 2019 – décision relative à un jeune congolais dont la minorité a été écartée sur la seule foi d’une enquête VISABIODécision du Défenseur des droits 2019-058 du 28 mars 2019 – la formulation « X. ne dit pas la vérité » devait être abandonnée dans les rapports d’évaluation socio-éducative, incompatible avec la neutralité et la bienveillance attendues des professionnels en charge de l’évaluationDécision n°2019-105 du 20 septembre 2019 – les données contenues dans le fichier VISABIO n’apparaissent pas pertinentes s’agissant de l’évaluation de la minoritéDécisions du Défenseur des droits 2019-058 du 28 mars 2019 et décision 2020-140 du 16 juillet 2020 relatives aux motivations ou constations non objectives constatées dans les rapports d’évaluationDécision du Défenseur des droits 2021-010 du 3 février 2021 –l’observation de signaux de confusion, de réactions non adaptées, d’oublis doivent amener les services de protection de l’enfance à s’interroger sur l’existence de traumatismes subis durant le parcours d’exil et à envisager un soutien psychologique et une orientation dans une structure socio- éducative adaptée à la problématique du mineurDécision n°2021-029 du 9 février 2021 – les procédures d’éloignement mises en œuvre à l’encontre de ces mineurs non accompagnés ont poursuivi un objectif de lutte contre l’immigration clandestine, en l’absence de tout fondement juridique, portant ainsi atteinte à la liberté individuelle et à la sûreté, liberté fondamentale protégée par l’article 37 de la CIDE et l’article 5 de la ConvEDHDécision du Défenseur des droits n°2021-070 – le respect des
garanties mises en place par le législateur et la temporalité de la phase d’évaluation, qui doivent conduire les départements à réunir un faisceau d’indices permettant une prise de décision éclairée sont fondamentaux
Décisions du Défenseur des droits n°2021-245 du 7 septembre 2021 et n°2021-260 du 30 septembre 2021 – le non-respect de l’ensemble des garanties mises en place par le législateur doit conduire le juge à écarter le rapport d’évaluationDécisions n°2014-217, 2016-183, 2020-140, 2021-010 – la Défenseure des droits recommande que la copie du rapport d’évaluation soit remise au jeune demandeur au moment de la notification du refus administratif d’admission à l’ASEAvis de la Défenseure des droits n° 21-08 du 25 juin 2021 et 21-15 du 15 octobre 2021
C. L’intervention de l’autorité judiciaire
• CIDE, art. 3, 8, 20
• CEDH, art. 3, 8, 6 et 13 • Code civil, 375-5
• CJA, art. L. 521-2
• Conseil d’EtatConseil d’Etat, juge des référés, 4 juin 2020 N° 440686; 03 novembre 2020, n°445714 – lorsqu’il apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité• Tribunaux administratifsTribunal administratif de Paris, n°2006746, 2006563, 20 avril 2020 n°2006406/9, 17 avril 2020 n°2006177/9, 15 avril 2020 n°2006223/9et n°2006241/9; tribunal administratif de Lyon, 22 septembre 2020 n°2006543; 17 avril 2020 n°2002719, n°2002702, 10 avril 2020 n°2002586, 11 avril 2020 n°2002621 ; tribunal administratif de Bordeaux, 24 avril 2020 n°2001841, n°24042020, 06 août 2020 n°2003421 – Le juge administratif peut ordonner au département de poursuivre la prise en charge du mineur au titre de l’accueil provisoire d’urgence jusqu’à la décision du juge des enfants• Défenseur des droitsDécision n°2020-209 du 15 octobre 2020

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1.La saisine de l’autorité judiciaire
• CIDE, art. 3, 8, 12, 20 • Code civil, 375-5• CASF art. L. 223-2, R. 221-11• CIDE, art. 3, 8, 12, 20 • ConvEDH, art. 6• Code civil, art. 4, 375, 375-5, 388-1• Code de procédure civile, art. 14, 23, 1182, 1183, 1184, 1186• Cours d’appelCour d’appel de Caen, chambre des appels correctionnels, 10 février 2017, n°17/00056 : – il ne peut se déduire des anomalies d’un acte d’état civil ou de constatations interrogeantes que son utilisateur avait nécessairement connaissance des dites anomalies et conscience que celles-ci étaient de nature à affecter la sincérité et l’authenticité du document concerné, la preuve de l’existence de l’élément moral n’est pas rapportée.Cour d’appel de Colmar, chambre spéciale des mineurs, 21 avril 2015, arrêt n°92/15 – annulation d’un jugement sans audition préalable de l’intéressé. « cette audition, qui est une exigence légale, était de surcroit tout à fait opportune dans la mesure où la minorité de l’intéressé est remise en cause par le conseil départemental, et où les mensonges de l’intéressé sont invoqués, sur lesquels il aurait été intéressant de l’entendre se prononcer, en présence d’un conseil ».• Défenseur des droitsRecommandation du Défenseur des droits n°5 du 21 décembre 2012
Décision 2016-52 du 26 février 2016
Défenseur des droits décions n°2016-257 du 7 octobre 2016 et 2019-054 du 20 février 2019 Décision du Défenseur des droits n°2020-148 du 16 juillet 2020 relative à l’assistance éducative Avis du défenseur des droits n°21-12 du 20 septembre 2021
2. L’état civil devant le juge
• CIDE, art. 3, 8
• ConvEDH, art. 8• Code civil, art. 47, art. 388• Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999, NOR : JUSX9903625J• Décret n°2015-1740 du 24 décembre 2015
• Comité des droits de l’enfantCRC/C/83/D/21/2017 §10.17 ; CRC/C/83/D/24/2017 §10.9 ; CRC/C/85/D/26/2017 §9.16 ; CRC/C/85/D/28/2017 §9.15 ; CRC/C/82/D/17/2017 §13.9 ; CRC/C/82/D/27/2017 §9.10 – « la
date de naissance d’un enfant fait partie de son identité et que les États parties sont tenus de respecter le droit de l’enfant de préserver son identité sans le priver d’aucun des éléments qui la constituent »
CRC/C/83/D/21/2017 §10.2 – S’agissant de la charge de la preuve de son identité, le Comité des droits de l’enfant rappelle qu’elle ne repose pas uniquement sur le mineur.• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH, 5e Sect. 26 juin 2014, Mennesson c. France, Req. n° 65192/11 §96 ; 5e Sect. 26 juin 2014, Labassée c. France, Req. n° 65941/11 §75 – le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain• Conseil d’EtatConseil d’État – juge des référés, 12 février 2021, n° 448294 – l’absence de légalisation ne peut, par elle-même, faire obstacle à ce que la protection à laquelle les mineurs sollicitant une mesure d’assistance éducative ont droit soit le cas échéant assurée ou à ce qu’ils bénéficient des garanties attachées à leur minorité dans les contentieux d’urgence les concernant• Cour de cassationCour de cassation, civ., 23 novembre 1840 (voir aussi cour d’appel d’Aix 20 mars 1862, cour d’appel de Paris 2 août 1876, cour d’appel de Paris 25 juin 1959) – en matière d’état civil, c’est donc à la loi nationale qu’il convient de se rapporter pour déterminer la forme et le contenu des actes d’état civilCour de cassation, 1ère civ., 28 juin 2005, pourvoi n° 00-15.734, Bull. 2005, I, n° 289 ; com., 28 juin 2005, pourvoi n° 02-14.686, Bull. 2005, IV, n° 138 – Il incombe au juge français qui reconnait applicable un droit étranger d’en rechercher, soit d’office soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étrangerCour de cassation, 1ère civ., 23 janv. 2008, n° 06-13.344 – pouvoir d’appréciation souverain du juge quant à l’analyse documentaireCour de cassation, 1ère civ., 6 janv. 2010, n°08-18871 – reconnaissance de l’effet direct de l’article 8 de la CIDE

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Cour de cassation, 1ère civ., 3 décembre 2014, 13-27.857 ; voir aussi Cour de cassation, 1ère civ., 4 juin 2009; 13 avril 2016, n°15-50 018 – Les autorités consulaires du pays d’origine de l’acte basées en France sont compétentes au même titre que les autorités consulaires françaises basées dans ledit pays pour légaliser l’acte en question.Cour de cassation, 1ère civ., 3 avr. 2019, n° 18-15.192 – en dépit du défaut de légalisation, les documents d’état civil produits, établis sur un support authentique, participent d’un faisceau d’indices de minoritéCour de cassation, 1ère civ., 14 juin 2019, n° 18-24.747 – le juge ne peut se limiter à l’enquête réalisée par la PAF pour établir que des actes de l’état civil ou documents d’identité sont faux et conclure à l’absence d’authenticité, sans caractériser la nature exacte des anomalies affectant ces actesCour de cassation, 1e civ., 12 janvier 2022, n°20-17343 – les conclusions des examens radiologiques osseux ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. En écartant les documents d’état civil et le rapport d’évaluation, et alors que seuls les examens radiologiques osseux concluaient à la majorité, la cour d’appel a violé l’article 388 du code civil.• Cours d’appelCour d’appel d’Amiens, chambre spéciale des mineurs, 5 février 2015 n° 14/03740, 18 – La possibilité de contredire la présomption d’authenticité des actes de l’état civil doit s’opérer à travers la mise en œuvre d’une procédure légale de vérification, avec les garanties qui s’y rattachent• Défenseur des droitsDéfenseur des droits, décisions n°2021-219 ; 2021-245 ; 2021-246 ; 2021-294; 2021-307 – les documents d’état civil constituent l’élément le plus important et le plus objectif du faisceau d’indices pouvant permettre au magistrat de statuer sur la minorité du jeune requérant
3. L’application de l’article 388 du code civil et l’examen radiologique osseux
• CIDE, art. 3, 8
• Code civil, art. 388
• Conseil constitutionnelConseil constitutionnel, décision QPC n°2018-768, 21 mars 2019 – cet examen ne peut être ordonné que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables et si l’âge qu’elle allègue n’est pas vraisemblable. Il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du caractère subsidiaire de cet examen. (…) cet examen ne peut intervenir qu’après que le consentement éclairé de l’intéressé a été recueilli, dans une langue qu’il comprend.• Cour de cassationCour de cassation, crim. , 11 décembre 2019 n°2692 – l’expertise médicale d’âge osseux ne peut être ordonnée que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valablesCour de cassation, 1e civ., arrêt n°744 du 15 octobre 2020 (20-14.993) ; voir également Cour de cassation, crim. , 11 décembre 2019 n°2692 – l’expertise médicale d’âge osseux ne peut être ordonnée que si l’âge allégué est non vraisemblableCour de cassation, 1e civ., 12 janvier 2022, n°20-17343 – les conclusions des examens radiologiques osseux ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. En écartant les documents d’état civil et le rapport d’évaluation, et en concluant à la majorité de l’intéressé, alors que seuls les examens radiologiques osseux concluaient en faveur de celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 388 du code civil.• Défenseur des droitsDécision cadre n° MDE 2016-052 du 26 février 2016 Décision n°2018-296 du 3 décembre 2018
Décision n°2019-275 du 6 novembre 2019
Décision n°2021-50Décision n° 2021-244 du 06 septembre 2021 Décision n°2021-294 du 17 novembre 2021

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4. La répartition nationale et l’intérêt supérieur de l’enfant
• CIDE, art. 3
• Code civil, art. 375-5• CASF, art. L. 221-2-2 CASF
• Cour d’appel de Rennes, ch. Spéciale des mineurs, 28 juin 2021 n°301 – saisie de la situation d’une évaluation diligentée à l’initiative d’un conseil départemental alors que le mineur lui était confié sur décision de justice,la cour a estimé que cette évaluation n’avait pas « été fournie dans le cadre de la péréquation mais initiée par le département pour les besoins de la cause et pour remettre en question la minorité du jeune qui bénéficiait déjà d’un placement » et en a déduit que le conseil départemental « était irrecevable en sa demande en mainlevée du placement »• Défenseur des droitsLa répartition nationale n’est pas applicable en Outre-Mer. Concernant la Guyane et Mayotte,
il convient d’indiquer que les difficultés rencontrées par le dispositif de protection de l’enfance sont telles, qu’elles impactent l’ensemble des enfants français et étrangers, accompagnés ou non. 
Voir notamment la décision 2013-87 du 22 avril 2013 sur Mayotte, le rapport « Mayotte, situation sur les droits et la protection des enfants – mission du défenseur des droits – septembre 2015 », le rapport « Établir Mayotte dans ses droits – février 2020 ». Mais également, sur la Guyane, le rapport « Accès aux droits et aux services publics en Guyane – mars 2017 » et la décision n°2017-078 du 17 février 2017Avis du 25 juin 2021 sur le projet de loi relatif à la protection des enfants Décisions n°2021-245, 2021-246, 2021-260, 2021-269
IV. La prise en charge des mineurs non accompagnés
A. L’accompagnement socio-éducatif des mineurs non accompagnés
1. Le statut juridique des mineurs confiés
• CIDE, art. 3, 12, 20• Code civil art. 373, 375-5, 373-2-6, 390, 411, 411-1• Code de procédure civile, art. 1217• Cour de cassationCour de cassation, Civ. 1 ère, 23 juin 1987, n° 85-17126 – les dispositions de l’art. 1217 CPC et 390 CC permettent même au juge des tutelles des mineurs, informé par tout intéressé, au premier chef desquels le département, le mineur lui-même ou son avocat, d’une situation dans laquelle une tutelle doit s’ouvrir de plein droit, de se saisir d’office de la situation, faisant ainsi usage d’une prérogative discrétionnaire• Tribunal de grande instance de Toulouse, ordonnance du 6 janvier 2019 n°6/2019 • Défenseur des droitsDécision n°2019-267 du 15 mars 2019 – l’absence de diligence des services de l’ASE à saisir le juge des enfants ou le JAF exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs de la situation de cet adolescent, a porté atteinte à ses droits et à son intérêt supérieur, s’agissant de mineurs non accompagnés, l’autorité parentale doit pouvoir s’exercer
2. L’hébergement et l’accompagnement éducatif
2-1. L’hébergement
• CIDE, art. 20• ConvEDH, art. 3• CASF, L 221-1, L. 221-2, L. 223-2, L. 312-1, L. 313-10, L. 321-1• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 1e et 4e chambres réunies, décision n°428478 du 5 février 2020 – reconnaissance de l’effet direct de l’article 20 CIDE• Défenseur des droitsDéfenseur des droits, « Rapport d’observation : Démantèlement des campements et prise en charge des exilés, Calais – Stalingrad », décembre 2016Décision n°2019-058
Décision n°2021-010 du 3 février 2021Avis du Défenseur des droits sur le projet de loi relatif à la protection de l’enfance n° 21-08 et 21-15
2-2. L’accompagnement éducatif
• CIDE, art. 3, 20
• Code civil art. 375• CASF art. L 223-5, L. 223-1-1• Décret n°2016-1283 du 28 septembre 2016
• Défenseur des droitsDécision n°2019-058 du 28 mars 2019

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B.Le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés
1.Le droit à l’identité : la reconstitution des actes d’état civil
• CIDE, art. 8
• ConvEDH, art. 8
• Code civil, art. 17-3, 21-12, 26 et suivants, 46• Décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclaration de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française modifié par l’article 36 du décret n° 2019-1507 du 30 décembre 2019.• Circulaire du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant
les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C), dont annexes 2 et 3
• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH, Dadouch c. Malte, 20 juillet 2010, req. 38816/07 ; sur le changement de sexe, CEDH, Hämäläinen c. Finlande, 16 juillet 2014, req. 37359/09, sur la transcription d’acte de naissance ; CEDH, Mennesson c. France, req. 65192/11, et Labassee c. France, 26 juin 2014, req. 65941/11. – la CEDH rappelle que la question de l’état civil relève du champ d’application de l’article 8 de la Convention, dans ses volets « vie privée », « vie sociale » et / ou « vie familiale»CEDH, Jäggi c. Suisse, 13 juillet 2006, req. 58757/00 – obligations positives à la charge de l’Etat.CEDH, Mikulić c. Croatie, 7 févr. 2002, req. 53176/99 – le droit au respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain .• Conseil d’EtatConseil d’Etat, juge des référés, 26 février 2010, n° 336018 – les mineurs ne peuvent être pénalisés par les dysfonctionnements de leur pays au niveau de leur état civil• Tribunal administratif de Nantes, 17 septembre 2013 n°1306737 et 02 juillet 2014 n°1210760 ;• Cours d’appelCour d’appel de Toulouse, chambre spéciale des mineurs, arrêt du 14 décembre 2018, n°2018/260 ;Cour d’appel de Douai, chambre des mineurs, arrêt du 26 juillet 2018 n°18/01565 et du 19 avril 2018 n°1703349Cour d’appel de Paris, 24 février 1977, D.S. 1978, 168 ; 2 avril 1998 D. I.R. 137, R.T.D.C. 1998 651 – il est d’intérêt public que toute personne vivant habituellement en France, même si elle est née à l’étranger et possède une nationalité étrangère, soit pourvue d’un état civilCour d’appel de Paris, 3 juillet 2008, n° 07/05 600 – Le jugement supplétif de naissance établit de façon certaine la date de naissance et la filiation
2.Le droit à l’éducation et à la formation professionnelle
• CIDE, art. 28• ConvEDH, art. 14• ConvEDH, protocole additionnel, art. 2• Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 17• Préambule de la constitution de 1946, 13e alinéa• Cour européenne des droits de l’hommeCEDH Leyla Şahin c. Turquie [GC], 10 novembre 2005, no 44774/98, § 137, CEDH 2005-XI.CEDH, Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, §278 CEDH, Affaire linguistique Belge,23 juillet 1968

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2-1. L’accès à la scolarité
• CIDE, art. 28• Code de l’éducation, art. L. 111-1, L. 122-1, L. 131-1, L. 131-4 , L. 131-7• Circulaire n° 2012- 141 en date du 2 octobre 2012 relative à l’organisationde la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 15 février 2017, n° 407355, la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’isolement sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale• Cour administrative d’appel de Paris, 14 mai 2019, n°18PA02209 ( voir aussi tribunal administratif de Marseille, 18 octobre 2018, n°1808286) – la circonstance qu’il existe des doutes sur l’âge de l’intéressé ne fait pas obstacle à ce que le recteur procède à son affectation• Tribunal administratifTribunal administratif de Poitiers, 12 juillet 2016, n°1601537, le refus pour un département d’inscrire un mineur isolé de 17 ans dans un établissement scolaire était constitutif d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentaleTribunal administratif de Nancy, 5 octobre 2018, n°1802680 et 21 décembre 2018, n°1802680 – un mineur non accompagné que le conseil départemental n’avait pas scolarisé, alors même qu’il exerçait de façon continue sur le mineur, une autorité de fait se trouvait « en situation de non-droit », situation constitutive « d’une atteinte grave à une liberté fondamentale »• Défenseur des droitsDécisions n°2021-230 du 5 novembre 2021, 2021-010 op.cit., et 2019-230 du 17 septembre
2019 – la Défenseure des droits recommande que le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés soit mis à profit pour engager immédiatement les procédures d’accès à l’éducation. En effet, la décision administrative de refus de prise en charge elle-même n’est pas une décision définitive dans la mesure où la personne évaluée majeure conserve la possibilité de saisir le juge des enfants de sa situation
2-2. L’accès à la formation professionnelle
• Code du travail, art. L. 5221-5, R. 5221-22• Décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 relatif à l’emploi d’un salarié étranger, NOR : MTRD2103454D• Note du 12 juillet 2021 du ministère de l’Intérieur et
du ministère du Travail, relative
aux « Travailleurs étrangers et autorisation de travail -modalités d’application des dispositions de code du travail » n° NOR INTV2121684J
• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 15 février 2017, n°407355 – rappelle, au visa de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, que les mineurs étrangers devaient être regardés comme autorisés à séjourner en France et que, par conséquent, une autorisation de travail sollicitée dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation devait leur être accordée de plein droit.
2-3. Ouverture d’un compte bancaire
• Code monétaire et financier, art. L. 312-1• Défenseur des droitsDécision cadre n° 2016-179 du 24 novembre 2016

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3. Le droit à la santé
• CIDE, art. 24 , 26• Arrêté du 28 juin 2019 pris en application de l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles et relatif à la participation forfaitaire de l’État à la phase de mise à l’abri et d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.• Instruction n° DGS/SP1/DGOS/SDR4/DSS/ SD2/DGCS/2018/143, du 8 juin 2018, relative à la mise en place du parcours de santé des migrants primo-arrivants.• Défenseur des droitsDécisions du Défenseur des droits n°2019-058, 2019-230 et 2021-010
4. Le droit aux loisirs et à la culture
• CIDE, art. 31• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n°2019-058 du 28 mars 2019
V. La majorité
A.L’accompagnement éducatif vers l’autonomie et les mesures d’aide aux jeunes majeurs
1.La protection jeune majeur
• CASF, art. L. 112-3, L. 222-1, L. 222-2, L. 222- 5, L. 222-5-1, R. 223-2• Circulaire interministérielle du 25
janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C)
• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 26 février 1996, n°155639 – le président du conseil général n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir le bénéfice de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation sous le contrôle du juge administratifConseil d’Etat, 13 avril 2018, N° 419537 – la carence du département dans l’accompagnement d’un jeune étranger isolé vers l’autonomie, en omettant de réaliser l’entretien prévu à l’article L. 222-5-1 portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale• Cour administrative d’appel de Paris, 29 avril 2014, n°13PA03173 – la motivation obligatoire des refus d’attribution de prestation implique une motivation en droit et en fait portée à la connaissance de son destinataire• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n° 2018-137 du 19 avril 2018 Décision du Défenseur des droits n°2018-166 du 1er juin 2018Décision du Défenseur des droits n°2018-300 du 27 décembre 2018
– la limitation des possibilités d’octroi des prestations d’aide sociale à l’enfance prévues en faveur des jeunes majeurs à ceux pris en charge par l’ASE avant leurs seize ans constitue une discrimination indirecte fondée sur les critères de l’origine et de la non-appartenance à la nation française.Décision du Défenseur des droits n°2019-058 Avis du Défenseur des droits n°21-15 op.cit.
2.La garantie jeunes
• Code du travail, art. L. 5131-3 , L. 5131-6• Défenseur des droitsAvis du Défenseur des droits n°21-15

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B. L’admission au séjour
• CESEDA art. L. 423-22, L. 435-3, L. 422-1, L. 423-23, L. 435-1• Circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA (NOR : INTK1229185C)• Instruction relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’ASE (NOR: INTV2012657J), 21 septembre 2020• Défenseur des droitsRapport du 9 mai 2016, « Droits fondamentaux des étrangers en France »Rapport du 17 janvier 2019, « Dématérialisation et inégalité d’accès au service public »
1.La justification de l’identité du demandeur
• Code civil, art. 47
• CESEDA, art. L. 111-6, R. 431-10
• Conseil d’EtatCE 12 juin 2020, n°418142 – le Conseil d’Etat a ainsi été appelé à se prononcer sur la portée d’une note d’actualité émise par la division
de l’expertise de la fraude documentaire et de l’identité de la direction centrale de la PAF, préconisant de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen. La haute juridiction précise que cette note ne saurait dispenser les autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y sont tenues, à un examen au cas par cas des demandes, au regard des différentes pièces produites à leur soutien
(dans le même sens tribunal administratif de Nîmes, 3 juillet 2020, n°1904463)• Cour administrative d’appelCour administrative d’appel de Paris, 16 nov. 2015, n°15PA00399 – le préfet ne peut pas rejeter une demande de titre au motif que l’acte de naissance produit serait apocryphe sans prendre en considération un acte de naissance établi postérieurement par les autorités consulaires, dans les formes prescrites, qui se substituait à l’acte irrégulierCour administrative d’appel de Lyon, 3 déc. 2020, n°19LY04177Cour administrative d’appel de Nantes, 5 fév. 2021, n°20NT01402 – qu’un nouveau jugement supplétif et la copie intégrale d’acte de naissance légalisés, dont les mentions d’état civil concordent avec celles figurant sur les documents fournis à l’appui d’une demande de titre de séjour, produits pour la première fois en appel et dont le préfet ne conteste pas l’authenticité, doivent être regardés comme établissant avec une force probante suffisante l’état civil de l’intéressé• Défenseur des droitsDécision du Défenseur des droits n°2020-127 du 15 juin 2020 Décision du Défenseur des droits n° 2022-009 du 6 janvier 2022
2. La question de la fraude
• Code pénal, art. 441-1, 441-6 • CRPA, art. L. 123-1, L. 123-2

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3. Les liens avec la famille au pays d’origine
• CESEDA, art. L. 423-22 et 435-3• Circulaire interministérielle du 25
janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C)
• Conseil d’EtatConseil d’Etat, 2e et 7e ch. réun., 11 déc. 2019, n° 424336 – en faisant
« du critère de l’isolement familial un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 , alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française, la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit
• Cours administratives d’appelCour administrative d’appel de Douai, 2 juillet 2020, n° 19DA00913 –application de l’arrêt précité du Conseil d’état dans le cadre de l’examen d’une demande de titre de séjour mention vie privée et familiale, prévu à l’article L. 313-11-2 bis (désormais L. 423-22)Cour administrative d’appel de Nancy, 8 déc. 2020, n° 20NC03342• Tribunal administratifTribunal administratif de Lille, 2 mai 2018, n°180110
Tribunal administratif de Lyon, 12 décembre 2019, n°1903952
4. La formation professionnelle, l’insertion du jeune majeur dans la société française et l’article 8 de la ConvEDH
• ConvEDH, art. 8
• CESEDA, art. L. 423-23
• Cours administratives d’appelCour administrative d’appel de Paris, 7e ch., 27 nov. 2015, n° 15PA01205 Cour administrative d’appel, 6e ch., 16 nov. 2015, n° 15PA00399
Cour administrative d’appel, 11 octobre 2016, n°15LYO0725
Cour administrative d’appel, 14 nov. 2019, n°19BX00402• Défenseur des droitsDécision n°2019-124
Décision n° 2020-032 du 4 février 2020 et 2020-039 du 6 février 2020

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Décision MDE 2012-179 du 21 décembre 2012

  1. 15  Cour de cassation, 1e. civ. 22 mai 2007, n° 06-17238
    (« un délai de trente-neuf heures entre la révélation de la minorité et la désignation de l’administrateur ad hoc fait nécessairement grief au mineur). Voir aussi, Cour de cassation, 1e civ. 6 mai 2009, n° 08-14519 (« tout retard dans la mise en œuvre de l’obligation de nomination d’un administrateur ad hoc, en absence de justification de circonstances particulières, porte nécessairement atteinte aux intérêts du mineur »).
  2. 16  Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 mars 2009, 08-14.125. Publié au bulletin.

17 Cour d’appel de Toulouse, chambre de la famille – protection juridique, arrêt du 28 janvier 2020 n°18, n°RG 19/00192.

  1. 2  Rapport du Défenseur des droits remis au Comité des droits de l’enfant le 10 juillet 2020 https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de- presse/2020/07/rapport-du-defenseur-des-droits-au- comite-des-droits-de-lenfant-de-lonu
  2. 3  Article 3 de la CIDE : reconnu d’effet direct par le CE (CE, 22 septembre 1997, n°161364) et par la Cour de Cassation (C.Cass 1ère civ., 18 mai 2005, n°02-20613 ; ass. plén., 3 juin 2011, n°09-69052 ; 1ère civ., n°260 du 20 mars 2019).
  3. 4  CEDH, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, n°13178/03, § 55, CEDH 2006-XI.
  4. 5  Rahimi c. Grèce, précité.
  5. 6  Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga, précité.
  6. 7  Voir sur ce point la Question parlementaire n° 26140 et la réponse écrite publiée au JO, le 22/09/2020 : https:// questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-26140QE.htm
  7. 8  Voir le rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies – 10 juillet 2020, page 39.
  8. 9  Les mesures d’aide sociale à l’enfance représentent toutes les mesures financées d’une manière ou d’une autre par l’ASE, c’est-à-dire les enfants accueillis
    en protection de l’enfance, confiés en mesures administratives ou judiciaires, les placements directs ordonnés par le juge ainsi que les actions éducatives à domicile ou en milieu ouvert.

10 Une nouvelle version du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), remaniée et renumérotée, est entrée en vigueur le 1er mai 2021.

  1. 11  Le lecteur pourra utilement consulter l’ensemble des rapports de l’ANAFÉ, association présente dans les zones d’attente, dont le rapport de septembre 2020, « Refuser l’enfermement, critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente ».
  2. 12  Voir décision du Défenseur des droits n° 2017-144 du 26 juin 2017.
  3. 13  Conseil constitutionnel, décision n°2019-797 QPC du
    26 juillet 2019 – figurent parmi les protections attachées à la qualité de mineur celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée.
  4. 14  Voir infra, la position du Défenseur des droits sur les examens radiologiques d’âge osseux.

18 Article 13, I.,1°.

19 Article L352-1 du CESEDA.

20 Voir avis du Défenseur des droits n°14-10 du 6 novembre 2014 et n°15-05 du 1er avril 2015.

21 Voir, par exemple, CEDH, 26 juil. 2007, Gebremedhin c. France, n°25389/05.

  1. 22  Circulaire n° CIV/01/05 du 14 avril 2005, prise en application du décret n° 2003-841 du 2 septembre 2003 relatif aux modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par l’article 17 de
    la loi n° 2002- 305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale [DACS 2005-01 C1/14-04-2005 NOR : JUSC0520090 C].
  2. 23  Voir infra, partie II.
  3. 24  Tribunal administratif de Paris, 29 juin 2021,n° N°2113440/8.

25 Idem.

26 Voir aussi rapport inter-associatifs d’octobre 2020, « Les manquements des autorités françaises aux devoirs élémentaires de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits des mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s en danger aux frontières terrestres de la France (frontières franco- italienne, franco-espagnole et franco-britannique ) ».

27 Conseil d’État, 5 février 2020, n°428478 et 428826.

  1. 28  OG n°6, CRC/GC/2005/6, 1er septembre 2005.
  2. 29  Observation générale conjointe n° 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n° 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, CMW/C/ GC/4−CRC/C/GC/23, 16 novembre 2017.

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

Notespage119image479796160page119image479795968page119image479795776page119image479795200page119image479795392

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30 Selon les articles 23 et 24 du code frontières Schengen (CFS).

31 Articles 25, 26, 27 du CFS.

32 Article 78-2 du code de procédure pénale.

  1. 33  Le jour franc est une période de 24h, à partir de la notification du refus d’entrée, durant laquelle une personne ne peut pas être refoulée.
  2. 34  Voir notamment l’avis n° 18-14 du 17 mai 2018, pages 29 et suivantes.
  3. 35  Tribunal administratif de Nice, n° 1904929 du 18 octobre 2019, n° 2000570 du 7 février 2020, n° 2000856 du 24 février 2020, n° 2000858 du 28 février 2020,
    n° 2000948 du 28 février 2020.
  4. 36  Voir la décision du Défenseur des droits n° 2018-100 du 25 avril 2018.
  5. 37  Les points de passage frontaliers (PPF) concernent quant à eux le passage des frontières extérieures de l’Union européenne.

38 Tribunal administratif de Nice, Ordonnance du 23 février 2018 n°1800699.

39 Ancienne codification.

40 Idem.

  1. 41  Voir aussi CGLPL – Rapport de la deuxième visite des services de la police aux frontières de Menton (Alpes- Maritimes) du 4 au 8 septembre 2017.
  2. 42  Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale
  3. 43  Décision du Défenseur des droits MDE 2012-179 op. cit.
  4. 44  Voir Décret n° 2004-226 du 9 mars 2004 portant publication de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002.
  5. 45  Ancienne codification
  6. 46  Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes
    et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

47 CJUE 19 mars 2019, Jawo, C-163/17. 48 Article 4 de la directive 2008/115.

49 Conseil constitutionnel, décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019, §7. En outre, conformément à l’article
L. 411-1 du CESEDA, l’obligation de détenir un titre de séjour ne concerne que les étrangers de plus de 18 ans, il ne peut donc être opposé aux jeunes se disant mineurs non accompagnés l’irrégularité de leur séjour sur le territoire français. Par voie de conséquence, et comme le prévoient les articles L.611-3 et L. 631-4 du CESEDA, l’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

50 Voir sur le site de l’OFPRA https://www.ofpra.gouv.fr/fr/ asile/les-mineurs-non-accompagnes

51 Conseil constitutionnel, décision DC 93-325 du 13 août 1993.

52 Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.

53 CESEDA, article L 512-1.
54 Décisions du Défenseur des droits n°2021-269 et 2021-

260.

55 Voir le guide des procédures à l’OFPRA, chapitre 9 (https://www.ofpra.gouv.fr/fr/textes-documents/guide- des-procedures) et le livret d’accueil pour les personnes reconnues apatrides établi par l’OFPRA. (https://ofpra. gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/livret_daccueil_ apatrides_juin2019_v2.pdf)

56 Pour de plus amples informations sur la procédure d’asile, voir sur le site infoMIE : https://www.infomie.net/ spip.php?rubrique200

57 Circulaire N°NOR: INT/D/05/00051/C à l’attention des préfets, du 22 avril 2005.

  1. 58  Tribunal administratif de Lyon, 19 avril 2018, n°1802611
  2. 59  CJUE – 18 juillet 2013, MA, BT, DA – Affaire C-648/11
  3. 60  RÈGLEMENT (UE) N° 604/2013 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (voir infra)

61 CJUE, NS, 21 décembre 2011 et CEDH, 21 janvier 2011, MSS c./Belgique et Grèce

  1. 62  CEDH, Gde Ch., 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, req. n°29217112
  2. 63  Articles R.111-13 à R.111-23
  3. 64  Voir pour de plus amples informations, le site internet de l’OFPRA pour ce qui est de la distinction entre statut de réfugié et protection subsidiaire
  4. 65  Voir infra partie III – B (2-iii) sur l’état civil et supra

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66 Article L.561-2 CESEDA
67 CJUE – 12 avril 2018, A et S, affaire C-550/16 68 Règlement Dublin III, considérant 13.

69 Communication de la commission au parlement européen et au Conseil – La protection des enfants migrants – Bruxelles – 12 avril 2017.

70 Voir notamment la décision du Défenseur des droits n° 2016-113 du 20 avril 2016

71 Courrier du ministère de l’Intérieur à la Défenseure des droits, 4 juin 2021

  1. 72  S’agissant du droit à une vie familiale normale, la CIDE indique dans son article 9 que « Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».La Convention précise à l’article 10, « Conformément
    à l’obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l’article 9, toute demande faite par
    un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence »
    .Selon le Comité des droits de l’enfant, « Afin de s’acquitter pleinement de l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 9 de la Convention de veiller à ce qu’un enfant ne soit pas séparé de ses parents contre son gré, tout devrait être fait pour restituer à ses parents un enfant non accompagné ou séparé, sauf si la poursuite de la séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’intéressé, compte tenu du droit de l’enfant d’exprimer son opinion (art. 12) ».
  2. 73  Charte des droits fondamentaux de l’union européenne du 12 décembre 2007.
  3. 74  CJUE, Brahim Samba Diouf v. Ministre du Travail, 28 juillet 2011
  4. 75  CEDH, De Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, §83
  5. 76  Le Tribunal supérieur de l’immigration du Royaume
    Uni, (R on the application of MS &MAD) v Secretary of State for the Home Department [2018] JR 9682, para 188), a considéré qu’une interprétation étroite du terme « décision de transfert » de l’article 27 du règlement était incorrecte et qu’autoriser un recours uniquement à l’égard des critères d’application conduisant à la décision de transfert serait « arbitraire et (…) injustifié ».

77 CEDH, Moustahi c. France, n°9347/14, 25 juin 2020, § 110

78 Conseil d’État, 4 mai 2011, Ministère des Affaires étrangères, req. N° 348778 ; Conseil d’État, Section, 30 octobre 2001, n° 238211.

79 Voir notamment la décision du Défenseur des droits n° 2016-113 du 20 avril 2016.

80 L’article 17 du règlement 604/2013/UE prévoit que
« Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ».

81 Le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), et le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF).

82 Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2020, des milliers de migrants sur l’île grecque de Lesbos se sont retrouvés sans abri, après qu’un énorme incendie a ravagé Moria, le plus grand camp de réfugiés de Grèce, qui abritait dans des conditions extrêmement précaires, près de 12000 exilés.

83 Chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur 84 Octobre/novembre 2021
85 Voir réunification familiale, infra

86 Ont été élaborés et adressés aux acteurs du programme, une note de la préfète en charge de la relocalisation des mineurs non accompagnés de Grèce, accompagnée d’un « schéma de procédure », en date du 14 janvier 2021, un courriel de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à l’attention de présidents et présidentes, procureures et procureurs généraux de certaines cours d’appel, daté du 2 février 2021, et un courrier d’information en date du 22 février 2021 de

la part du secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles à l’attention des présidents et présidentes des conseils départementaux.

87 Décision du Défenseur des droits n°2021-049 du 22 février 2021

88 https://ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews. aspx?NewsID=26375&LangID=E

89 CRC/C/81/D/22/2017, CRC/C/81/D/16/2017, CRC/ C/82/D/27/2017 §9.3; CRC/C/79/D/11/2017 §12.3; CRC/C/83/D/21/2017 §10.9; CRC/C/83/D/24/2017 §10.3; CRC/C/85/D26/2017 §9.8; CRC/C/85/D/28/2017 §9.8; CRC/C/82/D/17/2017 §13.3.

90 Au titre des articles 375, 375-3 et 375-5 du code civil

91 Voir Conseil d’Etat, 13 mars 2019, n°427708

92 Conseil Constitutionnel – Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 – considérant n°6

93 Conseil Constitutionnel – Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019 – considérant n°7

94 CEDH – Requête n° 14356/129 – mesures provisoires en date du 15 mars 2019

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

95 Voir infra sur le comité et les mesures provisoires

96 Voir infra sur le comité des droits de l’enfant

97 Conseil d’Etat, 4 juin 2020, n° 440686 ; 12 juin 2020, n°440922 ; 3 novembre 2020, n°445714 ; 10 novembre 2021, n°457995

98 Voir rapport du Défenseur des droits, « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais », décembre 2018

99 Décision n°MDE- 2016-113 du 20 avril 2016
100 CEDH, Khan c. France, 28 février 2019, requête

n°12267/16

  1. 101  Voir Décision du Défenseur des droits n°2018-003 du 19 janvier 2018 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l’homme
  2. 102  Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne, Décision du 2 décembre 2021, CM/Del/ Dec (2021)1419/H46-13https://search.coe.int/cm/pages/result_details. aspx?ObjectId=0900001680a4a6f5
  3. 103  Article 225-4-1 du code pénal
  4. 104  Coordonnée par la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP) publiée en 2019
  5. 105  CEDH – 16 février 2021, affaire V.C.L. et A.N. c. Royaume-Uni, n°77587/12 et 74603/12, violation de l’article 4 de la Convention
  6. 106  « Recherche-action sur la situation des mineurs non accompagnés marocains », avril 2018, association Trajectoires
  7. 107  « En route vers le Royaume-Uni, enquête de terrain auprès des migrants vietnamiens », FTDA, 2017

108 « Mieux accompagner les mineurs contraints à commettre des délits », guide de Hors la Rue, novembre 2020

109 L’association « Hors La Rue » a repris cette activité

110 Rapport de l’association Trajectoire , op. cit.

111 Courrier au Défenseur des droits – reçu le 9 janvier 2019

112 Voir l’article « Mineurs non accompagnés en prison : les victimes d’un système », 2 décembre 2019, par l’Observatoire international des prisons – section française (https://blogs.mediapart.fr/observatoire- international-des-prisons-section-francaise/ blog/021219/mineurs-non-accompagnes-en-prison- les-victimes-d-un-sy)

113 Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, ETUDE RELATIVE AUX MINEURS DEFERES (sur la semaine du 16 au 22 septembre 2019), octobre 2020

114 Source : Séminaire DPJJ 18 mai 2021 – L’expérience carcérale des MNA : dispositifs et prises en charge des MNA

115 A titre d’exemple l’association Hors la Rue intervient en détention au centre des jeunes détenus de Fleury- Mérogis

116 Note JUSF1821612N du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales

117 L’article 33 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 indique :
« 1. Lorsque l’autorité compétente en vertu des articles 5 à 10 envisage le placement de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un établissement, ou son recueil légal par kafala ou par une institution analogue, et que ce placement ou ce recueil aura lieu dans un autre Etat contractant, elle consulte au préalable l’Autorité centrale ou une autre autorité compétente
de ce dernier Etat. Elle lui communique à cet effet un rapport sur l’enfant et les motifs de sa proposition sur le placement ou le recueil.

2. La décision sur le placement ou le recueil ne peut être prise dans l’Etat requérant que si l’Autorité centrale ou une autre autorité compétente de l’Etat requis a approuvé ce placement ou ce recueil, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

118 Comme indiqué précédemment la rédaction de ce rapport est intervenue avant l’adoption définitive du projet de loi relatif à la protection des enfants.

119 GUIDE DE BONNES PRATIQUES EN MATIERE D’EVALUATION DE LA MINORITE ET DE L’ISOLEMENT, des personnes se déclarant comme mineur(e)s et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille – décembre 2019

120 Conseil Constitutionnel, 21 mars 2019, Décision n°2018- 768 QPC

121 Voir décisions du Défenseur des droits n° 2020-140, n° 2020-110 et n°2020-166

122 Conseil d’État, 25 janvier 2019, ordonnances n° 427169 / n° 427170 / n° 427167.

123 Conseil d’État, 5 février 2020, n° 428478, 428826.

124 Conseil Constitutionnel, 21 mars 2019, Décision n°2018- 768 QPC.page122image479257216page122image479257408page122image479257600page122image479257792page122image479257984page122image479258176

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  1. 125  Voir à ce titre la décision du Conseil d’Etat du 4 juin 2020 (n°440686) : « Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire ».
  2. 126  Décret n° 2016-1476 du 28 octobre 2016 pris en application de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’évaluation de
    la situation de mineurs à partir d’une information préoccupante, réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels – art. 1
  3. 127  Le traitement automatisé de données à caractère personnel VISABIO, concerne l’enregistrement des empreintes des ressortissants étrangers sollicitant l’obtention d’un visa. Il a pour finalité initiale de permettre l’instruction des demandes de visa. Il vise aussi à garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France en prévenant les fraudes documentaires et fraudes à l’identité, ainsi que les usurpations d’identité. VISABIO constitue en outrela partie nationale du système biométrique VIS (Visa Information System) dont les modalités de mise en œuvre sont définies par un système européen
  4. 128  Le fichier AGDREF concerne les ressortissants étrangers et a pour finalité la gestion de leurs dossiers par les préfectures, la fabrication des titres de séjour, mais également la gestion des mesures d’éloignement
  5. 129  Ces dispositions sont reprises à l’article 15 du projet de loi relatif à la protection des enfants
  6. 130  Conseil Constitutionnel – Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019
  7. 131  Conseil Constitutionnel – Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019
  8. 132  Conseil d’État, 3 avril 2019, n°428477 et 428831 : ordonnance relative au décret n°2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement
    ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes
  9. 133  Article R.221-11 du CASF
  10. 134  Décision du Défenseur des droits °2019-105 du20 septembre 2019
  11. 135  Décision du Défenseur des droits n°2019-067 du 15 mars 2019
  12. 136  Au moment de la rédaction du présent rapport, le texte devait être soumis à la commission mixte paritaire en janvier 2022.

137 Voir Avis de la Défenseure des droits n° 21-08 du 25 juin 2021 et 21-15 du 15 octobre 2021

138 Circulaire interministérielle relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C) du 25 janvier 2016

139 Voir notamment décision du Défenseur des droits 2019-058 du 28 mars 2019 et décision 2020-140 du 16 juillet 2020

140 Cour d’appel de Douai, 4 mars 2014, n°13/05775

141 Cour d’appel de Rouen, 02 avril 2019, n°RG18/04400. Voir également cour d’appel de Rouen, 28 mai 2019, n°RG19/00221.

142 Cour d’appel de Lyon, 04 juillet 2017, n°171216 ; voir également cour d’appel de Rouen, 16 janvier 2018, n°1701725 ; cour d’appel de Toulouse, 14 décembre 2018, n°2018/260, RG 18/00231 ; cour d’appel de Toulouse, 07 juin 2019 n°2019/137, n°RG 19/00057

143 Cour d’appel de Toulouse, chambre de la famille, 31 mars 2020, arrêt n°18, RG 19/00192

144 Voir infra sur le respect du droit à la santé des MNA 145 Voir notamment décision du Défenseur des droits

2021-010 du 3 février 2021

146 Dictionnaire pratique du travail social – 2e éd. de Stéphane Rullac, Laurent Ott

147 Décision du Défenseur des droits n°2019-058, op. cit.

148 Décision du Défenseur des droits n°2021-070, op. cit.

149 Décision du Défenseur des droits n°2021-245 du
7 septembre 2021 ; Décision du Défenseur des droits n°2021-260 du 30 septembre 2021

150 Circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels – NOR : JUSF1602101C

151 Voir infra

152 Voir supra Conseil d’Etat, 4 juin 2020, N° 440686, op.cit.

  1. 153  Voir décisions du Défenseur des droits 2014-217, 2016- 183, 2020-140, 2021-010 notamment.
  2. 154  Même si les jeunes peuvent être domiciliés chez
    leur avocat pour les besoins des procédures juridictionnelles, il est utile d’avoir une domiciliation administrative pour l’ensemble des autres démarches (santé, etc.).

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

155 Un formulaire à remplir est disponible en ligne (https:// www.ohchr.org/Documents/HRBodies/PUAS-online- form-F.docx). Il est primordial de citer précisément les articles de la CIDE qui ont été violés et préciser pour chaque article la manière dont l’État partie, par les faits décrits, n’a pas respecté ses obligations. Il doit être indiqué également les réparations souhaitées.

La saisine doit être datée et signée. Des documents annexes peuvent être joints en complément, notamment les copies de toute décision de justice,
de tout autre document officiel pertinent, tels que les rapports médicaux, attestations de professionnels, etc. La saisine ainsi que les documents annexes sont à envoyer par courriel à l’adresse (petitions@ohchr.org)

  1. 156  Voir notamment Comité des droits de l’enfant CRC/ C/79/D/11/2017 §12.11 ; CRC/C/82/D/27/2017 §9.13; CRC/C/83/D/21/2017 §10.19.
  2. 157  Conseil d’Etat, juge des référés, 4 juin 2020 N° 440686 op.cit. ; voir également Conseil d’Etat, 03 novembre 2020, n°445714 ; Décision n°2020-209 du 15 octobre 2020
  3. 158  Voir aussi Tribunal administratif de Paris, n°2006746, 2006563, 20 avril 2020 n°2006406/9, 17 avril
    2020, n°2006177/9, 15 avril 2020, n°2006223/9 et n°2006241/9 ; tribunal administratif de Lyon, 22 septembre 2020, n°2006543; 17 avril 2020, n°2002719, n°2002702, 10 avril 2020, n°2002586 ; 11 avril 2020, n°2002621 ; tribunal administratif de Bordeaux, 24 avril 2020, n°2001841, n°24042020, 06 août 2020, n°2003421, etc.
  4. 159  Voir Observations du Défenseur des droits 2016-257 du 7 octobre 2016 et 2019-054 du 20 février 2019.
  5. 160  Voir Cour d’appel de Caen, chambre des appels correctionnels, 10 février 2017, n°17/00056 : la cour indique « De l’ensemble de ces observations et constatations, il peut légitimement se déduire que
    le document concerné présente à l’examen des caractéristiques de nature à créer un doute quant au fait qu’il ait été effectivement délivré par une autorité afghane légitime à ce faire, sans que toutefois il puisse se déduise de la nature de ces « anomalies » ou à
    tout le moins « constatations interrogeantes » que son utilisateur avait nécessairement connaissance des dites anomalies et conscience que celles-ci étaient de nature à affecter la sincérité et l’authenticité du document concerné », pour conclure « En l’absence au moins de preuve de l’existence de l’élément moral des infractions reprochées au prévenu, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a renvoyé des fins de poursuites ».
  6. 161  Voir avis du Défenseur des droits n°21-12 du 20 septembre 2021

162 Voir avis n°21-12 op.cit

163 Voir décision du Défenseur des droits n°2020-148 du 16 juillet 2020 relative à l’assistance éducative

164 Cour d’appel de Colmar, chambre spéciale des mineurs, 21 avril 2015, arrêt n°92/15

165 L’article 4 du code civil prévoit que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

166 Voir notamment la recommandation du Défenseur des droits n°5 du 21 décembre 2012 et sa décision 2016-52 du 26 février 2016

167 Défenseur des droits, décisions n°2021-219 ; 2021-245 ; 2021-246 ; 2021-294 ; 2021-307 ; Cour de cassation, civ. 1e, 12 janvier 2022 n°20-17343

168 Cour de cassation, 1ère civ., 6 janv. 2010, n°08-18871

169 CRC/C/83/D/21/2017 §10.17 ; CRC/C/83/D/24/2017 §10.9 ; CRC/C/85/D/26/2017 §9.16 ; CRC/ C/85/D/28/2017 §9.15 ; CRC/C/82/D/17/2017 §13.9 ; CRC/C/82/D/27/2017 §9.10

170 Cour européenne des droits de l’homme, 5e Sect. 26 juin 2014, Mennesson c. France, Req. n° 65192/11 §96 ; 5e Sect. 26 juin 2014, Labassée c. France, Req. n° 65941/11 §75.

171 CRC/C/83/D/21/2017 §10.2

  1. 172  Cour de cassation, civ., 23 novembre 1840, cour d’appel d’Aix 20 mars 1862, cour d’appel de Paris 2 août 1876, cour d’appel de Paris 25 juin 1959
  2. 173  Cour de cassation, 1ère civ., 28 juin 2005, pourvoi
    n° 00-15.734, Bull. 2005, I, n° 289 ; com., 28 juin 2005, pourvoi n° 02-14.686, Bull. 2005, IV, n° 138
  3. 174  Cour de cassation, 1ère civ., 23 janv. 2008, n° 06-13.344
  4. 175  Cour de cassation, 1ère civ., 14 juin 2019, n° 18-24.747

176 https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain

177 Cour d’appel d’Amiens, chambre spéciale des mineurs, 5 février 2015 n° 14/03740, 18

178 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, article 16.

179 Cour de cassation, 1ère civ., 3 avr. 2019, n° 18-15.192
180 Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999,

NOR : JUSX9903625J.

181 Les autorités consulaires du pays d’origine de l’acte basées en France sont compétentes au même titre que les autorités consulaires françaises basées dans ledit pays pour légaliser l’acte en question. Voir Cour de cassation, 1ère civ., 3 décembre 2014, 13-27.857 ; voir aussi Cour de cassation, 1ère civ., 13 avril 2016, n°15-50 018

182 Conseil d’État – juge des référés, 12 février 2021, n° 448294page124image479685888page124image479686080page124image479686272page124image479686464

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  1. 183  Voir infra sur le mineur devant le juge des enfants et l’article 47 du Code civil
  2. 184  Conseil constitutionnel, décision QPC n°2018-768, 21 mars 2019
  3. 185  Conseil constitutionnel, décision QPC n°2018-768, 21 mars 2019, considérants 9-10
  4. 186  Cour de cassation, crim. , 11 décembre 2019 n°2692 ; Cour de cassation, civ. 1e, 12 janvier 2022 n°20-17343

187 Décision du Défenseur des droits n° 2021-244, op. cit.

  1. 188  Cour de cassation, 1e civ., arrêt n°744 du 15 octobre 2020 (20-14.993) ; voir également Cour de cassation, crim. , 11 décembre 2019 n°2692
  2. 189  Conseil constitutionnel, décision QPC n°2018-768,
    21 mars 2019 ; Cour de cassation, crim. , 11 décembre 2019 n°2692.
  3. 190  Décision du Défenseur des droits n° 2021-244, op. cit.

191 Ibid.

  1. 192  Voir notamment observations n°2018-296 du 3 décembre 2018 et n°2019-275 du 6 novembre 2019, devant la Cour de cassation
  2. 193  Défenseur des droits, décision cadre n° MDE 2016-052 du 26 février 2016
  3. 194  Décision du Défenseur des droits n° 2021-244 du 06 septembre 2021
  4. 195  « Applicability of Greulich and Pyle method for age assessment in forensic practice on an Italian sample » par Marco Tisè, Laura Mazzarini, Giancarlo Fabrizzi, Luigi Ferrante, Raffaele Giorgetti, Adriano Tagliabracci dans International Journal of Legal Medicine – May 2011, Volume 125, Issue 3, pp 411–416
  5. 196  « Can the Greulich and Pyle method be used on French contemporary individuals ? » par Donca Zabet, Camille Rérolle, Julien Pucheux, Norbert Telmon, Pauline Saint- Martin dans International Journal of Legal Medicine – January 2015, Volume 129, Issue 1, pp 171–177
  6. 197  « Bone age for chronological age determination »Recommendation from the ESPR musculoskeletal task force group, 2018
  7. 198  Décision du Défenseur des droits n° 2021-50
  8. 199  Voir en particulier « Validation externe des modèles estimatifs de l’âge utilisant les troisièmes molaires » thèse pour le diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire par Caroline RODRIGUEZ – 23/11/2009

200 Décision du Défenseur des droits n°2021-294 du 17 novembre 2021

201 « Contribution du scanner de l’extrémité sternale de la clavicule dans l’estimation de l’âge du sujet vivant », T. Houpert, C. Rerolle , N. Telmon, P. Saint-Martin, Revue de Médecine légale, Volume 7, Issue 1, February 2016, pp. 22-27 ; Conseil d’Etat de Belgique, section du contentieux administratif, arrêt n°246.340 du 09 décembre 2019.

202 Katja Fournier pour la Plate-forme Mineurs en
Exil, Belgique, rapport « L’estimation de l’âge des MENA en question : problématique, analyse et recommandations », 2017 : « Deux problèmes techniques sont également mentionnés par la littérature scientifique dans le cas de la radiographie de la clavicule : le risque de sur-projection et l’absence d’un consensus international sur la position et l’angle dans laquelle la radiographie doit être prise. En

effet, si l’épiphyse de la clavicule n’est pas vue sur la radiographie, il est conclu que la personne est majeure. Tant que l’épiphyse est visible cela veut dire que la clavicule n’est pas encore arrivée à maturation et

donc que la personne est probablement mineure. Or, en fonction de l’angle et la position de la personne lors de la radiographie, il est tout à fait possible de ne pas avoir radiographié l’endroit où se trouve l’épiphyse et donc de conclure de manière erronée à une maturation complète et à la majorité de la personne. »

203 La répartition nationale n’est pas applicable en Outre-Mer. Concernant la Guyane et Mayotte, il convient d’indiquer que les difficultés rencontrées par le dispositif de protection de l’enfance sont telles, qu’elles impactent l’ensemble des enfants français et étrangers, accompagnés ou non. Sur ces territoires, le Défenseur des droits invite le lecteur à se rapporter à ses travaux, notamment :

– sur Mayotte : décision 2013-87 du 22 avril 2013, rapport « Mayotte, situation sur les droits et la protection des enfants – mission du défenseur des droits – septembre 2015 », rapport « Établir Mayotte dans ses droits – février 2020 »,

– sur la Guyane : rapport « Accès aux droits et aux services publics en Guyane – mars 2017 » et décision 2017-078 du 17 février 2017

204 Circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation (NOR : JUSF1314192C).

205 Au moment de la rédaction du présent rapport, le texte issu de la lecture par le Sénat du projet de loi relatif à la protection des enfants prévoit l’insertion d’un nouvel article L. 221-2-5 au sein du CASF interdisant au président du conseil départemental de procéder à une réévaluation de la minorité et de l’isolement lorsque le mineur est orienté dans le département en application du 3e alinéa de l’article 375-5 du code civil ou lorsqu’il est confié à l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 375-3 du même code.

206 Décisions n°2021-245 ; 2021-246 ; 2021-260 ; 2021-269

Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

207 Cour d’appel de Rennes, chambre spéciale des mineurs, 28 juin 2021, arrêt n°301

208 Voir décision du Défenseur des droits n°2021-070 du 18 mars 2021

209 Voir Cour de cassation, Civ. 1 ère, 23 juin 1987, n° 85- 17126 et notamment TGI de Toulouse, ordonnance du 6 janvier 2019 n°6/2019.

210 Décision du Défenseur des droits, n°2019-267 du 15 mars 2019

211 L’article 411-1 indique :
« Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des tutelles de leur ressort.
Les tuteurs et autres organes tutélaires sont tenus de déférer à leur convocation et de leur communiquer toute information qu’ils requièrent.
Le juge peut prononcer contre eux des injonctions et condamner à l’amende civile prévue par le code de procédure civile ceux qui n’y ont pas déféré ».

  1. 212  Conseil d’Etat, 1e et 4e chambres réunies, décision n°428478 du 5 février 2020
  2. 213  Voir avis du Défenseur des droits sur le projet de loi relatif à la protection de l’enfance n° 21-08 et 21-15 op.cit
  3. 214  Voir IGAS, « Rapport définitif de contrôle de l’aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine », décembre 2020, IGAS, « L’accueil de mineurs protégés dans des structures non autorisées ou habilitées au titre de l’aide sociale à l’enfance », novembre 2020 et rapport de la Cour des Comptes « la protection de l’enfance » novembre 2020.
  4. 215  Dans l’arrêt Khan c/ France (n°12267/16 du 28 février 2019), la CEDH avait considéré qu’en tant que mineur non accompagné, le requérant « relevait de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société » et que les obligations de l’Etat à son égard s’en trouvaient de ce fait renforcées.
  5. 216  Voir décision du Défenseur des droits n°2021-010 du 3 février 2021, op. cit.

217 IGAS, rapport « L’accueil de mineurs protégés dans des structures non autorisées ou habilitées au titre de l’aide sociale à l’enfance », op. cit.

  1. 218  Voir décision Défenseur des droits op.ct. 2019-058 et décision 2021-010
  2. 219  Défenseur des droits, « Rapport d’observation : Démantèlement des campements et prise en charge des exilés, Calais – Stalingrad », décembre 2016
  3. 220  La lettre de l’ODAS « Les modes d’accueil adaptés
    aux mineurs non accompagnés : face à l’urgence,
    des départements innovent » janvier 2018 et ONPE
    « Mineurs non accompagnés – Quels besoins et quelles réponses ? » février 2017.

221 Décision du Défenseur des droits n°2019-058 du 28 mars 2019

222 Voir notamment, sur le retard dans l’enregistrement d’un acte de mariage, CEDH, Dadouch c. Malte, 20 juillet 2010, req. 38816/07 ; sur le changement de sexe, CEDH, Hämäläinen c. Finlande, 16 juillet 2014, req. 37359/09, sur la transcription d’acte de naissance ; CEDH, Mennesson c. France, req. 65192/11, et Labassee c. France, 26 juin 2014, req. 65941/11.

223 CEDH, Jäggi c. Suisse, 13 juillet 2006, req. 58757/00. 224 Par exemple, CEDH, Mikulić c. Croatie, 7 févr. 2002, req.

53176/99.

225 https://www.unicef.fr/article/malgre-un- enregistrement-des-naissances-en-nette-hausse-un- quart-des-enfants-du-monde

226 Voir notamment Conseil d’Etat réf, 26 février 2010, n° 336018 ; Tribunal administratif de Nantes, 17 septembre 2013 n°1306737 ; tribunal administratif de Nantes, 02 juillet 2014 n°1210760 ; Cour d’appel de Toulouse, chambre spéciale des mineurs, arrêt du 14 décembre 2018, n°2018/260 ; cour d’appel de Douai, chambre des mineurs, arrêt du 26 juillet 2018 n°18/01565 et du 19 avril 2018 n°1703349.

227 Circulaire du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C)

228 Voir le site internet du SSI https://www.ssi-france.org/

229 Cour d’appel de Paris, 24 février 1977, D.S. 1978, 168 ; Cour d’appel de Paris, 2 avril 1998 D. I.R. 137, R.T.D.C. 1998 651.

230 L’article 46 prévoit : « Lorsqu’il n’aura pas existé de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins ».

231 Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2008, n° 07/05 600.

232 Article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française modifié par l’article 11 du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019

233 Cour de cassation, Civ. 1e, 4 juin 2009 n°08-13541.

234 Article 29 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française modifié par l’article 36 du décret n° 2019-1507 du 30 décembre 2019.page126image476580288page126image476580480page126image476580672page126image476580864

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235 Article 26-3 du code civil

236 Voir aussi sur ce point Convention de l’UNESCO relative à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement du 14 décembre 1960

237 Voir par exemple Leyla Şahin c. Turquie [GC], no 44774/98, § 137, CEDH 2005-XI. Voir également Conseil de l’Europe, guide sur l’article 2 du Protocole 1,https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_2_ Protocol_1_FRA.pdf

238 Voir guide précité.

239 CEDH, Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, §278

240 CEDH, Leyla Şahin c.Turquie, 10 novembre 2005, §141

241 CEDH CEDH, Affaire linguistique Belge,23 juillet 1968

  1. 242  CEDH, Leyla Şahin c.Turquie, 10 novembre 2005, § 154
  2. 243  Conseil d’Etat, 15 février 2017, n° 407355

244 Tribunal administratif de Poitiers, 12 juillet 2016, n°1601537

  1. 245  Voir notamment décisions du Défenseur des droits n°2021-230 du 5 novembre 2021, 2021-010 op.cit., et 2019-230 du 17 septembre 2019
  2. 246  Cour administrative d’appel de Paris, 14 mai 2019, n°18PA02209 et voir aussi tribunal administratif de Marseille, 18 octobre 2018, n°1808286
  3. 247  L’article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations stipule que « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement […] de sa situation de famille […], une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre de l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ».

248 Tribunal administratif de Nancy, 5 octobre 2018, n°1802680 et 21 décembre 2018, n°1802680

249 Conseil d’Etat, 15 février 2017, n°407355
250 Décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 relatif à l’emploi

d’un salarié étranger, NOR : MTRD2103454D

251 Organismes agréés par le Ministère du travail chargés d’accompagner la formation professionnelle, réforme suite à l’adoption de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ; Décret n° 2018-1209 du 21 décembre 2018 relatif à l’agrément et au fonctionnement des opérateurs

de compétences, des fonds d’assurance formation des non-salariés et au contrôle de la formation professionnelle

252 Note du 12 juillet 2021 du ministère de l’Intérieur et du ministère du Travail, relative aux « Travailleurs étrangers et autorisation de travail -modalités d’application des dispositions de code du travail » n° NOR INTV2121684J

253 Toutefois, tout changement de situation (passage d’un contrat d’alternance à un CDD ou CDI) nécessitera une autorisation de travail, sans opposabilité de la situation de l’emploi. C’est-à-dire sans nécessité de prouver que le poste n’a pas été pourvu malgré le dépôt d’une annonce de 3 semaines sur Pôle Emploi

254 Article L.423-22 selon la nouvelle codification du CESEDA. Voir infra : l’admission au séjour

255 Voir décision cadre du Défenseur des droits n° 2016- 179 du 24 novembre 2016

256 Arrêté du 28 juin 2019 pris en application de l’article
R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles et relatif à la participation forfaitaire de l’État à la phase de mise à l’abri et d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

257 Instruction n° DGS/SP1/DGOS/SDR4/DSS/SD2/ DGCS/2018/143, du 8 juin 2018, relative à la mise en place du parcours de santé des migrants primo- arrivants.

258 Médecins du Monde notamment

259 Fascicule téléchargeable sur le site d’InfoMIE http:// www.infomie.net/IMG/pdf/infomie_outil_pratique_ signes_souffrance_2016.pdf

260 Voir aussi « La santé mentale des mineurs non accompagnés » rapport réalisé par la mission France de MSF et le, COMEDE, octobre 2021.

261 Voir notamment Décisions du Défenseur des droits n°2019-058, 2019-230 et 2021-010, op. cit.-

262 Fiche thématique de l’UNICEF « Le droit aux loisirs, au sport, à la culture et au jeu »

263 Voir décision du Défenseur des droits n°2019-058 du 28 mars 2019

264 Circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C)

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Rapport | Les mineurs non accompagnés au regard du droit · 2022

265 L’article L 222-5-1 du CASF prévoit : « Un protocole est conclu par le président du conseil départemental, conjointement avec le représentant de l’Etat dans
le département et le président du conseil régional et avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources »

266 Conseil d’Etat, 13 avril 2018, N° 419537
267 Décision du Défenseur des droits n°2018-166 du 1er juin

2018

268 Conseil d’Etat, 26 février 1996, n°155639

269 Voir décision du Défenseur des droits 2019-058, op.cit.

270 Cour administrative d’appel de Paris, 29 avril 2014, n°13PA03173

271 Décision du Défenseur des droits n° 2018-137 du 19 avril 2018 (observations devant le tribunal administratif)

  1. 272  Décision du Défenseur des droits n°2018-300 du 27 décembre 2018
  2. 273  Voir avis du Défenseur des droits n°21-15 op.cit.
  3. 274  Voir infra accès au séjour
  4. 275  Ancien article L. 313-11-2 bis du CESEDA en vigueur jusqu’au 1er mai 2021
  5. 276  article L. 412-1 du CESEDA : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l’étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 411-1 ».

277 Ancien article L. 313-15 du CESEDA en vigueur jusqu’au 1er mai 2021

  1. 278  Circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA (NOR : INTK1229185C)
  2. 279  Voir infra
  3. 280  Voir déjà sur ce thème les rapports du Défenseur des droits du 9 mai 2016, « Droits fondamentaux des étrangers en France », et du 17 janvier 2019, « Dématérialisation et inégalité d’accès au service public »

281 Ancien article R. 311-2-2 du CESEDA en vigueur jusqu’au 1er mai 2021

282 Selon l’ancienne codification
283 Voir également Décision du Défenseur des droits

n° 2022-009 du 6 janvier 2022

284 Note d’actualité (n°17/2017) sur les fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry)

285 Conseil d’Etat,12 juin 2020, n°418142 et dans le même sens tribunal administratif de Nîmes, 3 juillet 2020, n°1904463

286 Voir notamment cour administrative d’appel de Lyon, 3 déc. 2020, n°19LY04177

287 Cour administrative d’appel de Paris, 16 nov. 2015, n°15PA00399

288 Cour administrative d’appel de Nantes, 5 fév. 2021, n°20NT01402

289 Voir notamment décision du Défenseur des droits n°2020-127 du 15 juin 2020

290 Depuis la loi du 10 août 2018 n°2018-727

291 Circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels (NOR : JUSF1602101C)

292 Nouvel article L. 435-3 du CESEDA en vigueur depuis le 1er mai 2021

293 Conseil d’Etat, 2e et 7e ch. réun., 11 déc. 2019, n° 424336

294 Cour administrative d’appel de Douai, 2 juillet 2020, n° 19DA00913

295 Cour administrative d’appel de Nancy, 8 déc. 2020, n° 20NC03342

296 Tribunal administratif de Lille, 2 mai 2018, n°180110 297 Tribunal administratif de Lyon, 12 décembre 2019,

n°1903952

298 Décisions du Défenseur des droits n°2020-032 du 4 février 2020, 2020-039 du 6 février 2020

299 Cour administrative d’appel de Lyon, 11 octobre 2016, n°15LYO0725

300 Cour administrative d’appel de Bordeaux, 14 nov. 2019, n°19BX00402 ; et décision du Défenseur des droits n°2019-124

301 Cour administrative d’appel de Paris, 7e ch., 27 nov. 2015, n° 15PA01205

302 Cour administrative d’appel de Paris, 6e ch., 16 nov. 2015, n° 15PA00399

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